2.28.2005

Jean-Paul II se montre déterminé à aller jusqu'au bout

VATICAN Apparu hier à la fenêtre de l'hôpital, le Pape, muet, a donné sa bénédiction aux fidèles

Le Vatican : Hervé Yannou
[LE FIGARO 28 février 2005]

C'est un acte de volonté, un coup médiatique destiné à rassurer. A la surprise générale, Jean-Paul II est apparu quelques instants hier à midi derrière la fenêtre fermée de sa chambre d'hôpital, au moment de la prière de l'Angélus. Entouré du «numéro deux» du Vatican, le cardinal Angelo Sodano, de ses secrétaires polonais et de son photographe officiel, le Pape a donné sa bénédiction à plusieurs reprises, désignant ensuite sa gorge avec sa main pour justifier son silence. Malgré sa trachéotomie, le chef de l'Eglise catholique a voulu signifier qu'il n'a pas renoncé au rendez-vous de l'Angélus dominical, qu'il n'a jamais manqué en 27 ans de pontificat.
Au même moment sur la place Saint-Pierre, à cinq kilomètres de l'hôpital Gemelli, c'est le substitut de la secrétairie d'Etat, Mgr Leonardo Sandri, qui a lu le message du Pape pour l'Angélus, conduit la prière mariale et donné au nom du Pape la bénédiction apostolique aux fidèles. Le Vatican avait affirmé auparavant que le Saint-Père s'unirait à la prière depuis sa chambre d'hôpital. Il ne devait pas se montrer. Les touristes et pèlerins qui faisaient une longue file pour entrer dans la basilique Saint-Pierre pouvaient lire sur les écrans géants installés, en permanence, à l'angle de la colonnade du Bernin, que le Pape ne serait pas présent.
Peu avant les douze coups de midi, Mgr Sandri est sorti sur le parvis, accompagné d'une poignée d'enfants de choeur. Une foule peu nombreuse, orpheline de Jean-Paul II, était venue écouter son «porte-voix». A travers lui, le Pape a remercié «tous ceux qui dans le monde s'intéressent à (sa) personne» et leur a demandé de l'accompagner par la prière. Il a aussi insisté sur «la valeur de la souffrance».
Alors que Mgr Sandri regagnait la basilique Saint-Pierre, les stores de la fenêtre du Pape se sont ouverts à quelques kilomètres de là. Sur la place, les écrans géants diffusaient toujours une de ces célèbres photos de Jean-Paul II jeune, mitré, crosse en main et saluant la foule. Le centre de télévision du Vatican n'avait pas été informé du changement de programme de dernière minute. Il n'a donc pas pu diffuser les images en provenance de l'hôpital Gemelli. Sur la place Saint-Pierre, nul n'a donc vu le Pape au visage figé faire le signe de croix, puis porter sa main droite à sa gorge. Mgr Mieczyslaw Mokrzycki, le second secrétaire du Pape, a ensuite éloigné de la fenêtre le fauteuil roulant. L'apparition a pris tout le monde de court. Seules les caméras de télévision braquées 24 heures sur 24 sur les fenêtres du Souverain Pontife ont saisi l'instant. Devant l'hôpital, peu de fidèles étaient réunis. «N'abandonne pas» ! avait écrit sur une banderole par un groupe de jeunes Galiciens.
«On ne pouvait pas faire mieux», a déclaré en souriant le professeur Rodolfo Proeitti, médecin réanimateur de l'équipe médicale en charge du Pape. Une manière d'exprimer sa satisfaction, mais aussi son souhait de prudence. Ce praticien, comme les autres, n'aurait déjà pas été favorable à une participation du Souverain Pontife à l'Angélus, lors de sa première hospitalisation au début du mois, mais aussi lors de son retour au Vatican, le dimanche 12 février. Les médecins n'étaient pas alors partisans d'une sortie trop précoce de l'hôpital. Ils feront sans doute pression pour que Jean-Paul II y reste, cette fois-ci, le plus longtemps possible.
Nul ne sait si, et quand, le Pape retrouvera l'usage de la parole. Mais sa nouvelle apparition montre sa détermination à porter sa charge jusqu'au bout. Le quotidien italien La Repubblica a révélé hier qu'à la fin des années 90, le Souverain Pontife, sentant ses forces diminuer, avait commandé au cardinal Vincenzo Fagioli, expert en droit canon décédé en l'an 2000, une étude sur l'éventuelle renonciation d'un pape. Le cardinal avait jugé un tel acte «inopportun» et «susceptible de perturber» l'Eglise. Le juriste avait brandi le spectre d'un schisme entre les partisans d'un pape «à la retraite» et ceux du nouvel élu. La seule justification à la renonciation serait «l'incapacité mentale», or Jean-Paul II a manifesté hier qu'il était encore lucide. Un nouveau bulletin de santé officiel est attendu aujourd'hui à la mi-journée.
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