L'ombre de Brejnev sur l'attentat contre Jean-Paul II
Alain Barluet (Avec Richard Heuzé à Rome)
Le Figaro 03 mars 2006
Selon une commission d'enquête parlementaire italienne, c'est l'ex-numéro un soviétique qui avait décidé d'assassiner le pape en 1981.
La tentative d'assassinat du Pape jean-Paul II, en 1981, sur la place Saint-Pierre de Rome. Photo AP/Arturo Mari
LEONID BREJNEV a-t-il armé le bras de Mehmet Ali Agça, auteur de la tentative d'assassinat contre Jean-Paul II le 13 mai 1981 à Rome ? Ce pavé dans la mare d'une enquête stagnante depuis deux décennies vient d'être lancé par une commission parlementaire italienne ayant travaillé sur les archives d'un ex-agent du KGB passé à l'Ouest au début des années 90, Vassili Mitrokhine.
Ses conclusions, souvent évoquées mais jamais étayées, risquent de faire du bruit : le numéro un soviétique d'alors a bien commandité l'attentat de la place Saint-Pierre. Dans le rapport qu'elle doit publier ces jours-ci, la «commission Mitrokhine» – chargée princi palement d'enquêter sur les activités des services secrets communistes en Italie pendant la guerre froide – révèle que la tentative d'assassinat du pape polonais, place Saint-Pierre, a été «planifiée» par «les autorités militaires soviétiques» sur instruction du chef du Kremlin.
Selon les parlementaires italiens, l'exécution de l'opération a été confiée au GRU, les services de renseignements de l'armée soviétique, qui auraient «ensuite procédé à une répartition des tâches». D'après ce scénario, le GRU aurait ainsi choisi comme «couverture» les services secrets bulgares, rapidement mis en cause mais dont la responsabilité n'a jamais pu être formellement établie. Une «filière bulgare» – et derrière elle l'ombre des services secrets soviétiques – qui ressurgit en pleine lumière à travers le rapport d'enquête du Parlement italien. Celui-ci atteste en effet de la présence place Saint-Pierre, au moment de l'attentat, du ressortissant bulgare Serguei Ali Antonov, chef d'escale de Balkan Air à Rome, arrêté fin 1982 sur dénonciation d'Ali Agça et relaxé en 1986 pour insuffisance de preuves. Trois photos provenant des archives de l'ex-agent du KGB Vassili Mitrokhine ont été versées le 10 octobre dernier aux archives de la Commission.
Une enquête qui n'a jamais été clôturée
«Deux séries d'examens anthropométriques de ces clichés réalisés par la police scientifique italienne affirment sans l'ombre du doute qu'un des personnages regardant en direction du pape n'est autre qu'Antonov», déclare au Figaro le président de la Commission parlementaire, le député de Forza Italia Paolo Guzzanti. Les deux séries d'examen commanditées par la majorité de droite et la minorité de gauche de la commission concordent sur ce point.
Pendant son procès, Serguei Antonov avait nié s'être trouvé dans les parages du Vatican au moment de l'attentat. Le terroriste turc Ali Agça, qui s'était réfugié en Bulgarie après s'être évadé en 1979 d'une prison turque, avait d'abord affirmé qu'il avait été chargé d'assassiner le pape par un caïd de la mafia, Bechir Celenk, lié aux services secrets bulgares. C'est à Rome, dans l'appartement de Serguei Antonov dont il avait fait une description assez précise, qu'il aurait reçu ses dernières instructions. Au cours de ses procès, le terroriste turc a toutefois donné plusieurs versions différentes avant de se rétracter en 1985 et d'innocenter Antonov.
Paolo Guzzanti estime que le rapport parlementaire devrait permettre à la justice italienne de reprendre une enquête qui n'a jamais été clôturée. «Antonov ne peut être jugé une seconde fois. Il devrait toutefois être possible d'établir la responsabilité du GRU dans cet attentat. Il paraît de plus en plus certain que Ali Agça n'a pas agi seul.» «Le Saint-Père lui-même l'a fait comprendre dans son dernier ouvrage en affirmant qu'il était un assassin professionnel», dit Paolo Guzzanti.
Le Figaro 03 mars 2006
Selon une commission d'enquête parlementaire italienne, c'est l'ex-numéro un soviétique qui avait décidé d'assassiner le pape en 1981.
La tentative d'assassinat du Pape jean-Paul II, en 1981, sur la place Saint-Pierre de Rome. Photo AP/Arturo Mari
LEONID BREJNEV a-t-il armé le bras de Mehmet Ali Agça, auteur de la tentative d'assassinat contre Jean-Paul II le 13 mai 1981 à Rome ? Ce pavé dans la mare d'une enquête stagnante depuis deux décennies vient d'être lancé par une commission parlementaire italienne ayant travaillé sur les archives d'un ex-agent du KGB passé à l'Ouest au début des années 90, Vassili Mitrokhine.
Ses conclusions, souvent évoquées mais jamais étayées, risquent de faire du bruit : le numéro un soviétique d'alors a bien commandité l'attentat de la place Saint-Pierre. Dans le rapport qu'elle doit publier ces jours-ci, la «commission Mitrokhine» – chargée princi palement d'enquêter sur les activités des services secrets communistes en Italie pendant la guerre froide – révèle que la tentative d'assassinat du pape polonais, place Saint-Pierre, a été «planifiée» par «les autorités militaires soviétiques» sur instruction du chef du Kremlin.
Selon les parlementaires italiens, l'exécution de l'opération a été confiée au GRU, les services de renseignements de l'armée soviétique, qui auraient «ensuite procédé à une répartition des tâches». D'après ce scénario, le GRU aurait ainsi choisi comme «couverture» les services secrets bulgares, rapidement mis en cause mais dont la responsabilité n'a jamais pu être formellement établie. Une «filière bulgare» – et derrière elle l'ombre des services secrets soviétiques – qui ressurgit en pleine lumière à travers le rapport d'enquête du Parlement italien. Celui-ci atteste en effet de la présence place Saint-Pierre, au moment de l'attentat, du ressortissant bulgare Serguei Ali Antonov, chef d'escale de Balkan Air à Rome, arrêté fin 1982 sur dénonciation d'Ali Agça et relaxé en 1986 pour insuffisance de preuves. Trois photos provenant des archives de l'ex-agent du KGB Vassili Mitrokhine ont été versées le 10 octobre dernier aux archives de la Commission.
Une enquête qui n'a jamais été clôturée
«Deux séries d'examens anthropométriques de ces clichés réalisés par la police scientifique italienne affirment sans l'ombre du doute qu'un des personnages regardant en direction du pape n'est autre qu'Antonov», déclare au Figaro le président de la Commission parlementaire, le député de Forza Italia Paolo Guzzanti. Les deux séries d'examen commanditées par la majorité de droite et la minorité de gauche de la commission concordent sur ce point.
Pendant son procès, Serguei Antonov avait nié s'être trouvé dans les parages du Vatican au moment de l'attentat. Le terroriste turc Ali Agça, qui s'était réfugié en Bulgarie après s'être évadé en 1979 d'une prison turque, avait d'abord affirmé qu'il avait été chargé d'assassiner le pape par un caïd de la mafia, Bechir Celenk, lié aux services secrets bulgares. C'est à Rome, dans l'appartement de Serguei Antonov dont il avait fait une description assez précise, qu'il aurait reçu ses dernières instructions. Au cours de ses procès, le terroriste turc a toutefois donné plusieurs versions différentes avant de se rétracter en 1985 et d'innocenter Antonov.
Paolo Guzzanti estime que le rapport parlementaire devrait permettre à la justice italienne de reprendre une enquête qui n'a jamais été clôturée. «Antonov ne peut être jugé une seconde fois. Il devrait toutefois être possible d'établir la responsabilité du GRU dans cet attentat. Il paraît de plus en plus certain que Ali Agça n'a pas agi seul.» «Le Saint-Père lui-même l'a fait comprendre dans son dernier ouvrage en affirmant qu'il était un assassin professionnel», dit Paolo Guzzanti.
<< Home