1.20.2005

Confusion autour de la doctrine de l'Eglise espagnole sur l'usage du préservatif

Madrid : Diane Cambon
[Le Figaro 20 janvier 2005]


L'Eglise espagnole aura attendu moins d'une journée pour rectifier sa position sur l'usage du préservatif. Mardi soir, la conférence épiscopale espagnole avait créé la surprise en se démarquant pour la première fois de la doctrine officielle, en recommandant l'utilisation du préservatif «dans la prévention intégrale et globale du sida». Les déclarations du porte-parole et secrétaire générale espagnol, Juan Antonio Martinez Camino, réalisées à la suite d'une réunion avec le ministre de la Santé, Elena Salgado, avaient eu l'effet, hier, d'une mini bombe au sein du Vatican.
Rome a d'abord réagi avec scepticisme. Le haut prélat chargé de la santé au Conseil pontifical, José Luis Redrado Marchite, s'est montré très prudent vis-à-vis de ses «confrères» espagnols. Il a réitéré la position contraire du Vatican à l'égard de la «capote». «Un catholique cohérent devra rejeter le recours au préservatif, un moyen que la morale catholique condamne», a-t-il déclaré hier. Enfin, dans la soirée, la conférence épiscopale espagnole est revenue sur ces déclarations. «Nous n'avons jamais défendu l'usage du préservatif qui est contraire à notre morale, seule l'abstinence et la fidélité dans le couple sont dignes d'une bonne conduite», a assuré dans la soirée le porte-parole espagnol.
Ce changement d'attitude sur ce thème épineux semblait très surprenant de la part de l'Eglise espagnole. Il y a encore deux mois, le porte-parole espagnol avait mis en doute l'efficacité du préservatif, lors du lancement d'une campagne gouvernementale. Les pouvoirs publics «ne disent pas toute la vérité» sur la sécurité du préservatif, avait-il déclaré, suscitant de vives critiques du gouvernement, de scientifiques et d'associations de lutte contre le sida.
Depuis l'arrivée au pouvoir des socialistes en avril dernier, les relations entre l'Eglise espagnole, réputée conservatrice, et l'exécutif de José Luis Zapatero n'ont pas été au beau fixe. Notamment sur plusieurs dossiers phares de son programme de réformes sociales : assouplissement du divorce et de l'avortement, mariage homosexuel, suppression du caractère obligatoire de l'enseignement religieux à l'école publique, ou la recherche sur les cellules souches. L'approbation, prévue ce premier semestre, de la loi sur le mariage homosexuel a notamment déclenché les foudres de l'Episcopat espagnol, qui avait demandé en juillet dernier à ses ouailles de «promouvoir dans la rue la vision chrétienne».
Le ministre du Travail et des Affaires sociales, Jesus Cladera, qui s'était montré très enthousiaste vis-à-vis de la nouvelle attitude des prélats catholiques, a regretté ce pas en arrière : «L'Eglise venait de reconnaître le discours de la science et de reprendre conscience de la réalité sociale dans laquelle nous vivons». Selon un sondage du ministère du Travail, publié hier, l'écart entre la société et l'Eglise ne cesse de s'accentuer. La pratique de la religion catholique est en chute libre chez les jeunes espagnols, qui ne sont plus que 14,2% à aller à la messe régulièrement contre 28% en 2000.
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