« Hitler : Enlevez Pie XII », enquête de Salvatore Mazza dans « Avvenire » (2)
2005-01-20
CITE DU VATICAN, Jeudi 20 janvier 2005 (ZENIT.org) – Un journaliste « vaticaniste » du quotidien italien « Avvenire », Salvatore Mazza, fait le point sur le projet d’Hitler de faire enlever le pape Pie XII. Nous traduisons cette deuxième partie de l’enquête. (Pour la première partie, cf. Zenit, 19 janvier)
Hitler : « Enlevez Pie XII »
Le pape « devait être emmené au Nord et installé au château de Lichtenstein, dans le Würtemberg » (une localité dont les « rumeurs » de l’époque auraient estropié le nom, en confondant le « Château » avec la « Principauté du Lichtenstein ».
Dans le roman semi-autobiographique « Monte Cassino », l’écrivain danois Sven Hassel, ancien combattant du 27e bataillon disciplinaire de l’armée allemande, la Wehrmacht, raconte que l’opération « Rabat » (le nom de code selon Hassel) aurait été conduite par un bataillon des SS, qui auraient « sauvé » le pontife d’une attaque lancée contre le Vatican « par une bande de « partisans » (« résistants » italiens, ndlr) conduite par des juifs et des communistes », qui auraient été en réalité un bataillon disciplinaire allemand. Toujours selon Hassel, la nouvelle de « Rabat » avait suscité un tel trouble dans l’armée allemande que la Wehrmacht aurait immédiatement préparé un contre-plan pour défendre le pape.
Du point de vue historique, Hassel est sujet à controverse. Mais il faut cependant souligner que « Monte Cassino » a été écrit en 1968, c’est-à-dire avant que le rare matériel historique sur cet épisode ait été disponible. Et la coïncidence de nombreux détails de son récit avec ce qui a été ensuite publié est pour le moins singulière, peut-être assez pour faire considérer comme plausible au moins les détails relatifs au déroulement de l’action. Ils confirment en outre et de toute façon, comment, en dépit des démentis officiels – directs ou indirects – la « rumeur » quant à l’éventuelle séquestration du pape était bien vivante, et jour après jour plus forte partout. Si bien que l’ambassadeur du Brésil près le Saint-Siège, Ildebrando Accioly, rappelle Graham, « avait réellement pris l’initiative auprès des diplomates alliés résidant au Vatican, pour leur engagement à suivre le pape en exil, si jamais on en était arrivé là ».
Du reste, dans la reconstruction de Graham, les premières traces documentées de craintes concernant l’intention des nazis d’intervenir contre la papauté remontent déjà à 1941. En effet, le 6 mai de cette année-là, le secrétaire de la Congrégation pour les Affaires ecclésiastiques extraordinaires, Mgr Domenico Tardini, notait ce qui avait été précisément rapporté au pape le 25 avril, quelques jours après la rencontre à Vienne entre les ministres des Affaires étrangères d’Allemagne et d’Italie, Joachim von Ribbentrop et Galeazzo Ciano. Selon les informations reçues, le Reich « avait demandé à l’Italie de faire en sorte que le pape quitte Rome ‘parce que dans la nouvelle Europe, il n’y aurait pas de place pour la papauté’ ». Et le cardinal Egidio Vagnozzi a raconté que « depuis 1941, certains documents importants… qui se référaient aux relations entre le Vatican et le Troisième Reich … avaient été « microfilmés » et envoyés au délégué apostolique à Washington, Mgr Amleto Cicognani », et que « Pie XII avait fait cacher ses papiers personnels dans des doubles pavements près de ses appartements privés… (et) d’autres documents de la Secrétairerie d’Etat avaient été cachés dans des coins cachés des archives historiques ». Parce que « objectivement, on craignait le pire ».
En somme, le Vatican avait toujours pris la menace au sérieux. Du reste, la haine de Hitler envers Eugenio Pacelli, le diplomate raffiné qui n’avait jamais caché son aversion pour le national-socialisme, dès sa naissance, était tristement connue. Certes, dès son élection, toute la formidable machine de la propagande nazie s’était déchaînée contre le pontife : « L’élection du cardinal Pacelli n’est pas acceptée avec faveur par l’Allemagne parce qu’il s’est toujours opposé au nazisme’, écrivait, le 3 mars 1939, le Berliner Morgenpost, organe du mouvement nazi. Dès lors des articles méprisants, des vignettes vulgaires, des caricatures, le visaient quasi quotidiennement.
Mais il y avait quelque chose d'enraciné, de maladif. Ce qui explique peut-être mieux la volonté rageuse de Hitler d’enlever le pape, et de « faire déloger toute la « masnada » de p… » du Vatican, comme, selon Galeazzo Ciano, le chef du Troisième Reich, répétait « ouvertement ». En 1941, les armées germaniques déferlaient sur l’Europe. Le nazisme semblait irréfrénable et la gloire du Reich très proche. Et au mois de septembre, dans une lettre au délégué apostolique à Washington, Mgr Amleto Cicognani, Tardini mentionnait que quelques mois auparavant, en assistant aux célébrations de la Semaine Sainte dans la Chapelle Sixtine, un fonctionnaire allemand lui avait dit : « Les cérémonies ont été intéressantes. Mais c’est la dernière fois. L’année prochaine, on ne les célèbrera plus ». En janvier de l’année suivante, le cardinal Maglione se plaignit d’une menace analogue de la part du prince Otto von Bismark, ministre plénipotentiaire de l’ambassade allemande.
Qu’est-ce qu’il y avait derrière ?
(à suivre)
CITE DU VATICAN, Jeudi 20 janvier 2005 (ZENIT.org) – Un journaliste « vaticaniste » du quotidien italien « Avvenire », Salvatore Mazza, fait le point sur le projet d’Hitler de faire enlever le pape Pie XII. Nous traduisons cette deuxième partie de l’enquête. (Pour la première partie, cf. Zenit, 19 janvier)
Hitler : « Enlevez Pie XII »
Le pape « devait être emmené au Nord et installé au château de Lichtenstein, dans le Würtemberg » (une localité dont les « rumeurs » de l’époque auraient estropié le nom, en confondant le « Château » avec la « Principauté du Lichtenstein ».
Dans le roman semi-autobiographique « Monte Cassino », l’écrivain danois Sven Hassel, ancien combattant du 27e bataillon disciplinaire de l’armée allemande, la Wehrmacht, raconte que l’opération « Rabat » (le nom de code selon Hassel) aurait été conduite par un bataillon des SS, qui auraient « sauvé » le pontife d’une attaque lancée contre le Vatican « par une bande de « partisans » (« résistants » italiens, ndlr) conduite par des juifs et des communistes », qui auraient été en réalité un bataillon disciplinaire allemand. Toujours selon Hassel, la nouvelle de « Rabat » avait suscité un tel trouble dans l’armée allemande que la Wehrmacht aurait immédiatement préparé un contre-plan pour défendre le pape.
Du point de vue historique, Hassel est sujet à controverse. Mais il faut cependant souligner que « Monte Cassino » a été écrit en 1968, c’est-à-dire avant que le rare matériel historique sur cet épisode ait été disponible. Et la coïncidence de nombreux détails de son récit avec ce qui a été ensuite publié est pour le moins singulière, peut-être assez pour faire considérer comme plausible au moins les détails relatifs au déroulement de l’action. Ils confirment en outre et de toute façon, comment, en dépit des démentis officiels – directs ou indirects – la « rumeur » quant à l’éventuelle séquestration du pape était bien vivante, et jour après jour plus forte partout. Si bien que l’ambassadeur du Brésil près le Saint-Siège, Ildebrando Accioly, rappelle Graham, « avait réellement pris l’initiative auprès des diplomates alliés résidant au Vatican, pour leur engagement à suivre le pape en exil, si jamais on en était arrivé là ».
Du reste, dans la reconstruction de Graham, les premières traces documentées de craintes concernant l’intention des nazis d’intervenir contre la papauté remontent déjà à 1941. En effet, le 6 mai de cette année-là, le secrétaire de la Congrégation pour les Affaires ecclésiastiques extraordinaires, Mgr Domenico Tardini, notait ce qui avait été précisément rapporté au pape le 25 avril, quelques jours après la rencontre à Vienne entre les ministres des Affaires étrangères d’Allemagne et d’Italie, Joachim von Ribbentrop et Galeazzo Ciano. Selon les informations reçues, le Reich « avait demandé à l’Italie de faire en sorte que le pape quitte Rome ‘parce que dans la nouvelle Europe, il n’y aurait pas de place pour la papauté’ ». Et le cardinal Egidio Vagnozzi a raconté que « depuis 1941, certains documents importants… qui se référaient aux relations entre le Vatican et le Troisième Reich … avaient été « microfilmés » et envoyés au délégué apostolique à Washington, Mgr Amleto Cicognani », et que « Pie XII avait fait cacher ses papiers personnels dans des doubles pavements près de ses appartements privés… (et) d’autres documents de la Secrétairerie d’Etat avaient été cachés dans des coins cachés des archives historiques ». Parce que « objectivement, on craignait le pire ».
En somme, le Vatican avait toujours pris la menace au sérieux. Du reste, la haine de Hitler envers Eugenio Pacelli, le diplomate raffiné qui n’avait jamais caché son aversion pour le national-socialisme, dès sa naissance, était tristement connue. Certes, dès son élection, toute la formidable machine de la propagande nazie s’était déchaînée contre le pontife : « L’élection du cardinal Pacelli n’est pas acceptée avec faveur par l’Allemagne parce qu’il s’est toujours opposé au nazisme’, écrivait, le 3 mars 1939, le Berliner Morgenpost, organe du mouvement nazi. Dès lors des articles méprisants, des vignettes vulgaires, des caricatures, le visaient quasi quotidiennement.
Mais il y avait quelque chose d'enraciné, de maladif. Ce qui explique peut-être mieux la volonté rageuse de Hitler d’enlever le pape, et de « faire déloger toute la « masnada » de p… » du Vatican, comme, selon Galeazzo Ciano, le chef du Troisième Reich, répétait « ouvertement ». En 1941, les armées germaniques déferlaient sur l’Europe. Le nazisme semblait irréfrénable et la gloire du Reich très proche. Et au mois de septembre, dans une lettre au délégué apostolique à Washington, Mgr Amleto Cicognani, Tardini mentionnait que quelques mois auparavant, en assistant aux célébrations de la Semaine Sainte dans la Chapelle Sixtine, un fonctionnaire allemand lui avait dit : « Les cérémonies ont été intéressantes. Mais c’est la dernière fois. L’année prochaine, on ne les célèbrera plus ». En janvier de l’année suivante, le cardinal Maglione se plaignit d’une menace analogue de la part du prince Otto von Bismark, ministre plénipotentiaire de l’ambassade allemande.
Qu’est-ce qu’il y avait derrière ?
(à suivre)
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