Le fondateur des Légionnaires du Christ accusé de maltraitances sexuelles
MEXIQUE Marcial Maciel est accusé d'abus sexuels par des dizaines de séminaristes de ce puissant mouvement catholique
Mexico : Christine Granger
[LE FIGARO, 20 mai 2005]
Lorsque le Mexicain Marcial Maciel fonde la Légion du Christ en 1941, c'est un jeune homme fougueux qui rêve «d'étendre le règne de Jésus dans la société, selon les exigences de la justice et de la charité». Âgé de 85 ans, ce proche du précédent pape Jean-Paul II est aujourd'hui le fondateur d'une des congrégations les plus puissantes du monde catholique, mais aussi le protagoniste d'une affaire qui commencerait seulement à révéler son ampleur. Accusé depuis de longues décennies d'abus sexuels, blanchi ou épargné par la justice, Marcial Maciel est l'objet d'une nouvelle enquête qui vient de connaître un développement décisif dans son pays d'origine.
Un prélat de la Congrégation pour la doctrine de la foi, Charles Scicluna, s'est en effet rendu en avril dernier à Mexico pour recueillir les témoignages de victimes, ou de leur famille. Une première, qui s'est déroulée derrière les murs d'un monastère. Pendant douze jours, une trentaine d'anciens élèves des séminaires de la Légion s'y sont rendus pour raconter comment leur directeur spirituel aurait abusé d'eux, les entraînant à l'infirmerie, ou dans ses appartements. Des faits qui se seraient déroulés pour l'essentiel à Rome, dans les années 50 et 60, sur de jeunes novices âgés de 12 à 17 ans.
Près d'un demi-siècle plus tard, ces derniers demandent justice. «Marcial inculquait une image sainte de lui-même aux enfants, se souvient José Barba, porte-parole des victimes et professeur d'université à Mexico. Il nous faisait croire qu'en donnant notre vie à Dieu nous n'étions plus propriétaires de rien, ni de notre âme, ni de notre corps.» «Je sais que Scicluna est retourné à Rome très impressionné par nos témoignages, ajoute Juan José Vaca, ancien prêtre qui vit à New York après avoir passé trente ans dans la Légion. On espère qu'après tout ça, il se passera quelque chose.»
Un voeu qui est longtemps resté lettre morte, malgré une suspension de Maciel entre 1956 et 1959 et plusieurs dénonciations postérieures. L'une d'entre elles, en 1995, fut directement déposée auprès de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Cette puissante instance était alors dirigée par le cardinal Joseph Ratzinger, qui n'a pas donné suite dans l'immédiat. «Le futur Benoît XVI n'a pas voulu s'attaquer à un homme de plus en plus influent au Vatican, qui plus est proche de Jean-Paul II», soutient Juan José Vaca.
La Légion, qui selon Pie XII doit «former et gagner au Christ les leaders d'Amérique latine et du monde», règne en effet sur un véritable empire. Présente dans une vingtaine de pays, mais peu active en France, elle contrôle aujourd'hui cent cinquante collèges, une trentaine d'universités et plus de 600 centres d'éducation où se forment des milliers de laïques. Son bras séculier, un mouvement international nommé Regnum Christi, rassemble 65 000 membres avec une prédilection pour les élites politiques et économiques. Au sein même de l'Église, la Légion a multiplié le nombre de ses clercs par dix depuis 1995 avec 600 prêtres mais aussi et surtout 2 600 séminaristes dûment sélectionnés.
Cet engagement missionnaire militant a valu à Marcial Maciel les faveurs de Jean-Paul II, jusque dans ses derniers jours. Le 30 novembre dernier, lors du soixantième anniversaire de l'ordination du prélat mexicain, le Pape l'a ainsi personnellement félicité tout en louant le travail réalisé par les légionnaires. Il leur a en outre confié la gestion d'un centre important d'accueil des pèlerins à Jérusalem. Quelques jours après, le cardinal Ratzinger rouvrait pourtant le dossier Maciel. Celui qui aurait confessé ses victimes et leur aurait donné l'absolution après avoir abusé d'elles pourrait être poursuivi pour abus sexuel et violation du sacrement de la confession, passible d'excommunication
Pour l'écrivain américain Jason Berry, qui présentait il y a quelques jours à Mexico un livre consacré à «l'Abus de pouvoir pendant la papauté de Jean-Paul II», cette procédure serait «une occasion unique de restaurer la crédibilité de l'Église». «Maciel est un problème énorme pour Benoît XVI parce qu'il est le symbole d'un scandale mondial, explique-t-il. Dans cette affaire qu'il connaît particulièrement bien, le Pape doit démontrer aux catholiques son engagement pour la justice.»
Il s'agit peut-être, aussi, d'éteindre l'incendie avant qu'il n'échappe à tout contrôle. D'autres plaintes arrivent aujourd'hui d'institutions de la Légion en Espagne ou au Mexique. D'autres témoignages, impliquant directement Marcial Maciel, porteraient le nombre de ses victimes à deux cents. Des accusations que le chef des légionnaires, qui a quitté ses fonctions en janvier, invoquant son grand âge, a toujours niées.
Mexico : Christine Granger
[LE FIGARO, 20 mai 2005]
Lorsque le Mexicain Marcial Maciel fonde la Légion du Christ en 1941, c'est un jeune homme fougueux qui rêve «d'étendre le règne de Jésus dans la société, selon les exigences de la justice et de la charité». Âgé de 85 ans, ce proche du précédent pape Jean-Paul II est aujourd'hui le fondateur d'une des congrégations les plus puissantes du monde catholique, mais aussi le protagoniste d'une affaire qui commencerait seulement à révéler son ampleur. Accusé depuis de longues décennies d'abus sexuels, blanchi ou épargné par la justice, Marcial Maciel est l'objet d'une nouvelle enquête qui vient de connaître un développement décisif dans son pays d'origine.
Un prélat de la Congrégation pour la doctrine de la foi, Charles Scicluna, s'est en effet rendu en avril dernier à Mexico pour recueillir les témoignages de victimes, ou de leur famille. Une première, qui s'est déroulée derrière les murs d'un monastère. Pendant douze jours, une trentaine d'anciens élèves des séminaires de la Légion s'y sont rendus pour raconter comment leur directeur spirituel aurait abusé d'eux, les entraînant à l'infirmerie, ou dans ses appartements. Des faits qui se seraient déroulés pour l'essentiel à Rome, dans les années 50 et 60, sur de jeunes novices âgés de 12 à 17 ans.
Près d'un demi-siècle plus tard, ces derniers demandent justice. «Marcial inculquait une image sainte de lui-même aux enfants, se souvient José Barba, porte-parole des victimes et professeur d'université à Mexico. Il nous faisait croire qu'en donnant notre vie à Dieu nous n'étions plus propriétaires de rien, ni de notre âme, ni de notre corps.» «Je sais que Scicluna est retourné à Rome très impressionné par nos témoignages, ajoute Juan José Vaca, ancien prêtre qui vit à New York après avoir passé trente ans dans la Légion. On espère qu'après tout ça, il se passera quelque chose.»
Un voeu qui est longtemps resté lettre morte, malgré une suspension de Maciel entre 1956 et 1959 et plusieurs dénonciations postérieures. L'une d'entre elles, en 1995, fut directement déposée auprès de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Cette puissante instance était alors dirigée par le cardinal Joseph Ratzinger, qui n'a pas donné suite dans l'immédiat. «Le futur Benoît XVI n'a pas voulu s'attaquer à un homme de plus en plus influent au Vatican, qui plus est proche de Jean-Paul II», soutient Juan José Vaca.
La Légion, qui selon Pie XII doit «former et gagner au Christ les leaders d'Amérique latine et du monde», règne en effet sur un véritable empire. Présente dans une vingtaine de pays, mais peu active en France, elle contrôle aujourd'hui cent cinquante collèges, une trentaine d'universités et plus de 600 centres d'éducation où se forment des milliers de laïques. Son bras séculier, un mouvement international nommé Regnum Christi, rassemble 65 000 membres avec une prédilection pour les élites politiques et économiques. Au sein même de l'Église, la Légion a multiplié le nombre de ses clercs par dix depuis 1995 avec 600 prêtres mais aussi et surtout 2 600 séminaristes dûment sélectionnés.
Cet engagement missionnaire militant a valu à Marcial Maciel les faveurs de Jean-Paul II, jusque dans ses derniers jours. Le 30 novembre dernier, lors du soixantième anniversaire de l'ordination du prélat mexicain, le Pape l'a ainsi personnellement félicité tout en louant le travail réalisé par les légionnaires. Il leur a en outre confié la gestion d'un centre important d'accueil des pèlerins à Jérusalem. Quelques jours après, le cardinal Ratzinger rouvrait pourtant le dossier Maciel. Celui qui aurait confessé ses victimes et leur aurait donné l'absolution après avoir abusé d'elles pourrait être poursuivi pour abus sexuel et violation du sacrement de la confession, passible d'excommunication
Pour l'écrivain américain Jason Berry, qui présentait il y a quelques jours à Mexico un livre consacré à «l'Abus de pouvoir pendant la papauté de Jean-Paul II», cette procédure serait «une occasion unique de restaurer la crédibilité de l'Église». «Maciel est un problème énorme pour Benoît XVI parce qu'il est le symbole d'un scandale mondial, explique-t-il. Dans cette affaire qu'il connaît particulièrement bien, le Pape doit démontrer aux catholiques son engagement pour la justice.»
Il s'agit peut-être, aussi, d'éteindre l'incendie avant qu'il n'échappe à tout contrôle. D'autres plaintes arrivent aujourd'hui d'institutions de la Légion en Espagne ou au Mexique. D'autres témoignages, impliquant directement Marcial Maciel, porteraient le nombre de ses victimes à deux cents. Des accusations que le chef des légionnaires, qui a quitté ses fonctions en janvier, invoquant son grand âge, a toujours niées.
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