3.10.2005

L'Eglise espagnole renoue le dialogue avec M. Zapatero

LE MONDE | 10.03.05 | 14h13


C'est un "coup d'état" qui s'est produit à la tête de l'Eglise d'Espagne. Après un an de polémique entre la hiérarchie catholique et le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero, le cardinal Rouco Varela, archevêque de Madrid, proche du Parti populaire et de l'ancien gouvernement Aznar - homme fort de Jean Paul II en Espagne -, a été évincé, mardi 8 mars, de la présidence de la Conférence des évêques.
A une voix près (la sienne ?), il n'a pas réussi à franchir la barre des deux tiers de voix exigée pour un troisième mandat de trois ans. Et, à la surprise générale, ses pairs ont reporté leurs suffrages sur l'évêque de Bilbao, Mgr Ricardo Blazquez, 63 ans, réputé homme de dialogue, qui a été élu de peu, à la majorité simple, à la tête d'un épiscopat très divisé.
La portée de cette élection est double : c'est un vote contre la capitale et un vote contre la ligne dure incarnée par le cardinal Rouco Varela dans les rapports de l'Eglise avec le gouvernement.
Mgr Blazquez a été élu à la présidence grâce aux voix des évêques basques et catalans, notamment du nouvel archevêque de Barcelone, Luis Martinez Sistach. Venu de Bilbao, au Pays basque, il avait appelé à plusieurs reprises l'organisation séparatiste ETA à "déposer les armes". En revanche, il avait souscrit à une note pastorale des évêques basques, très critique sur "la loi des partis" qui aurait conduit à l'interdiction de la formation indépendantiste Batasuna, considérée comme la vitrine politique de l'ETA. Cette position avait indisposé l'archevêque de Madrid.

LA LEÇON DU PAPE

Mais l'échec du cardinal Rouco Varela sanctionne aussi la ligne intransigeante de l'Eglise d'Espagne contre la politique "laïque" du gouvernement Zapatero, notamment contre ses projets de loi autorisant le mariage homosexuel, facilitant le divorce ou limitant l'enseignement religieux à l'école publique.
Le 24 janvier, l'archevêque de Madrid et président des évêques était allé chercher à Rome le soutien du pape, et Jean Paul II avait donné une leçon au gouvernement espagnol qui avait fait sursauter toute la classe politique. Il avait dénoncé le climat de "permissivité morale" et un "laïcisme" qui seraient devenus la loi dans la vieille Espagne catholique.
Dès l'annonce de l'échec du cardinal Rouco, le PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol, au pouvoir) a félicité le nouvel élu de la présidence des évêques. Quant au Parti populaire, proche de l'Eglise, il a pris acte de cette défaite, tout en signalant que Mgr Rouco Varela avait gardé, lors du vote perdu de justesse, "des soutiens très importants".
Convaincu de sa position fragile, le nouveau président a réitéré l'opposition de l'église aux projets du gouvernement Zapatero, mais promis de revenir à la voie du dialogue avec le pouvoir : "Je veux être l'évêque de tous : de ceux qui suivent tel parti politique comme de ceux qui le combattent."

Henri Tincq
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 11.03.05
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