4.05.2006

Emotion à Rome un an après la mort de Jean Paul II

Compte rendu

LE MONDE | 03.04.06 | 14h35 • Mis à jour le 03.04.06 | 14h35
ROME ENVOYÉ SPÉCIAL

En Pologne, comme à Rome, on l'appelle la "minute sacrée". C'est en effet à ce moment précis - 21 h 37 - que Jean Paul II a expiré. C'était le samedi 2 avril 2005 et, place Saint-Pierre, des dizaines de milliers de fidèles, à genoux sur le pavé, autour de photos du pape, de bougies allumées et de fleurs fanées, les yeux tournés vers la fenêtre du malade, au troisième étage du palais, avaient suivi en direct son agonie. Un an après, ce dimanche 2 avril, à 21 h 37, ils sont à nouveau là - 80 000 - pour se recueillir et se souvenir. Sur une banderole, on peut lire en anglais : "Karol, nous sommes ici avec toi. Pour te remercier. Nous ne t'oublions pas."
La plupart sont venus de Pologne, avec des drapeaux rouge et blanc, marqués Solidarnosc et portant les dates 1980-2005 : celles des accords de Gdansk et de la mort de Jean Paul II. Le pape polonais reste identifié à l'aventure du premier syndicat libre d'Europe de l'Est communiste. Les autres sont des fidèles italiens, allemands, russes, croates, américains, etc. Leurs banderoles retracent la trajectoire de ce pontificat de plus de vingt-six ans : "N'ayez pas peur", souvenir des premiers mots prononcés par Jean Paul II le 22 octobre 1978 ; "Laissez-moi retourner vers la maison du Père", ses dernières paroles murmurées quelques heures avant sa mort.
Dimanche soir, la place Saint-Pierre est recueillie, émue, mais sans tristesse ni nostalgie. "Je ne peux oublier son sourire, ni son énergie", dit un jeune père de famille italien. Chapelet à la main, la foule prie, chante, écoute des textes écrits par le pape défunt. Les souvenirs défilent devant les yeux comme sur les écrans : rassemblements dans le monde entier ; files d'attente ininterrompues devant la dépouille ; les obsèques de Jean Paul II pape, le 8 avril, suivies par trois millions de personnes à Rome, un parterre de souverains, de chefs d'Etat, de dignitaires religieux, retransmises par toutes les télévisions, y compris la chaîne arabe Al-Jazira.

"IMMENSE HÉRITAGE"

A 21 h 37, le pape Benoît XVI, depuis la fenêtre éclairée du troisième étage, prend la parole et rend hommage à son prédécesseur : "Ce grand pape reste vivant dans notre mémoire et notre coeur. Il continue à nous communiquer son amour de Dieu et son amour de l'homme", dit-il. La foule applaudit. Dimanche midi, à la prière de l'Angélus, il avait déjà souligné l'"immense héritage" de Jean Paul II, qui a laissé "une trace profonde dans l'histoire de l'Eglise et celle de l'humanité". Il est mort comme il a toujours vécu, "animé de l'indomptable courage de la foi", ajoute Benoît XVI, rappelant les nombreux voyages du pape polonais jusqu'à sa maladie : "Son geste s'est alors réduit à l'essentiel : le don de lui-même jusqu'à la fin."
Au même moment, en Pologne, les cloches ont sonné dans toutes les églises. Des célébrations ont eu lieu tout le week-end dans les cathédrales de Varsovie, de Cracovie et à Wadowice, la ville natale du pape Wojtyla. Stanislaw Dziwisz, son ancien secrétaire privé, devenu archevêque de Cracovie et cardinal, a loué son "exemple de sainteté". Un mot qui brûle les lèvres en Pologne et à Rome. Des banderoles exigeant que le pape défunt soit proclamé "saint tout de suite" ("santo subito") ont été ressorties dimanche. Des rumeurs tentent même de faire croire que Benoît XVI pourrait accéder à cette demande lors de son voyage en Pologne, le dernier week-end de mai.
Plus sagement, le procès de béatification de Jean Paul II suit son cours. Des centaines de témoignages ont été recueillis et des milliers de pages consultées en Pologne sur l'enfance et la jeunesse de Karol Wojtyla. Le culte de la personnalité du pape défunt se porte bien. On estime à 4 millions le nombre de catholiques qui, depuis un an, se sont rendus sur sa tombe dans la crypte de la basilique Saint-Pierre. Mais il ne semble pas que Benoît XVI soit homme à violer les procédures, et la béatification du pape mort il y a un an prendra encore du temps.

Henri Tincq
Article paru dans l'édition du 04.04.06
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