4.01.2005

Le Vatican dément la mort de Jean Paul II

01/04/2005 - 23h17
NUIT DE PRIÈRES PLACE SAINT-PIERRE À ROME

par Philip Pullella et Crispian Balmer

CITE DU VATICAN (Reuters) - Le Vatican a annoncé vendredi que l'état de santé général de Jean Paul II s'était aggravé et qu'il était désormais "notablement compromis", mais en opposant un démenti à l'annonce de sa mort relayée par certains médias italiens.
A l'annonce de la dégradation de l'état de santé du pape qui, à 84 ans, souffre de la maladie de Parkinson, une foule immense, estimée à des dizaines de milliers de personnes, s'est rassemblée dans la soirée place Saint-Pierre pour la prière du Rosaire.
Le cardinal romain Camillo Ruini s'est adressé aux fidèles pour leur dire que Jean Paul II avait "déjà vu et touché la main du Seigneur. Il est déjà uni à notre Sauveur".
Selon le dernier bulletin de santé lu à 19h00 par le porte-parole du Vatican, Joaquin Navarro-Valls, le pape respire faiblement et souffre d'insuffisances cardiaques et rénales ainsi que de troubles de la tension artérielle.
"L'état de santé général et les conditions cardio-respiratoires du Saint-Père se sont encore aggravées", a-t-il dit.
"On note une détérioration progressive de l'hypotension artérielle, et la respiration est devenue faible. Le bilan clinique indique une insuffisance cardio-circulatoire et rénale. Les paramètres biologiques sont notablement compromis", a-t-il ajouté.
Toutefois, a-t-il noté, "le Saint-Père montre clairement qu'il se joint aux prières continuelles de ceux qui sont à son chevet".

"LE PAPE N'EST PAS MORT"

Ces propos semblaient contredire des informations de l'agence de presse Apcom citées par la chaîne de télévision Sky Italia et selon lesquelles le pape Jean Paul II aurait perdu connaissance.
L'agence italienne Ansa citait pour sa part des sources médicales non identifiées affirmant qu'il n'y avait "plus d'espoir" pour le pape.
Le Vatican a ensuite tenu à faire taire les rumeurs relayées par les médias italiens faisant état du décès du pape.
"Il n'est pas vrai que le pape soit mort et il n'y a aucune vérité (dans le fait de dire) que son électrocardiogramme est plat car il n'y a aucun appareil de ce type dans les appartements pontificaux", a dit un responsable du Saint-Siège, réagissant à une information de la RAI.
Victime dans la nuit de jeudi à vendredi d'un arrêt cardiaque et d'une septicémie, Jean Paul II a refusé une nouvelle hospitalisation après deux séjours en février et mars à la polyclinique Gemelli de Rome, où il a été admis à deux reprises pour des problèmes respiratoires.

"IL S'ETEINT DANS LA SERENITE"

En milieu de journée, le bulletin de santé publié par le Vatican parlait d'un état très grave mais stabilisé, mettant fin aux rumeurs de coma qui avaient couru dans la matinée.
Navarro-Valls avait alors déclaré que le pape était conscient et avait demandé qu'on lui lise le "Via Crucis", le chemin de croix, qui retrace les dernières heures du Christ.
"Le pape est lucide, pleinement conscient et (...) très serein", avait-il dit.
Le Saint-Père a reçu dans la matinée l'onction des malades, les derniers sacrements de l'Eglise catholique réservés aux fidèles dont on redoute un décès imminent.
"Il s'éteint dans la sérénité", a commenté le cardinal polonais Andrzej Maria Deskur, proche ami du pape, cité par l'agence de presse italienne AGI.
L'ancien secrétaire particulier du pape, qui a travaillé pendant neuf années auprès de Jean Paul II, a également jugé que celui-ci était prêt à mourir.
"Le fait qu'il ne soit pas retourné à l'hôpital (prouve) qu'il porte la croix avec sérénité et qu'il est prêt à renoncer et à dire 'c'est terminé'", a déclaré John Magee, évêque de Cloyne, en Irlande.

AUCUN FAVORI A LA SUCCESSION

Dans l'après-midi, le Vatican a annoncé que Jean Paul II avait procédé à la nomination de 17 nouveaux évêques et archevêques et entériné la démission de six autres, englobant l'Asie, l'Afrique, l'Amérique latine, l'Europe et le Pacifique.
L'ampleur de ces nominations en série est inhabituelle et laisse penser que le pape et son entourage ont souhaité ainsi accomplir une tâche restée en suspens.
Affaibli depuis une dizaine d'années par la maladie de Parkinson, le pape a été hospitalisé à deux reprises depuis début février. Le 24 février, il a subi une trachéotomie censée faciliter sa respiration puis, mercredi, les médecins lui ont posé un tube nasal pour l'aider à s'alimenter.
Depuis sa sortie de l'hôpital le 13 mars, Jean Paul II a été incapable de parler en public malgré une dernière tentative, manifestement douloureuse, lors des célébrations de Pâques puis de nouveau mercredi dernier.
Les catholiques, estimés à plus d'un milliard dans le monde, se sont rassemblés pour des prières vendredi, notamment en Pologne, terre natale de Karol Wojtyla.
En Italie, les partis politiques ont décidé de suspendre la campagne pour les élections régionales et le président du Conseil, Silvio Berlusconi, a annulé tous ses rendez-vous. Les matches de Serie A italienne de football prévus ce week-end ont été annulés.
En cas de décès de Jean Paul II, les cardinaux du monde entier se réuniront en conclave au Vatican pour désigner son successeur. Aucun favori ne semble se dégager. Karol Wojtyla, cardinal de Cracovie, avait lui-même été élu à la surprise générale le 16 octobre 1978.
Premier pape non italien depuis près de cinq siècles, Jean Paul II a parcouru le monde entier au cours de son pontificat, qui, aux yeux de nombreux observateurs, restera marqué par son rôle dans la chute des régimes communistes en Europe en 1989.
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