L'effacement de Benoît XVI intrigue de plus en plus le Vatican
LE MONDE | 11.11.05 | 13h36 • Mis à jour le 11.11.05 | 13h36
BENOÎT XVI ne présidera pas, dimanche 13 novembre, à la basilique Saint-Pierre de Rome, la béatification de Charles de Foucauld (1858-1916), l'ermite de Tamanrasset. Comme pour celle de l'évêque antinazi Clemens von Galen, il fera une brève apparition à la fin de la cérémonie et adressera quelques mots à la famille spirituelle de Foucauld et à la France, représentée par l'épouse du premier ministre, Marie-Laure de Villepin, et Pascal Clément, ministre de la justice.
Près de sept mois après avoir été élu, Benoît XVI reste une énigme. Voudrait-il souligner sa différence avec son prédécesseur, cultiver la discrétion, montrer qu'il aime se hâter lentement qu'il ne s'y prendrait pas autrement. Rome est dans l'attente de décisions qui sont l'ordinaire de tout nouveau pape : la nomination d'un secrétaire d'Etat (numéro 2), une profonde réforme de la Curie, des changements d'hommes au sommet de l'Eglise, une lettre-encyclique traçant les axes du pontificat, des créations de cardinaux, etc.
Mais tout se passe comme si Benoît XVI prenait un malin plaisir à faire régner le doute sur ses intentions, à laisser spéculer les observateurs, qui avaient hâtivement tracé de lui l'image d'un pape conservateur. Rien ne filtre plus et les "vaticanistes" s'ennuient.
Le nouveau pape ne fait plus table ouverte, comme Jean Paul II. Il ne reçoit même plus dans sa chapelle privée pour la messe du matin, cérémonie qui était devenue le moyen privilégié d'accès à son prédécesseur, ainsi qu'une source de trafic pour des pèlerins polonais ! Le nouveau pape reçoit peu, sauf les évêques en visite à Rome, qu'il écoute longuement. Il réfléchit, écrit, travaille, assurent ses proches, mais de manière solitaire.
Il ne reçoit plus ces groupes d'orientation plus ou moins douteuse qui, du temps de Jean Paul II, venaient au Vatican chercher une caution. "On respire mieux", disent ainsi les fonctionnaires de la secrétairerie d'Etat, qui ne sont plus sous pression. Il lui est arrivé d'éconduire courtoisement des "conseilleurs" venus l'entretenir de l'urgence d'une réforme de la Curie ou d'un consistoire de cardinaux. Les observateurs comparent ce début de règne à celui de Jean XXIII (1958-1963), également secret et insensible, sous sa jovialité naturelle, aux groupes de pression, avant d'annoncer, à la surprise de tous, la tenue d'un concile.
LES PÈLERINS SONT CONQUIS
Alors, dans cette période d'attente, les spéculations vont bon train. Les noms circulent pour la succession du secrétaire d'Etat, le cardinal Angelo Sodano, 78 ans, en fonction depuis quinze ans. La personnalité du cardinal Giovanni-Battista Ré, longtemps substitut de Jean Paul II, qui connaît la Curie comme sa poche, s'impose naturellement. Mais on n'exclut pas le choix du cardinal indien Ivan Dias, actuel archevêque de Bombay, ancien diplomate. Sa désignation serait une surprise et un signe au tiers-monde.
Y aura t-il bientôt une encyclique fondatrice ? Même les plus proches disent l'ignorer. Ils savent seulement que le 8 décembre, jour du 40e anniversaire du concile Vatican II (1962-1965), l'ex-cardinal Ratzinger pourrait publier un "texte fort" sur le Christ, la vérité et la foi. Mais à la télévision polonaise, le 16 octobre, Benoît XVI avait indiqué que, plutôt que d'attendre de nouveaux documents, les fidèles devaient d'abord absorber tous ceux de Jean Paul II.
Quant aux voyages, ils seront plus rares et brefs. Benoît XVI a nommé un nouvel organisateur des déplacements pontificaux, Alberto Gasparri un laïc, pour la première fois, qui succède à Mgr Renato Boccardo qui s'est empressé de dire que la fonction serait plus "légère" que sous Jean Paul II : "Les voyages d'une dizaine de jours, c'est fini !"
Ce nouveau pape, qui rompt avec les usages de son prédécesseur, attire pourtant les foules. Tout Rome fait observer qu'il y a beaucoup plus de monde aux audiences générales du mercredi ou lors de l'angelus du dimanche que sous la fin du règne de Jean Paul II. Vingt mille personnes descendent chaque jour à la crypte de la basilique Saint-Pierre, où est enterré le pape polonais. Mais cela ne suffit pas à expliquer l'afflux. Les pèlerins se disent conquis par la "simplicité" du nouveau pape. Benoît XVI se fait attendre, mais il a déjà trouvé un style.
Henri Tincq
Article paru dans l'édition du 12.11.05
BENOÎT XVI ne présidera pas, dimanche 13 novembre, à la basilique Saint-Pierre de Rome, la béatification de Charles de Foucauld (1858-1916), l'ermite de Tamanrasset. Comme pour celle de l'évêque antinazi Clemens von Galen, il fera une brève apparition à la fin de la cérémonie et adressera quelques mots à la famille spirituelle de Foucauld et à la France, représentée par l'épouse du premier ministre, Marie-Laure de Villepin, et Pascal Clément, ministre de la justice.
Près de sept mois après avoir été élu, Benoît XVI reste une énigme. Voudrait-il souligner sa différence avec son prédécesseur, cultiver la discrétion, montrer qu'il aime se hâter lentement qu'il ne s'y prendrait pas autrement. Rome est dans l'attente de décisions qui sont l'ordinaire de tout nouveau pape : la nomination d'un secrétaire d'Etat (numéro 2), une profonde réforme de la Curie, des changements d'hommes au sommet de l'Eglise, une lettre-encyclique traçant les axes du pontificat, des créations de cardinaux, etc.
Mais tout se passe comme si Benoît XVI prenait un malin plaisir à faire régner le doute sur ses intentions, à laisser spéculer les observateurs, qui avaient hâtivement tracé de lui l'image d'un pape conservateur. Rien ne filtre plus et les "vaticanistes" s'ennuient.
Le nouveau pape ne fait plus table ouverte, comme Jean Paul II. Il ne reçoit même plus dans sa chapelle privée pour la messe du matin, cérémonie qui était devenue le moyen privilégié d'accès à son prédécesseur, ainsi qu'une source de trafic pour des pèlerins polonais ! Le nouveau pape reçoit peu, sauf les évêques en visite à Rome, qu'il écoute longuement. Il réfléchit, écrit, travaille, assurent ses proches, mais de manière solitaire.
Il ne reçoit plus ces groupes d'orientation plus ou moins douteuse qui, du temps de Jean Paul II, venaient au Vatican chercher une caution. "On respire mieux", disent ainsi les fonctionnaires de la secrétairerie d'Etat, qui ne sont plus sous pression. Il lui est arrivé d'éconduire courtoisement des "conseilleurs" venus l'entretenir de l'urgence d'une réforme de la Curie ou d'un consistoire de cardinaux. Les observateurs comparent ce début de règne à celui de Jean XXIII (1958-1963), également secret et insensible, sous sa jovialité naturelle, aux groupes de pression, avant d'annoncer, à la surprise de tous, la tenue d'un concile.
LES PÈLERINS SONT CONQUIS
Alors, dans cette période d'attente, les spéculations vont bon train. Les noms circulent pour la succession du secrétaire d'Etat, le cardinal Angelo Sodano, 78 ans, en fonction depuis quinze ans. La personnalité du cardinal Giovanni-Battista Ré, longtemps substitut de Jean Paul II, qui connaît la Curie comme sa poche, s'impose naturellement. Mais on n'exclut pas le choix du cardinal indien Ivan Dias, actuel archevêque de Bombay, ancien diplomate. Sa désignation serait une surprise et un signe au tiers-monde.
Y aura t-il bientôt une encyclique fondatrice ? Même les plus proches disent l'ignorer. Ils savent seulement que le 8 décembre, jour du 40e anniversaire du concile Vatican II (1962-1965), l'ex-cardinal Ratzinger pourrait publier un "texte fort" sur le Christ, la vérité et la foi. Mais à la télévision polonaise, le 16 octobre, Benoît XVI avait indiqué que, plutôt que d'attendre de nouveaux documents, les fidèles devaient d'abord absorber tous ceux de Jean Paul II.
Quant aux voyages, ils seront plus rares et brefs. Benoît XVI a nommé un nouvel organisateur des déplacements pontificaux, Alberto Gasparri un laïc, pour la première fois, qui succède à Mgr Renato Boccardo qui s'est empressé de dire que la fonction serait plus "légère" que sous Jean Paul II : "Les voyages d'une dizaine de jours, c'est fini !"
Ce nouveau pape, qui rompt avec les usages de son prédécesseur, attire pourtant les foules. Tout Rome fait observer qu'il y a beaucoup plus de monde aux audiences générales du mercredi ou lors de l'angelus du dimanche que sous la fin du règne de Jean Paul II. Vingt mille personnes descendent chaque jour à la crypte de la basilique Saint-Pierre, où est enterré le pape polonais. Mais cela ne suffit pas à expliquer l'afflux. Les pèlerins se disent conquis par la "simplicité" du nouveau pape. Benoît XVI se fait attendre, mais il a déjà trouvé un style.
Henri Tincq
Article paru dans l'édition du 12.11.05
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