5.18.2005

Benoît XVI entre style personnel et continuité

Wed May 18, 2005 2:28 PM CEST

par Philip Pullella

CITE DU VATICAN (Reuters) - Durant le mois qui s'est écoulé depuis son élection, le pape Benoït XVI a suivi une voie étroite entre l'affirmation d'un style personnel et un souci de fidélité à son prédécesseur charismatique, auquel il a rendu hommage mercredi - le jour où Jean Paul II aurait eu 85 ans.
"De là-haut il nous voit et il est avec nous", a déclaré le souverain pontife à la foule présente pour son audience générale sur la place Saint-Pierre battue par la pluie. "Nous disons un grand merci au Seigneur pour le don de ce pape, et merci au pape lui-même pour tout ce qu'il a fait et tout ce qu'il a enduré."
Jean Paul II est mort le 2 avril après avoir dirigé l'Eglise catholique près de 27 ans. Les derniers mois de sa vie ont été marqués par de grandes souffrances.
Benoït XVI a annoncé la semaine dernière qu'il agirait au plus vite pour faire canoniser le défunt pape polonais, répondant ainsi à  un voeu exprimé par les fidèles à ses funérailles et à une pétition de cardinaux. Le procès en béatification de son prédécesseur a débuté immédiatement, malgré la règle qui prévoit un délai de cinq ans après le décès.
Elu le 19 avril dernier, Benoît XVI a préservé la plupart des rituels et des usages traditionnels mais en a écarté d'autres. A travers les propos de prélats du Vatican se profile un homme qui se familiarise jour après jour avec ses nouvelles fonctions de chef d'une communauté de 1,1 milliard de personnes.
L'ancien cardinal Joseph Ratzinger cherche à se débarrasser de l'image que lui ont apposée divers médias et ses adversaires théologiques — celle d'un bureaucrate froid et distant.
"Quand les médias vous ont défini d'une certaine façon, il faut lutter pour se défaire du stéréotype", note un dignitaire du Saint-Siège qui, comme ses collègues, s'exprime en demandant à garder l'anonymat.
Dans ses fonctions précédentes, Ratzinger était préfet de la Congrégation de la doctrine de la foi. Sévère avec les théologiens dissidents, il pouvait aussi paraître distant.
Depuis son élection, Benoît XVI se montre plus souriant, on le voit serrer les mains et embrasser les bébés comme un homme politique chevronné, laissant ainsi apparaître le visage amical et bienveillant que certains disent lui avoir toujours connu.

REMANIEMENT A VENIR

Il a adressé des promesses de coopération aux juifs comme à d'autres Eglises chrétiennes — autrefois objet de ses critiques.
Ce côté humain et paternel en surprend certains, qui le voyaient jusque-là  sous les traits d'un "gardien de la foi" rigide, note un autre prélat du Vatican. "Je dois dire que cela résultait en partie de son caractère, car c'était — et cela reste — une personne réservée, presque timide", ajoute-t-il.
Certains estiment que les bains de foule et les gestes de tendresse envers les nouveau-nés ne relèvent pas d'un élan spontané chez Ratzinger, mais qu'il a pris conscience que c'était un aspect de sa nouvelle fonction.
"Il serait suicidaire qu'il essaie d'imiter Jean Paul II en toutes choses", estime toutefois un prélat.
Les collaborateurs du nouveau pape insistent sur les différences de forme et de fond que présentera son pontificat.
Benoît XVI s'est démarqué des pratiques de son prédécesseur en confiant à un cardinal le soin d'élever deux religieuses au rang des bienheureux, revenant ainsi à une pratique en vigueur jusqu'en 1971.
Bien qu'il ait temporairement confirmé de nombreux hauts dignitaires du Vatican à  leurs postes, on s'attend à ce qu'il examine leurs cas individuellement et à ce qu'il remanie la Curie, l'administration centrale du Saint-Siège dont il a fait partie pendant 23 ans. Il passe pour avoir été consterné par les chamailleries publiques de certains cardinaux de la Curie au cours des derniers mois du pontificat de Jean Paul II.
L'un des premiers signes des méthodes de Benoît XVI a été le choix de l'archevèque de San Francisco, William Levada, pour la direction de la Congrégation pour la doctrine de la foi. La nomination de Levada a pris de court certaines personnalités du Vatican, qui s'attendaient à voir choisir un Italien, mais le pape s'est dit convaincu que Levada était l'homme de l'emploi.
Autre différence, Benoît XVI voyagera moins que Jean Paul II. Et pas seulement parce qu'il a 78 ans, c'est-à-dire vingt ans de plus que le pape polonais au moment de son élection.
"C'est un style très différent. Il fera certainement quelques voyages mais ils seront peu nombreux. Je ne pense pas qu'il effectuera des visites pastorales", dit un prélat.
Benoît XVI se rendra la semaine prochaine à Bari, dans le sud de l'Italie, pour un clôturer un congrès ecclésiastique. Son premier déplacement important le conduira en août à Cologne, dans son Allemagne natale, pour des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) décidées par Jean Paul II.
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