Polémique sur le dernier livre de Jean-Paul II
RELIGION
Sophie de Ravinel
[LE FIGARO, 24 février 2005]
La démocratie peut conduire aux pires errements : lorsqu'elle permet l'arrivée d'Hitler au pouvoir ou lorsqu'elle permet l'avortement : Jean-Paul II l'affirme dans son dernier ouvrage à paraître le 3 mars, Mémoire et identité (Flammarion), fruit de conversations datant de 1993 avec deux philosophes polonais. Une polémique est immédiatement née sur une éventuelle comparaison entre la Shoah et l'interruption volontaire de grossesse, lors de sa présentation officielle à Rome, mardi soir.
Pour Roger Prasquier, conseiller à la présidence du Crif (*) et président de Yad Vashem-France, «il n'y a pas de comparaison entre les deux, mais un rapprochement indécent». C'est au chapitre 22, consacré à «la démocratie contemporaine», que Jean-Paul II souligne les errements possibles des Parlements «régulièrement élus», lorsqu'ils «outrepassent leurs compétences et qu'ils se mettent en conflit manifeste avec la loi de Dieu et la loi naturelle».
En guise d'exemple, le Pape cite tout d'abord le Reichstag qui, en déléguant les pleins pouvoirs à Hitler dans les années 30, «lui ouvrit la route» pour la mise en oeuvre «de l'élimination de millions de fils et de filles d'Israël». Au paragraphe suivant, le Pape s'interroge «sur les choix législatifs effectués dans les Parlements des régimes démocratiques actuels» et souligne que, lorsqu'un Parlement «autorise l'interruption de grossesse, admettant la suppression de l'enfant à naître, il commet une grave violence à l'égard d'un être humain et innocent privé surtout de toute capacité d'autodéfense».
Dans ce passage, explique Roger Prasquier, «je constate que le Pape n'a pas comparé l'avortement à la Shoah, mais qu'il s'interroge sur les responsabilités et les limites de la démocratie, un régime qu'il considère par ailleurs comme le meilleur des systèmes politiques». Celui qui avoue avoir «de l'admiration et du respect» pour Jean-Paul II affirme cependant : «mettre en regard ces deux exemples est quelque chose de profondément choquant, une indécente maladresse».Roger Prasquier pense aux femmes «qui sont contraintes à l'extrémité douloureuse qu'est l'avortement» et pour qui ce texte est «profondément insultant». «L'Eglise catholique, ajoute-t-il, devrait avant tout penser à sa propre responsabilité dans l'accession d'Hitler au pouvoir.»
Alors qu'une autre polémique est née sur le fait que ces entretiens ont été «retravaillés» par des Polonais du Vatican, Bernard Leconte – auteur d'une biographie de référence sur Jean-Paul II chez Gallimard – «n'imagine pas que ce texte puisse avoir été publié sans l'aval du Pape». Il le reconnaît «complètement dans ces méditations politiques et spirituelles sur la culture, la patrie, la place de l'homme dans le cosmos ou la nation». Concernant le rapprochement entre Shoah et avortement, il souligne que «ce n'est pas très adroit de prendre ces deux exemples, mais que, du point de vue des chrétiens, le nazisme et l'avortement peuvent être considérés comme deux maux contre lesquels les hommes ne se sont pas assez opposés».
(*) Les «Etudes du Crif» viennent de publier un document sur l'Eglise et l'antisémitisme avec les contributions du cardinal Jean-Marie Lustiger, de Mgr Jean-Pierre Ricard et du cardinal Philippe Barbarin.
Sophie de Ravinel
[LE FIGARO, 24 février 2005]
La démocratie peut conduire aux pires errements : lorsqu'elle permet l'arrivée d'Hitler au pouvoir ou lorsqu'elle permet l'avortement : Jean-Paul II l'affirme dans son dernier ouvrage à paraître le 3 mars, Mémoire et identité (Flammarion), fruit de conversations datant de 1993 avec deux philosophes polonais. Une polémique est immédiatement née sur une éventuelle comparaison entre la Shoah et l'interruption volontaire de grossesse, lors de sa présentation officielle à Rome, mardi soir.
Pour Roger Prasquier, conseiller à la présidence du Crif (*) et président de Yad Vashem-France, «il n'y a pas de comparaison entre les deux, mais un rapprochement indécent». C'est au chapitre 22, consacré à «la démocratie contemporaine», que Jean-Paul II souligne les errements possibles des Parlements «régulièrement élus», lorsqu'ils «outrepassent leurs compétences et qu'ils se mettent en conflit manifeste avec la loi de Dieu et la loi naturelle».
En guise d'exemple, le Pape cite tout d'abord le Reichstag qui, en déléguant les pleins pouvoirs à Hitler dans les années 30, «lui ouvrit la route» pour la mise en oeuvre «de l'élimination de millions de fils et de filles d'Israël». Au paragraphe suivant, le Pape s'interroge «sur les choix législatifs effectués dans les Parlements des régimes démocratiques actuels» et souligne que, lorsqu'un Parlement «autorise l'interruption de grossesse, admettant la suppression de l'enfant à naître, il commet une grave violence à l'égard d'un être humain et innocent privé surtout de toute capacité d'autodéfense».
Dans ce passage, explique Roger Prasquier, «je constate que le Pape n'a pas comparé l'avortement à la Shoah, mais qu'il s'interroge sur les responsabilités et les limites de la démocratie, un régime qu'il considère par ailleurs comme le meilleur des systèmes politiques». Celui qui avoue avoir «de l'admiration et du respect» pour Jean-Paul II affirme cependant : «mettre en regard ces deux exemples est quelque chose de profondément choquant, une indécente maladresse».Roger Prasquier pense aux femmes «qui sont contraintes à l'extrémité douloureuse qu'est l'avortement» et pour qui ce texte est «profondément insultant». «L'Eglise catholique, ajoute-t-il, devrait avant tout penser à sa propre responsabilité dans l'accession d'Hitler au pouvoir.»
Alors qu'une autre polémique est née sur le fait que ces entretiens ont été «retravaillés» par des Polonais du Vatican, Bernard Leconte – auteur d'une biographie de référence sur Jean-Paul II chez Gallimard – «n'imagine pas que ce texte puisse avoir été publié sans l'aval du Pape». Il le reconnaît «complètement dans ces méditations politiques et spirituelles sur la culture, la patrie, la place de l'homme dans le cosmos ou la nation». Concernant le rapprochement entre Shoah et avortement, il souligne que «ce n'est pas très adroit de prendre ces deux exemples, mais que, du point de vue des chrétiens, le nazisme et l'avortement peuvent être considérés comme deux maux contre lesquels les hommes ne se sont pas assez opposés».
(*) Les «Etudes du Crif» viennent de publier un document sur l'Eglise et l'antisémitisme avec les contributions du cardinal Jean-Marie Lustiger, de Mgr Jean-Pierre Ricard et du cardinal Philippe Barbarin.
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