Deux mois de combat marqué par une trachéotomie qui a laissé le pape sans voix
LE MONDE | 01.04.05 | 15h23 • Mis à jour le 01.04.05 | 15h23
Un calvaire de deux mois. C'est le mardi soir 1er février 2005 que le pape, 84 ans, atteint d'une maladie de Parkinson révélée il y a neuf ans, victime d'une mauvaise grippe depuis trois jours, est admis d'urgence à l'hôpital Gemelli de Rome à la suite de spasmes respiratoires.
C'est son septième séjour à Gemelli, où il était entré la première fois le 13 mai 1981, jour de l'attentat de la place Saint-Pierre. C'était aussi la première fois qu'un pape allait se faire soigner à l'hôpital.
Le dimanche suivant 6 février, Jean Paul II fait une apparition à la fenêtre de la chambre qui lui est réservée au dixième étage de Gemelli. Il est très faible et fait dire par son substitut argentin, Mgr Leonardo Sandri, qu'il entend "continuer de servir l'Eglise". C'est une nouvelle manière de faire taire les rumeurs de démission.
Mais, à la surprise générale, le pape sort de l'hôpital le jeudi 10 février. Et c'est en papamobile qu'il choisit de faire le parcours de 5 km qui sépare Gemelli du Vatican. C'est plus qu'une astuce de communication : le pape entend montrer sa détermination à relever le défi de la maladie.
Il faudra assez vite déchanter. L'activité du "convalescent" est fortement réduite. Les audiences du mercredi matin avec les pèlerins de Rome auxquelles il tient tant, sont annulées. Et le jeudi 24 février, c'est la rechute. Le pape a une nouvelle crise respiratoire et doit être à nouveau, et dans l'urgence, hospitalisé. Sans doute était-il sorti trop tôt de l'hôpital la dernière fois.
Le désir de continuer jusqu'au bout sa mission l'a emporté sur les conseils de prudence administrés par tout le corps médical, notamment son médecin personnel Renato Buzzonetti.
Le jeudi soir 24 février, les chirurgiens de Gemelli décident de lui faire subir une trachéotomie. L'anesthésie générale dure une demi-heure environ. Dans la trachée artère du pape, on pose une canule pour faciliter sa respiration. Mais la canule ne lui permet plus de parler et elle rend le malade très vulnérable aux agressions microbiennes.
LE CHEMIN DE CROIX
La deuxième hospitalisation est cette fois plus longue. Les médecins ont moins de peine à convaincre le pape de garder la chambre le plus longtemps possible.
Jean Paul II paraît à sa fenêtre, salue les pèlerins de Gemelli. Les rumeurs ont cessé sur une éventuelle démission, mais une certaine confusion s'installe entre les responsables de la Curie. C'est Stanislas Dziwisz, secrétaire particulier du pape, qui prend les affaires en main, décide d'ouvrir ou non la porte de la chambre de Gemelli aux hommes d'Eglise, responsables des autres religions et hommes politiques italiens venus présenter leurs voeux au malade.
Jean Paul II commence des exercices de rééducation de sa voix, échange quelques mots avec ses plus proches collaborateurs, mais jamais plus il ne sera capable de s'exprimer devant un grand public, sauf les quelques mots sur la place Saint-Pierre qu'il articulera avec douleur le dimanche 13 mars. Quoi qu'il en soit, il a décidé de rentrer au Vatican le jeudi 10 mars. Sa deuxième hospitalisation aura duré cette fois quinze jours.
Jamais le pape ne s'en remettra. Très vite apparaissent des problèmes d'anémie : la canule l'empêche non seulement de parler, mais de déglutir. Il est sous perfusion. Il maigrit à vive allure.
Un communiqué daté du 31 mars estime que le pape a perdu 19 kg en deux mois. La veille, les médecins avaient décidé de lui poser une sonde nasale pour faciliter l'alimentation.
La semaine sainte s'ouvre le dimanche des Rameaux, 20 mars. L'apparition du pape à la fenêtre de la place Saint-Pierre, souffrant, épuisé, incapable de parler, achève de convaincre le monde qu'il ne se remet pas bien de sa maladie. Jean Paul II est absent de toutes les cérémonies de la semaine sainte, où il se fait représenter par des cardinaux de la Curie. Le chemin de croix du vendredi saint a lieu comme chaque année au Colisée, mais le pape, pour la première fois, n'est pas là. Il n'y apparaît, grâce à une vidéo, que de dos.
Le 27 mars, dimanche de Pâques, c'est un visage de douleur qu'il montre. Il est incapable de prononcer la formule de bénédiction urbi et orbi. Les fidèles sont bouleversés, une polémique s'amorce sur l'opportunité de montrer l'agonie du pape polonais. Mais les fidèles veulent le voir jusqu'au bout, comme Jean Paul II a encore besoin du soutien de ses fidèles dans son ultime combat. Sa dernière apparition sera celle du mercredi 23 mars à l'heure de l'audience. Apparition encore silencieuse...
Henri Tincq
Article paru dans l'édition du 02.04.05
Un calvaire de deux mois. C'est le mardi soir 1er février 2005 que le pape, 84 ans, atteint d'une maladie de Parkinson révélée il y a neuf ans, victime d'une mauvaise grippe depuis trois jours, est admis d'urgence à l'hôpital Gemelli de Rome à la suite de spasmes respiratoires.
C'est son septième séjour à Gemelli, où il était entré la première fois le 13 mai 1981, jour de l'attentat de la place Saint-Pierre. C'était aussi la première fois qu'un pape allait se faire soigner à l'hôpital.
Le dimanche suivant 6 février, Jean Paul II fait une apparition à la fenêtre de la chambre qui lui est réservée au dixième étage de Gemelli. Il est très faible et fait dire par son substitut argentin, Mgr Leonardo Sandri, qu'il entend "continuer de servir l'Eglise". C'est une nouvelle manière de faire taire les rumeurs de démission.
Mais, à la surprise générale, le pape sort de l'hôpital le jeudi 10 février. Et c'est en papamobile qu'il choisit de faire le parcours de 5 km qui sépare Gemelli du Vatican. C'est plus qu'une astuce de communication : le pape entend montrer sa détermination à relever le défi de la maladie.
Il faudra assez vite déchanter. L'activité du "convalescent" est fortement réduite. Les audiences du mercredi matin avec les pèlerins de Rome auxquelles il tient tant, sont annulées. Et le jeudi 24 février, c'est la rechute. Le pape a une nouvelle crise respiratoire et doit être à nouveau, et dans l'urgence, hospitalisé. Sans doute était-il sorti trop tôt de l'hôpital la dernière fois.
Le désir de continuer jusqu'au bout sa mission l'a emporté sur les conseils de prudence administrés par tout le corps médical, notamment son médecin personnel Renato Buzzonetti.
Le jeudi soir 24 février, les chirurgiens de Gemelli décident de lui faire subir une trachéotomie. L'anesthésie générale dure une demi-heure environ. Dans la trachée artère du pape, on pose une canule pour faciliter sa respiration. Mais la canule ne lui permet plus de parler et elle rend le malade très vulnérable aux agressions microbiennes.
LE CHEMIN DE CROIX
La deuxième hospitalisation est cette fois plus longue. Les médecins ont moins de peine à convaincre le pape de garder la chambre le plus longtemps possible.
Jean Paul II paraît à sa fenêtre, salue les pèlerins de Gemelli. Les rumeurs ont cessé sur une éventuelle démission, mais une certaine confusion s'installe entre les responsables de la Curie. C'est Stanislas Dziwisz, secrétaire particulier du pape, qui prend les affaires en main, décide d'ouvrir ou non la porte de la chambre de Gemelli aux hommes d'Eglise, responsables des autres religions et hommes politiques italiens venus présenter leurs voeux au malade.
Jean Paul II commence des exercices de rééducation de sa voix, échange quelques mots avec ses plus proches collaborateurs, mais jamais plus il ne sera capable de s'exprimer devant un grand public, sauf les quelques mots sur la place Saint-Pierre qu'il articulera avec douleur le dimanche 13 mars. Quoi qu'il en soit, il a décidé de rentrer au Vatican le jeudi 10 mars. Sa deuxième hospitalisation aura duré cette fois quinze jours.
Jamais le pape ne s'en remettra. Très vite apparaissent des problèmes d'anémie : la canule l'empêche non seulement de parler, mais de déglutir. Il est sous perfusion. Il maigrit à vive allure.
Un communiqué daté du 31 mars estime que le pape a perdu 19 kg en deux mois. La veille, les médecins avaient décidé de lui poser une sonde nasale pour faciliter l'alimentation.
La semaine sainte s'ouvre le dimanche des Rameaux, 20 mars. L'apparition du pape à la fenêtre de la place Saint-Pierre, souffrant, épuisé, incapable de parler, achève de convaincre le monde qu'il ne se remet pas bien de sa maladie. Jean Paul II est absent de toutes les cérémonies de la semaine sainte, où il se fait représenter par des cardinaux de la Curie. Le chemin de croix du vendredi saint a lieu comme chaque année au Colisée, mais le pape, pour la première fois, n'est pas là. Il n'y apparaît, grâce à une vidéo, que de dos.
Le 27 mars, dimanche de Pâques, c'est un visage de douleur qu'il montre. Il est incapable de prononcer la formule de bénédiction urbi et orbi. Les fidèles sont bouleversés, une polémique s'amorce sur l'opportunité de montrer l'agonie du pape polonais. Mais les fidèles veulent le voir jusqu'au bout, comme Jean Paul II a encore besoin du soutien de ses fidèles dans son ultime combat. Sa dernière apparition sera celle du mercredi 23 mars à l'heure de l'audience. Apparition encore silencieuse...
Henri Tincq
Article paru dans l'édition du 02.04.05
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