12.29.2004

Politique - Jean-Paul II a prôné la paix en 62 langues

Vatican : de notre correspondant Hervé Yannou (Le Figaro)
[27 décembre 2004]

La pluie qui tombait samedi midi sur Rome n'a pas empêché des milliers de personnes de se rendre place Saint-Pierre, où Jean-Paul II a donné sa traditionnelle bénédiction urbi et orbi (sur la ville et sur le monde) du jour de Noël. Dans la nuit, il avait célébré la messe de la nativité. Dans son homélie exceptionnellement courte, le Pape a demandé au «Fils éternel de Dieu» de soutenir «l'humanité entière, marquée par de nombreuses épreuves et de nombreuses difficultés».
Samedi vers 11 h du matin, les riverains du Vatican ont été réveillés en fanfare. Différents détachements de l'armée italienne défilaient en direction de la place Saint-Pierre, invitant les fidèles à les suivre afin de recevoir la traditionnelle bénédiction du Pape. Une bénédiction retransmise cette année dans 73 pays, dont certains majoritairement musulmans comme l'Indonésie, la Turquie ou l'Algérie. Les fidèles et les pèlerins qui s'étaient levés plus tôt suivaient depuis le début de la matinée la messe du jour de Noël, célébrée dans la basilique par le cardinal italien Francesco Marchisano, vicaire du Pape pour la Cité du Vatican. Depuis plusieurs années, pour épargner ses forces, Jean-Paul II ne dit plus cette messe et rejoint simplement à midi la foule rassemblée devant la basilique pour lui délivrer son message de Noël.
Si ce message était court, afin de permettre au Pape de le lire en entier, son contenu était sans ambages. «Partout, nous avons besoin de paix !», a lancé le Souverain Pontife. «Je pense à l'Afrique, à la tragédie du Darfour au Soudan, à la Côte d'Ivoire et à la région des grands lacs. Je suis avec une vive appréhension ce qui se passe en Irak. Et comment ne pas porter un regard d'anxiété qui se fait proche, mais aussi de confiance indestructible», vers la Terre sainte.
Le Pape a ainsi appelé à ce «que cessent les formes si nombreuses de violence qui déferlent et qui sont la cause de souffrances indicibles». D'une voix rauque, essoufflée mais audible, il a encore demandé «que s'éteignent les nombreux foyers de tension, qui risquent de dégénérer en conflits ouverts, que se renforce la volonté de rechercher des solutions pacifiques, respectueuses des légitimes aspirations des hommes et des peuples».
Puis Jean-Paul II n'a pas renoncé à souhaiter un «joyeux Noël» en 62 langues. Soutenu par les vivats de jeunes Madrilènes et par ses collaborateurs qui lui ont apporté à deux reprises un verre d'eau, le Pape a, entre autres, présenté ses voeux en espéranto, luxembourgeois, birman, chinois et tamoul. A cause de sa motricité désormais très limitée, cette cérémonie se déroule maintenant sur le parvis de la basilique vaticane et non depuis le balcon central de sa façade, où les papes donnent traditionnellement ces bénédictions très solennelles.
A minuit, dans la basilique illuminée et décorée de poinsettias rouge et vert, entouré de milliers de fidèles, des ambassadeurs en grande tenue, de cardinaux et de hauts prélats de la curie romaine, Jean-Paul II avait célébré la messe de la nativité. Epaulé par le cardinal allemand Joseph Ratzinger, «gardien de la doctrine de l'Eglise», le Pape a pu économiser ses gestes et ses paroles. Pourtant, sans faiblir, il s'est tenu un moment à genoux sur son prie-Dieu. Lors des prières récitées aux intentions du monde, les fidèles ont été invités à prier pour que «la Terre sainte, chère aux fidèles des trois grandes religions monothéistes, connaisse des temps de prospérité et de coexistence pacifique, dans le respect réciproque de ses habitants». En début de soirée, le Pape avait allumé la «bougie de la paix». Elle était déposée sur le rebord de la fenêtre de son bureau du troisième étage du palais apostolique, plongé dans la pénombre. Au même moment, ce geste était répété dans la grotte de la Nativité à Bethléem.
Au cours de ces célébrations de Noël, Jean-Paul II a manifesté au monde entier sa volonté de poursuivre sa mission, malgré l'évolution inexorable de sa maladie de Parkinson. S'il doit de façon croissante économiser ses forces, son agenda reste encore chargé en cette fin d'année. Il doit ainsi présider le «Te Deum» du 31 décembre saluant la fin de l'année civile, puis la messe de la 38e Journée mondiale de la paix, le 1er janvier. Enfin, il a fixé rendez-vous aux diplomates accrédités au Vatican le 10 janvier, pour un échange de voeux. Une nouvelle occasion pour lui de dresser un bilan de la situation internationale.
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