4.01.2005

Le camerlingue aura les pleins pouvoirs jusqu'à l'élection du nouveau souverain pontife

LE MONDE | 01.04.05 | 15h23  •  Mis à jour le 01.04.05 | 15h23

La mort du pape ouvre une période de vacance à la tête de l'Eglise catholique, pendant laquelle un cardinal, appelé le "camerlingue", gouverne. L'actuel camerlingue - nommé à ce poste par Jean Paul II le 5 avril 1993 - est le cardinal espagnol Eduardo Martinez Somalo, né le 31 mars 1927, ancien substitut de la secrétairerie d'Etat (numéro trois de la Curie) et ancien préfet de la congrégation pour les instituts de vie consacrée (les religieux).
Après la mort du pape et jusqu'à l'élection de son successeur, le camerlingue devient le personnage central du Vatican et de l'Eglise catholique. Il a quasiment les pleins pouvoirs. En effet, nommés par le pape, le secrétaire d'Etat, qui est après lui le numéro deux de la Curie - poste occupé avant la mort de Jean Paul II par le cardinal Angelo Sodano -, ainsi que les chefs des dicastères qui composent le gouvernement de l'Eglise ont démissionné d'office à l'heure même du décès.
Le mot camerlingue vient de l'italien camerlingho (camérier ou chambellan), c'est-à-dire celui qui est à la tête de la "chambre" apostolique. Les prérogatives du camerlingue, désigné de son vivant par le pape, sont très anciennes. Ses fonctions ont été précisées dans la Constitution vaticane du 8 décembre 1945 Vacantis Apostolicae Sedis (sur la vacance du siège apostolique). Elles sont restées en vigueur.
Quand le pape meurt, c'est le camerlingue qui constate officiellement le décès, en présence du maître des célébrations et du chancelier de la Maison pontificale. Jusqu'à la mort de Pie XI en 1939, le cérémonial voulait qu'il frappe trois fois le front du pape et l'appelle à trois reprises par son prénom de baptême. En l'absence de réponse, il se retournait vers les assistants en disant : "Le pape est vraiment mort." Désormais, le constat du médecin suffit. Mais ce sont le camerlingue et le chancelier de la Maison qui dressent l'acte de décès.
Puis le camerlingue fait apposer les scellés sur les appartements privés du pape défunt (bureau et chambre), s'assure que le personnel qui y réside habituellement y demeure jusqu'à la sépulture. Après la sépulture, les scellés sont posés sur l'ensemble des appartements pontificaux.
C'est lui ensuite qui annonce le décès du pape "évêque de Rome" au cardinal vicaire - qui en informe le peuple de Rome par une déclaration spéciale -, puis aux ambassadeurs auprès du Saint-Siège et aux nonces apostoliques en poste à l'étranger.
Le camerlingue prend ensuite officiellement possession du palais apostolique. Il prend les dispositions pour la conservation du corps du pape défunt, à moins que celui-ci n'ait exprimé, avant de mourir, un souhait différent (Pie X, mort le 20 août 1914, et Benoît XV, le 22 janvier 1922, avaient refusé l'embaumement de leur dépouille).
Le préfet de la Maison pontificale remet ensuite au camerlingue l'"anneau du pêcheur" qui autrefois servait à sceller solennellement les documents, mais est resté l'un des symboles forts du pouvoir pontifical. Un cérémoniaire brise l'anneau du pape défunt dès la première réunion de cardinaux.
Pendant la vacance, le camerlingue est chargé de veiller à l'administration des biens et des droits temporels du Saint-Siège, avec l'aide de trois cardinaux assistants. Mais son rôle n'est pas seulement d'expédier les affaires courantes. C'est lui qui convoque les réunions de cardinaux appelées "congrégations", ainsi que le conclave pour élire le nouveau pape.
Le gouvernement de la Cité du Vatican revient au collège des cardinaux, mais ses décrets n'auront de valeur par la suite que si le nouveau pontife les confirme.
Le conclave doit se tenir dix-huit jours au moins après la disparition du pape. Le délai a été rallongé depuis que, aux conclaves de 1914 et de 1922, les cardinaux américains étaient arrivés... le lendemain de l'élection de Benoît XV et de Pie XI ! Pour la préparation du conclave qui doit désigner un nouveau pape, le camerlingue est assisté par les cardinaux chefs des trois ordres : le premier des cardinaux-évêques, qui est en même temps le doyen du sacré collège, en l'espèce le cardinal allemand Josef Ratzinger élu à ce poste en 2002 ; puis le premier des cardinaux-prêtres et le premier des cardinaux-diacres.
Le camerlingue procède personnellement à la vérification et à la fermeture du conclave, dont il détient une des clefs. Après la désignation du nouveau pape, c'est lui qui passe le nouvel "anneau du pêcheur" au doigt de l'élu, et le conduit à ses appartements dont il lui remet les clefs.
La première "congrégation" générale se tient dès le premier jour qui suit la mort du pape, notamment pour régler les dispositifs en vue de la transition et des cérémonies de funérailles. Aux congrégations qui se réunissent ensuite, chaque jour de l'interrègne, se joignent peu à peu les cardinaux qui arrivent à Rome.
Elles favorisent les échanges et la connaissance mutuelle de ces personnalités chargées d'élire le nouveau chef de l'Eglise. Aucune campagne officielle n'est autorisée, mais ces congrégations et les conciliabules officieux dans Rome préparent en fait l'élection. Les fonctions du camerlingue s'achèvent à la prise de pouvoir du nouveau pape.


Henri Tincq
Article paru dans l'édition du 02.04.05
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