"L'idéal que prêche le pape n'est pas vécu dans la vraie vie"
Sophia de Oliveira, ancienne présidente de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC)
LE MONDE | 09.05.05 | 13h45 • Mis à jour le 09.05.05 | 13h45
Qu'attendez-vous du nouveau pape Benoît XVI ?
L'idéal qu'il prêche n'est pas vécu dans la vraie vie. Nous souhaitons un accueil des jeunes tels qu'ils sont. L'important, ce n'est pas d'être pour ou contre, c'est d'éduquer à la sexualité, à la vie de couple, à l'engagement... Nous aimerions qu'on puisse débattre de ces questions sensibles dans l'Eglise et qu'on puisse trouver ensemble un chemin. J'espère que le pape fera preuve d'ouverture et de tolérance. Pour l'instant, je suis curieuse et attentive.
Etes-vous concernés par des grands rassemblements comme les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), dont la prochaine édition aura lieu, en août, à Cologne ?
Nous avons envoyé des "jocistes" aux JMJ, car nous pensons qu'il est important que les jeunes des milieux populaires proclament qu'ils font partie de l'Eglise. S'ils ne sont pas présents, on les oubliera. Il y a tout de même plus de pauvres que de bourgeois sur cette terre ! La jeunesse catholique n'est pas que BCBG.
Que veut dire aujourd'hui l'appellation "Jeunesse ouvrière" ?
L'identité ouvrière, c'est notre histoire. Mais elle n'est plus aussi nette qu'avant. Il vaudrait mieux parler de "jeunes de milieux populaires" . Beaucoup d'entre eux ont des parents au chômage, une mère qui fait des ménages. Ils n'ont aucune idée de ce qu'est la culture ouvrière.
Nous avons beaucoup de jeunes issus de l'immigration. Des Cap-Verdiens, des Africains, des Portugais... Ce qui les rassemble, c'est la précarité. Ils sont en CDD, en contrat d'intérim ou au chômage. Nous touchons un public dont personne ne s'occupe par ailleurs. Quelque part, nous sommes des militants de l'ombre, dont l'action sociale n'est pas toujours reconnue.
Notre rôle, c'est aussi de faire se rencontrer les gens. Que les Antillais ne soient pas entre eux, les Portugais entre eux. Dans une certaine mesure, nous luttons contre le communautarisme.
Comment se porte la JOC ?
Nous avons 10 000 adhérents. La tendance est plutôt à la baisse, mais cela dépend des diocèses et du dynamisme des responsables locaux.
Les militants sont-ils tous chrétiens ?
Le principe de notre mouvement, c'est que les jeunes invitent des copains. Par conséquent, nous accueillons aussi des musulmans. Ils sont associés à des projets locaux. En aucun cas nous ne faisons de prosélytisme. Nous ne cherchons pas à les convertir. Nous ne leur proposons pas de soirées de prière, par exemple.
Les attentes des jeunes ont-elles changé ?
Nous sommes obligés de revoir nos schémas. Nous devons prendre en compte le côté affectif et individuel, la dimension du "je" . On ne peut pas passer tout de suite à l'action collective. Les jeunes ont besoin d'un accompagnement personnalisé.
Beaucoup de "jocistes" ont des parents divorcés. Certains vivent des situations très dures dans leur famille. Il n'est pas rare de voir des jeunes cacher les bouteilles d'alcool chez eux. Ils font des démarches administratives à la place de leurs parents, ils font le ménage. Quelque part, un certain nombre d'entre eux "portent" leurs parents. On peut dire qu'ils sont "les parents de leurs parents" .
Dans les valeurs qu'ils plébiscitent, le fait d'avoir un travail arrive en tête, suivi par la construction d'une famille. De plus en plus, nous éduquons à la relation affective, à la vie de couple. Nous essayons de valoriser leurs projets, quels qu'ils soient : fêtes, voyages, projets humanitaires. Nous nous adressons à des jeunes qui ne partent jamais en vacances, qui n'envisagent pas de sorties, parce qu'ils n'ont pas assez d'argent et que ce n'est pas leur culture.
La JOC leur présente aussi des modèles d'adultes ayant une vie professionnelle, une vie de famille, et qui trouvent le temps de militer pour les autres.
Propos recueillis par X. T.
Article paru dans l'édition du 10.05.05
LE MONDE | 09.05.05 | 13h45 • Mis à jour le 09.05.05 | 13h45
Qu'attendez-vous du nouveau pape Benoît XVI ?
L'idéal qu'il prêche n'est pas vécu dans la vraie vie. Nous souhaitons un accueil des jeunes tels qu'ils sont. L'important, ce n'est pas d'être pour ou contre, c'est d'éduquer à la sexualité, à la vie de couple, à l'engagement... Nous aimerions qu'on puisse débattre de ces questions sensibles dans l'Eglise et qu'on puisse trouver ensemble un chemin. J'espère que le pape fera preuve d'ouverture et de tolérance. Pour l'instant, je suis curieuse et attentive.
Etes-vous concernés par des grands rassemblements comme les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), dont la prochaine édition aura lieu, en août, à Cologne ?
Nous avons envoyé des "jocistes" aux JMJ, car nous pensons qu'il est important que les jeunes des milieux populaires proclament qu'ils font partie de l'Eglise. S'ils ne sont pas présents, on les oubliera. Il y a tout de même plus de pauvres que de bourgeois sur cette terre ! La jeunesse catholique n'est pas que BCBG.
Que veut dire aujourd'hui l'appellation "Jeunesse ouvrière" ?
L'identité ouvrière, c'est notre histoire. Mais elle n'est plus aussi nette qu'avant. Il vaudrait mieux parler de "jeunes de milieux populaires" . Beaucoup d'entre eux ont des parents au chômage, une mère qui fait des ménages. Ils n'ont aucune idée de ce qu'est la culture ouvrière.
Nous avons beaucoup de jeunes issus de l'immigration. Des Cap-Verdiens, des Africains, des Portugais... Ce qui les rassemble, c'est la précarité. Ils sont en CDD, en contrat d'intérim ou au chômage. Nous touchons un public dont personne ne s'occupe par ailleurs. Quelque part, nous sommes des militants de l'ombre, dont l'action sociale n'est pas toujours reconnue.
Notre rôle, c'est aussi de faire se rencontrer les gens. Que les Antillais ne soient pas entre eux, les Portugais entre eux. Dans une certaine mesure, nous luttons contre le communautarisme.
Comment se porte la JOC ?
Nous avons 10 000 adhérents. La tendance est plutôt à la baisse, mais cela dépend des diocèses et du dynamisme des responsables locaux.
Les militants sont-ils tous chrétiens ?
Le principe de notre mouvement, c'est que les jeunes invitent des copains. Par conséquent, nous accueillons aussi des musulmans. Ils sont associés à des projets locaux. En aucun cas nous ne faisons de prosélytisme. Nous ne cherchons pas à les convertir. Nous ne leur proposons pas de soirées de prière, par exemple.
Les attentes des jeunes ont-elles changé ?
Nous sommes obligés de revoir nos schémas. Nous devons prendre en compte le côté affectif et individuel, la dimension du "je" . On ne peut pas passer tout de suite à l'action collective. Les jeunes ont besoin d'un accompagnement personnalisé.
Beaucoup de "jocistes" ont des parents divorcés. Certains vivent des situations très dures dans leur famille. Il n'est pas rare de voir des jeunes cacher les bouteilles d'alcool chez eux. Ils font des démarches administratives à la place de leurs parents, ils font le ménage. Quelque part, un certain nombre d'entre eux "portent" leurs parents. On peut dire qu'ils sont "les parents de leurs parents" .
Dans les valeurs qu'ils plébiscitent, le fait d'avoir un travail arrive en tête, suivi par la construction d'une famille. De plus en plus, nous éduquons à la relation affective, à la vie de couple. Nous essayons de valoriser leurs projets, quels qu'ils soient : fêtes, voyages, projets humanitaires. Nous nous adressons à des jeunes qui ne partent jamais en vacances, qui n'envisagent pas de sorties, parce qu'ils n'ont pas assez d'argent et que ce n'est pas leur culture.
La JOC leur présente aussi des modèles d'adultes ayant une vie professionnelle, une vie de famille, et qui trouvent le temps de militer pour les autres.
Propos recueillis par X. T.
Article paru dans l'édition du 10.05.05
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