2.25.2005

La rechute du pape grippe la machine du Vatican

Monde

Jean Paul II a de nouveau été hospitalisé en urgence et opéré, hier à Rome.

Par Eric JOZSEF
vendredi 25 février 2005


Rome de notre correspondant

uand le pape éternue, le Vatican s'enrhume et navigue à vue. Déjà hospitalisé en urgence pendant dix jours début février pour une laryngo-trachéite aiguë, Jean Paul II a été transporté hier matin dans la précipitation à la polyclinique Gemelli, ce qui a plongé l'Etat pontifical dans la confusion. Victime d'une rechute, le souverain pontife, âgé de 84 ans, a été emmené en ambulance sur décision de ses médecins, avant que la curie soit informée de la nouvelle. Même le secrétaire d'Etat Angelo Sodano, qui fait office de Premier ministre du Vatican, a été pris au dépourvu, pensant que le pape suivait les travaux d'un consistoire par liaison vidéo, alors qu'il était déjà à l'hôpital. Avec la détérioration de l'état de santé de Karol Wojtyla, la machine institutionnelle du Vatican risque d'être durablement grippée.
Certes, depuis des années, les palais pontificaux ont appris à vivre avec un pape malade. D'autant que, rappelle le vaticanologue de l'hebdomadaire l'Espresso, Sandro Magister, «Jean Paul II ne s'est jamais beaucoup intéressé au gouvernement ordinaire de l'Eglise, même lorsqu'il était en pleine forme physique, préférant concentrer son action sur ses voyages à l'étranger et les grandes questions comme les mea-culpa ou le jubilé de l'an 2000». Mais ses hospitalisations à répétition posent la question de sa capacité à demeurer sur le trône de saint Pierre et attisent les conflits d'influences au sein de la curie.
«Pour tout ce qui concerne les pouvoirs exclusifs du pape, on assiste à une paralysie complète», regrette Giancarlo Zizola, spécialiste du Vatican pour le quotidien Il Sole-24 Ore et auteur, entre autres, de l'Autre Wojtyla. «Toutes les décisions papales prises depuis début février étaient en réalité antérieures à son hospitalisation, y compris la nomination du nouvel archevêque de Paris.» Si les affaires courantes continuent d'être assurées par le cardinal Sodano, aucun membre de la curie ne peut signer de documents officiels à la place de Jean Paul II. «C'est l'impasse», insiste Giancarlo Zizola. Car, lors de sa brève apparition à la fenêtre de sa chambre d'hôpital, le 6 février, le pape a de nouveau exclu l'hypothèse d'une démission. En clair, tant que Jean Paul II sera lucide, le Vatican est destiné à vivre au ralenti. «S'il devait perdre la raison, il serait alors possible de recourir à une procédure d'empêchement, mais, dans l'histoire moderne de l'Eglise, celle-ci n'a jamais été expérimentée», analyse Sandro Magister.
En attendant, la monarchie absolue du Vatican ressemble de plus en plus à une oligarchie de fin de règne. Outre Angelo Sodano, le puissant préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi Joseph Ratzinger et, dans une moindre mesure, le cardinal Ruini, président de la conférence épiscopale italienne et évêque vicaire de Rome, conservent les clés de la machine pontificale. Mais, au fil des jours, le secrétaire personnel de Jean Paul II, Mgr Stanislaw Dziwisz, a acquis un poids très important, voire, pour certains, démesuré. Dans les palais comme à la clinique, c'est lui qui décide de l'accès à Karol Wojtyla. Dziwisz se fait son interprète. Si le subtil équilibre des pouvoirs empêche a priori qu'une seule personne puisse se substituer au souverain pontife, en coulisse certains ne cachent pas qu'il existe un risque réel que le secrétaire prenne des décisions à la place du pape.
«Cela faisait très longtemps qu'un secrétaire pontifical n'avait eu une telle influence. C'est un problème très sérieux», note Giancarlo Zizola, qui estime qu'une phase historique se ferme : «La réforme préconisée dans le cadre du concile Vatican II, visant à instaurer un gouvernement de l'Eglise plus collégial, a été bloquée. On en est resté à la monarchie de Vatican I, sans prévoir que le pape infaillible puisse faillir.»

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