5.14.2005

Benoît XVI met en place sa diplomatie et adresse des signaux à Pékin et à Moscou

LE MONDE | 14.05.05 | 13h10  •  Mis à jour le 14.05.05 | 13h10

Comment capitaliser la ferveur populaire et la sympathie internationale que la mort de Jean Paul II, le 2 avril, et ses funérailles, le 8, ontsuscitées ? C'est la question à laquelle le nouveau pape, Benoît XVI, s'est attelé, si l'on en juge par l'ouverture, vendredi 13 mai, d'une procédure exceptionnelle pour hâter la béatification du pape défunt et par les ouvertures diplomatiques qu'il avait faites, la veille, lors de son premier discours de politique internationale, devant les 174 ambassadeurs accrédités auprès du Saint-Siège.
Benoît XVI a suspendu le délai obligatoire de cinq ans avant l'ouverture de la cause de béatification et de canonisation de son prédécesseur. Cette annonce a été faite, vendredi, lors de la première audience du nouveau pape au clergé de Rome, dans la basilique Saint-Jean-de-Latran.
Avant même qu'il n'ait eu le temps de terminer la lecture - en latin - de la lettre adressée aux autorités du diocèse de Rome et de la congrégation pour la cause des saints, l'assistance s'est levée pour applaudir avec enthousiasme.
Devant les ambassadeurs, jeudi 12 mai, Benoît XVI avait montré sa résolution d'aller de l'avant aussi dans le domaine international. Il a lancé un appel aux pays avec lesquels le Saint-Siège n'a toujours pas de relations officielles. Certains "se sont associés aux célébrations à l'occasion de la mort de -son- prédécesseur et de -son- élection" , a-t-il souligné, avant de souhaiter les voir "au plus tôt" représentés près du Vatican.
Les funérailles du pape et l'élection de Benoît XVI, le 19 avril, avaient permis de nouer des échanges sans précédent avec le Vietnam, l'Arabie saoudite et surtout la Chine.


LE CONTENTIEUX SUR TAÏWAN


Pékin n'avait envoyé personne aux obsèques de Jean Paul II, contrairement à Taïwan. Mais la Chine avait félicité Benoît XVI de son élection et souhaité que, "sous la direction du nouveau pape, le Vatican crée des conditions favorables à de meilleures relations" .
Le régime chinois a rompu ses relations avec le Vatican en 1951 et toujours affirmé qu'il étudierait la reprise du dialogue si le pape cessait d'entretenir des relations avec Taïwan.
La question de la Chine semble donc tenir à coeur au nouveau pape. Comme celle de la Russie, représentée au Vatican par une simple mission diplomatique. Benoît XVI avait déjà proposé la reprise de la discussion avec l'Eglise orthodoxe de Russie.
Pékin et Moscou restent les deux zones d'ombre du dernier pontificat. Ces pays comptent des minorités catholiques que Jean Paul II a toujours regretté de n'avoir pu visiter. Son successeur veut y parvenir, mais avec quels espoirs ?
Radio Vatican vient de déplorer qu'elle était toujours sans nouvelles depuis quatre ans de Mgr Shi Enxiang, évêque de l'Eglise clandestine. Selon l'agence Asianews, une vingtaine d'évêques seraient incarcérés en Chine.
Benoît XVI a aussi innové jeudi, en évoquant, pour la première fois, son passé allemand : "Je viens d'un pays, a-t-il affirmé, où la paix et la fraternité sont chères au coeur de tous les habitants, notamment pour ceux qui, comme moi, ont connu la guerre et la séparation entre frères appartenant à une même nation, en raison d'idéologies dévastatrices et inhumaines qui, sous couvert de rêves et d'illusion, faisaient peser sur les hommes le joug de l'oppression."
Pour le pape, cette première allusion à son origine nationale n'avait d'autre sens que de souligner combien il entendait rester fidèle aussi à son prédécesseur dans la lutte contre tout ce qui peut favoriser l'affrontement entre cultures, ethnies et civilisations.

Henri Tincq
Article paru dans l'édition du 15.05.05
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