9.12.2005

Sant’Egidio refait le monde

La 19e rencontre pour la paix de Sant’Egidio, sur le thème «le courage d’un humanisme de paix» s’achève mardi 13 septembre au soir par une procession dans la ville de Lyon et par une prière des religions pour la paix
Difficile de trouver un fil conducteur dans la diversité des seize forums et tables rondes de la rencontre interreligieuse de Sant’Egidio qui se déroule jusqu’à mardi 13 septembre au soir à Lyon. Rien que lundi matin, aux quatre coins du Palais des Congrès qui accueille la rencontre, on parlait, en même temps, des perspectives du dialogue interreligieux après le 11 septembre, des enfants dans la guerre, des relations entre l’Orient et l’Occident, de l’esprit d’Assise, de la place des religions en Afrique, de celle des intellectuels dans la construction de la paix, de la prière comme source de la paix, de l’avenir du Liban… Vaste programme où il est parfois difficile de trouver son chemin.
Cet éparpillement est volontaire. «On pourrait effectivement étaler un peu plus les conférences et organiser une rencontre d’une semaine, reconnaît Mario Marazzati, un des piliers de la communauté de Sant’Egidio. Mais on prendrait alors le risque que les intervenants ne viennent que pour faire leur intervention avant de repartir aussitôt». Or, justement, le but de cette rencontre est de favoriser au maximum la rencontre entre tous les participants pour développer des liens. «C’est un peu cela, l’esprit d’Assise que nous essayons de perpétuer à travers nos rassemblements», rappelle Mario Marazzati, pour qui conférences et rencontres informelles sont indissociables. «C’est un package !», sourit-il.
À Lyon, comme dans les autres rencontres de Sant’Egidio, les couloirs ont d’ailleurs au moins autant d’importance que les amphithéâtres pleins à craquer. «Moi, je viens d’abord pour les contacts qu’on peut avoir avec des gens d’autres horizons, confie ce prêtre français très engagé dans l’œcuménisme. Pour le reste, ce sont toujours un peu les mêmes conférences qu’on retrouve d’année en année.»

La paix, un bien suprême

Dans ces débats, on peut cependant voir de belles tribunes où se rassemble toute la diversité religieuse mondiale. Et tant pis si le message de certaines interventions peut faire tiquer certains participants. C’est le jeu du débat ! Comme pour cette table ronde sur «la prière aux racines de la paix». Aux côtés d’un bonze zen japonais en robe grise, un moine catholique en habit bénédictin, un rabbin et un pasteur protestant, un mollah iranien s’exprime sur la tolérance dans l’islam, maniant avec une grande aisance Aristote et Platon. Avant d’expliquer très calmement pourquoi l’islam est la seule religion vraiment tolérante…
«L’important, c’est que tous convergent déjà sur un point : la paix est le bien suprême vers lequel nous devons tendre, relève le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon et animateur de cette table ronde-tour de Babel en arabe, japonais, italien et français. Pour le reste, c’est un peu normal qu’il y ait des points d’achoppement. Cela montre qu’il reste aussi du travail à faire.»
Et ce travail à faire, d’autres échanges en ont montré l’ampleur tant le débat y était animé. Ainsi la table ronde sur l’avenir du Liban, qui a vu s’opposer très franchement des représentants des différentes confessions religieuses du pays, mais aussi les différentes générations. Malaise à la tribune, quand seize jeunes Libanais de la salle, rassemblant toutes les confessions du pays, ont appelé, dans un même élan, à une vie politique déconfessionnalisée, ou encore à l’introduction de cours de religion dans les écoles «en tant que culture générale»…

Un petit goût d’inachevé

Ouverts ou feutrés, la plupart des débats laissent aussi apparaître de belles personnalités, comme Muhammad Fathi Osman, théologien musulman américain qui, dans une table ronde sur le dialogue interreligieux après le 11 septembre souligne la nécessité du dialogue entre responsables religieux. «C’est clair que nous voulons tous que notre religion s’étende, reconnaît-il. Mais il faut absolument connaître le point de vue de l’autre car notre humanité est diverse. Ce dialogue entre nos différences est nécessaire.» Ou encore Ezzedine Ibrahim, théologien égyptien réformiste, conseiller du président des Émirats arabes unis, à qui le grand rabbin d’Israël Yona Metzger lançait soudain dimanche soir : «Si tous les musulmans étaient comme vous, il n’y aurait plus de terrorisme !»
Car au-delà des belles images, les débats de ce grand forum laissent tout de même un petit goût d’inachevé, qui n’apaise pas forcément les peurs que le participant peu habitué à, ce genre de forums peut éprouver par rapport aux croyants des autres religions. «Depuis le 11 septembre 2001, la fermentation de l’intolérance ne fait-elle pas de ce genre de dialogue, une pure utopie relevant d’une rhétorique épisodique et vaine ?», interrogeait même Bruno Frappat dimanche soir au cours de la table-ronde finale de la séance d’ouverture. «Non», lui a fermement répondu le cardinal Walter Kasper, président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens, avant de rappeler la nécessité absolue de l’espérance. «Nous devons porter au monde la conviction que le mal ne peut jamais être vainqueur, a-t-il lancé. Et seuls des hommes de religion peuvent porter cette espérance au monde.»

Nicolas SENEZE, à Lyon


Recours contre les subventions accordées à Sant’Egidio

Une association lyonnaise, La Libre Pensée, a déposé lundi 12 septemre un recours pour obtenir l’annulation des subventions votées par les collectivités locales pour soutenir le rassemblement de Sant’Egidio à Lyon. Au total, 600 000 ? (sans compter les avantages en nature comme le prêt de salles) ont été alloués à Sant’Egidio par la ville de Lyon, la communauté d’agglomération du Grand Lyon, le conseil général du Rhône et le conseil régional Rhône-Alpes. Un responsable de la mairie de Lyon rappelait toutefois à La Croix que le montant de ces subventions a finalement bénéficié à la communauté lyonnaise, ne serait-ce que par le biais des hôteliers ou des transports ou par l’image que donne Lyon à travers cette manifestation qui promeut la paix et le dialogue entre les cultures et les religions.
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