4.02.2005

La lutte finale de Jean Paul II

Vendredi soir, le souverain pontife âgé de 84 ans a perdu conscience. Les fidèles se sont rassemblés par milliers sur la place Saint-Pierre.

Par Eric JOZSEF

samedi 02 avril 2005 (Liberation - 06:00)
Rome de notre correspondant

Eemus et bouleversés, plusieurs dizaines de milliers de pèlerins priaient vendredi soir sur la place Saint-Pierre à Rome, sous les fenêtres du pape Jean Paul II à l'agonie. «Le pape voit déjà et touche déjà le Seigneur», a affirmé au cours d'une messe le cardinal Camillo Ruini, vicaire du pape, qui sera chargé d'annoncer aux Romains le décès du souverain pontife. Il a appellé les fidèles à venir sur la place où ont été installés des écrans géants. Peu avant, le porte-parole du Vatican, Joaquin Navarro-Valls reconnaissait que «l'état du pape s'était encore aggravé». En fin de matinée, déjà, le Vatican admettait la gravité de l'état de santé du pape avec «une pression artérielle instable et des paramètres biologiques altérés». Plus tôt encore, le porte-parole avait déjà précisé que «les conditions de santé du pape sont critiques. Après qu'il eut souffert vendredi d'une infection urinaire, une septicémie s'est déclarée et il a eu un arrêt cardiaque».
Agé de 84 ans, atteint depuis des années de la maladie de Parkinson, Jean Paul II, qui avait subi une trachéotomie le 24 février dernier, ne réagissait plus à la thérapie d'antibiotiques qui lui avait été administrée en urgence jeudi soir pour faire front à l'infection des voies urinaires. Jean Paul II avait reçu dès jeudi en fin d'après-midi l'extrême-onction, aujourd'hui rebaptisée le saint-viatique, l'Eucharistie donnée aux malades agonisants. L'information avait été aussitôt diffusée par de nombreux organes de presse, obligeant le porte-parole du Vatican à intervenir publiquement dans la nuit. Sous la pression des médias et des fuites alimentées par des sources internes ou médicales, le Vatican a été contraint de réagir pratiquement en temps réel. Vendredi matin, la télévision italienne SkyItalia annonçait par exemple que le pape était tombé dans le coma. Joaquin Navarro-Valls avait été contraint de commenter la nouvelle et de démentir l'information. Jean Paul II est «toujours conscient», avait-il affirmé, ajoutant qu'il était aussi «lucide et extrêmement serein» et que le pape avait vendredi matin concélébré la messe, demandant à ses collaborateurs de lui lire les textes du Chemin de croix : «Il s'est signé lors de chacune des 14 stations.»
Selon son porte-parole, Jean Paul II aurait refusé de retourner à la polyclinique Gemelli : «Le Saint Père a exprimé la volonté de demeurer dans sa chambre où lui sont assurés tous les soins.» D'après certains journaux italiens, la faiblesse du souverain pontife aurait de toute manière empêché un nouveau transfert à l'hôpital. Dès vendredi matin, la chambre du pape a été l'objet d'un inhabituel défilé de prélats laissant clairement entendre que le Vatican se préparait à l'organisation de l'après-Jean Paul II.
Outre le secrétaire d'Etat Angelo Sodano, Premier ministre du Saint-Siège et l'archevêque Leonardo Sandri, substitut de la secrétairerie d'Etat, le cardinal Camillo Ruini est venu au chevet du pape. C'est à lui, en tant que vicaire de Rome, qu'il revient d'annoncer publiquement le décès du souverain pontife. Le cardinal Joseph Ratzinger, qui en tant que doyen du collège des cardinaux présidera le futur conclave, le cardinal Edmund Szoka, président du gouvernorat de la cité du Vatican et l'archevêque Giovanni Lajolo, qui fait office de ministre des Affaires étrangères, lui ont aussi rendu visite. Le camerlingue Eduardo Martinez Somalo, qui sera chargé de gérer l'interrègne a, quant à lui, dépêché son adjoint, monseigneur Sardi.
Tout est donc en place pour la disparition de Jean Paul II après vingt-sept ans de pontificat. A la hâte, le Vatican a même communiqué vendredi la nomination de onze nouveaux évêques et de deux nonces apostoliques que Jean Paul II avait signée avant l'aggravation de son état de santé. «Si les sources pontificales donnent ces nouvelles, cela veut dire qu'elles ont très peur et qu'elles veulent peut-être nous préparer au pire», avait prévenu vendredi matin le cardinal Achille Silvestrini, ancien préfet de la Congrégation pour les églises orientales.
Toute la journée, des milliers de fidèles se sont rassemblés et les télévisions italiennes ont multiplié les éditions spéciales. Devant l'aggravation des conditions de santé de Jean Paul II, les partis politiques italiens ont décidé d'annuler toutes les manifestations prévues à l'occasion de la dernière journée de campagne pour les importantes élections régionales de dimanche et lundi. Un peu après 20 heures, une agence italienne annonçait même : «L'électroencéphalogramme du pape est plat.» Une affirmation immédiatement démentie par le Vatican. Mais moins d'une heure plus tard, monseigneur Angelo Comastri débutait la veillée de prière place Saint-Pierre en lâchant : «Ce soir ou cette nuit, le Christ ouvrira tout grand ses portes au pape.»
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