Sant'Egidio, la rencontre des religions
La Croix
La 19e rencontre internationale « Hommes et religions » se tiendra du 11 au13 septembre à Lyon. C’est la première fois que la communauté Sant'Egidio organise ce grand rendez-vous interreligieux en France. Portrait de cette communauté, qui allie présence auprès des pauvres et action pour la paix.
Une information peu banale attire l’attention, le 4 octobre 1992, sur une communauté catholique romaine encore peu connue hors de la Ville éternelle : le gouvernement mozambicain et la guérilla qui le combat, la Renamo, viennent de signer à Rome, au siège de la communauté de Sant ’Egidio, un accord de paix. Il allait permettre à cette ancienne colonie portugaise, ravagée depuis l’indépendance par une guerre civile qui a fait plus d’un million de morts, de passer d’un conflit armé à un conflit politique.
Un tel défi exigeait, de la part du parti unique marxiste, l’acceptation d’une opposition, et, de la part de la guérilla, de se transformer en opposition politique. Une belle histoire, fruit d’un travail patient de « diplomatie populaire », dira le secrétaire général des Nations unies, Boutros Boutros-Ghali, qui va contribuer à bâtir la réputation d’expertise en négociations de paix d’une communauté dont ce n’était pas l’objectif de départ.
Sant'Egidio – Saint-Gilles, en italien –, c’est le nom d’une petite église du XVIIe siècle et de la petite place du Trastevere, quartier populaire devenu touristique de la rive droite du Tibre, où cette communauté a élu domicile en 1973, dans un ancien couvent de carmélites. C’est aujourd’hui le siège et le centre nerveux de l’activité d’une communauté qui s’est progressivement internationalisée, jusqu’à compter plus de 40 000 membres.
En 1968, un lycéen de 18 ans...
Au départ, en février 1968, un lycéen de 18 ans, Andrea Riccardi, rassemble un groupe de jeunes du lycée Virgile, avec pour ambition de vivre l’Évangile dans leur ville, Rome. « Nous nous sommes demandé : que veut dire être chrétien dans la vie de la cité ? », raconte le fondateur de Sant'Egidio, qui précise : « Nous ne parlions pas de sécularisation, mais de cette façon de croire, de prier, d’écouter dans la ville. »
Cette volonté va d’abord conduire les jeunes lycéens dans la périphérie de Rome, à la rencontre de tous les immigrés du sud de l’Italie qui s’entassent encore à cette époque dans des bidonvilles, notamment à proximité immédiate de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs ou à Primavalle, à l’ouest de la ville. Là, dans un monde dur, violent même, souvent gangrené par la petite criminalité, les jeunes étudiants mettent en place une écoute, un service et un lien d’amitié, en même temps qu’ils viennent faire l’école après les cours.
La méthode portera si bien ses fruits qu’elle est reproduite, sous le nom d’« École de la paix », dans bien des communautés de Sant'Egidio dans le monde, notamment en Afrique. Le modèle de ces pionniers, c’est la communauté chrétienne primitive, telle qu’on la découvre dans les Actes des Apôtres, et saint François d’Assise, « parce qu’il se voulait laïc, vivant au milieu de tous, dans l’humilité ».
Une présence aux quartiers défavorisés
Les jeunes membres de la communauté naissante, venus de quartiers plutôt favorisés, vont ainsi développer leurs activités à l’extérieur de Rome, là où se trouvent les plus pauvres. Pendant quatre ans, on vit travailler anonymement parmi eux le recteur de l’Institut biblique de l’université grégorienne, futur cardinal et archevêque de Milan, Carlo Maria Martini. Sant'Egidio, écrira-t-il, « c’est l’Église qui commence vraiment par le début. C’est la demande insistante, de l’intérieur, du profond du cœur : où vit-on aujourd’hui l’Évangile de la manière la plus authentique ? »
Aujourd’hui, bien plus peut-être que l’activité internationale – pourtant débordante – de Sant'Egidio , c’est dans cette présence perpétuée auprès des plus pauvres que l’on peut découvrir l’essentiel de la vie de la communauté de Rome, et la réalité de celle des petites communautés réparties dans une soixantaine de pays.
C’est à Sant'Egidio qu’il faut par exemple s’adresser si l’on s’intéresse aux SDF romains. La communauté a même obtenu de la mairie que ces exclus disposent d’une domiciliation virtuelle dans une rue virtuelle, la « via Modesta-Valenti », du nom d’une femme morte en 1983 après un malaise dans l’indifférence générale, parmi les clochards de la gare Termini avec lesquels elle vivait. Chaque année, lors de la messe anniversaire de la communauté, les SDF sont là, nombreux, dans le fond de la nef de la basilique Saint-Jean-de-Latran, à bonne distance des personnalités qui se pressent aux premiers rangs.
Une prière de type monastique, un bref commentaire par un laïc
Mais le ressort principal de la vie de Sant'Egidio , c’est le soir qu’il se donne à découvrir, au moment de la prière quotidienne, dans la basilique Santa-Maria-in-Trastevere comme dans toutes les communautés du monde qui lui sont rattachées. La prière et la communication de l’Évangile à travers le service des pauvres, tels sont les deux piliers de Sant'Egidio. Une prière de type monastique, à travers le chant des psaumes, conclue par un bref commentaire de l’Écriture habituellement effectué par un laïc de la communauté.
Chaque soir, la basilique est pleine, faisant voisiner des membres de Sant'Egidio venus de toute la ville, des gens qui travaillent avec eux et de nombreux touristes qui viennent s’associer à la prière commune, qui devient aussi un moment d’accueil. Le visiteur étranger peut bénéficier d’écouteurs et de la traduction simultanée.
Cette découverte de Sant ’Egidio à l’occasion d’un voyage à Rome a largement contribué à l’essaimage de la communauté à travers le monde. Celui-ci n’a pas été calculé, prévu, et il n’y a pas eu de fondations comme c’est la tradition des congrégations religieuses. Le plus souvent, les communautés ont démarré sur l’initiative d’individus ou de petits groupes qui s’étaient imprégnés de l’esprit de Sant'Egidio lors de séjours romains, par exemple dans les universités pontificales. Ce fut le cas en Italie et en Europe, puis, plus tard, en Amérique centrale et en Afrique.
Le succès au Mozambique, des difficultés en Algérie
Dans les années 1980, des membres de Sant'Egidio en coopération au Mozambique se rendent compte que le développement n’est pas possible sans la paix. La communauté va alors déployer tous ses efforts pour rendre la négociation possible entre les deux camps. Sur son initiative, toute une série de partenaires – gouvernement italien et Église mozambicaine compris – vont s’allier pour amener peu à peu les intéressés à trouver un terrain d’entente. Jusqu’à l’accord du 4 avril 1992 – jour de la Saint-François d’Assise, ce qui n’est sans doute pas un hasard. Aujourd’hui, Sant'Egidio est toujours actif au Mozambique, où son programme Dream tente d’organiser les soins apportés aux malades du sida.
La réputation de Sant'Egidio grandit, et la communauté va se trouver engagée dans différents processus de paix, souvent dans la plus grande discrétion, mais avec un succès inégal. Présente de longue date en Côte-d’Ivoire, Sant'Egidio a participé par exemple à la rencontre de Marcoussis et continue de jouer dans ce pays un rôle pacificateur. De même, dans la crise des Balkans, de l’Albanie au Kosovo, la communauté a notamment tenté de renouer les fils avec les Églises orthodoxes locales. Un combat qui rejoint ceux qu’elle mène par ailleurs de longue date, contre la peine de mort, et pour la mémoire des martyrs de toutes confessions.
L’initiative de faire se rencontrer en 1994 à Rome les représentants de toutes les tendances politiques algériennes, au plus fort de l’affrontement entre pouvoir et islamistes, aura moins de réussite. Le gouvernement algérien refusa de discuter avec l’ensemble des partis d’opposition, parmi lesquels le FIS. Sant'Egidio sera même montré du doigt par certains pour avoir en quelque sorte valorisé le FIS, alors interdit en Algérie. Pourtant, le dialogue reprendra cinq ans plus tard en Algérie, après l’élection du président Bouteflika.
L’autre grand événement qui a orienté la vie de la communauté de Sant'Egidio , c’est bien sûr la rencontre interreligieuse d’Assise de 1986. Andrea Riccardi et les siens, qui avaient trouvé auprès de Jean-Paul II un soutien immédiat dès 1978, vont entretenir l’esprit d’Assise avec l’appui explicite du pape, à travers la réunion interreligieuse annuelle « Hommes et religions » – celle-là même qui va se tenir pour la première fois en France dans une semaine à Lyon.
Oecuménisme et esprit d'Assise
Un engagement important, alors que l’initiative du pape n’avait pas recueilli que des approbations dans la curie. Le cardinal Ratzinger notamment, alors qu’il n’était pas encore Benoît XVI, est toujours resté réservé vis-à-vis de ce type de réunion. Mais il a respecté, le 25 août dernier, l’usage de son prédécesseur recevant les responsables de la communauté avant chacun de ces rassemblements.
Tous ces contacts ont permis à Sant'Egidio de jouer également un rôle éminent sur le plan œcuménique, singulièrement avec les orthodoxes, jamais très à l’aise avec la hiérarchie catholique. Ainsi est-ce l’excellent déroulement de la rencontre « Hommes et religions » de Bucarest, en septembre 1998, qui ouvrit la voie à une visite de Jean-Paul II en Roumanie six mois plus tard, la première dans un pays majoritairement orthodoxe, en plein accord avec le patriarche Teoctist. Ce fut comme un grand dégel.
Les lycéens du lycée Virgile ont aujourd’hui un peu vieilli, et de nouvelles générations sont venues renforcer Sant'Egidio, dans le même esprit, avec la même confiance dans la prière et cette « force faible qui se refuse à la violence mais ne se résigne pas à l’impuissance ». « Notre communauté, dit Andrea Riccardi, ce sont tout simplement deux ou trois hommes ou femmes qui se retrouvent pour prier, qui se sentent amis, qui vivent la compassion pour les pauvres. »
Encore peu implantée et mal connue en France, Sant'Egidio va s’y présenter pour la première fois au grand public. L’exemple de fraternité et de dialogue interreligieux de ces rencontres sera, à l’évidence, son meilleur passeport.
Yves PITETTE
***
Pour mieux connaître et comprendre Sant ’Egidio
La communauté fondée par Andrea Riccardi compte aujourd’hui plus de 50 000 membres et est présente en groupes locaux dans 70 pays de tous continents, particulièrement dans les grandes villes pour y vivre la prière et la solidarité avec les plus pauvres. Les membres de la communauté ne prononcent pas de vœux et ne vivent pas sous le même toit, mais sont unis par le lien de la fraternité, de la prière et des engagements communs.
Pour la contacter
À Rome : Comunità di Sant ’Egidio, Piazza Sant ’Egidio 3A, I-00156 Roma.
Tél. : 00.39.06.58.56.61.
Site : www.santegidio.org
Courriel : info@santegidio.org
En France : Communauté Sant ’Egidio , 8, rue Bernard-de-Clairvaux, 75003 Paris.
Tél. : 01.40.29.97.70.
Fax : 01.40.29.97.82.
Courriel : santegidio@aol.com
À lire
Sant'Egidio, Rome et le monde, entretiens d’Andrea Riccardi avec Jean-Dominique Durand et Régis Ladous. (Beauchesne 1996, 191 p.)
L’Église catholique vers le IIIe millénaire. Entre intransigeance et modernité, d’Andrea Riccardi. (Desclée de Brouwer 1998, 153 p.)
Sant'Egidio. L’Évangile au-delà des frontières, entretiens d’Andrea Riccardi avec Dominique Chivot. (Bayard 2001, 169 p., 19 euros.)
La Parole de Dieu chaque jour, de Don Vincenzo Paglia. (Parole et Silence 2005, 423 p., 16 euros.)
L’Esprit d’Assise. Discours et messages de Jean-Paul II à la Communauté de Sant'Egidio, de Jean-Dominique Durand. (Cerf 2005, 203 p., 25 euros.)
L’étonnante modernité du christianisme, d’Andrea Riccardi (Presses de la Renaissance, 2005, 285 p., 18 euros.)
À paraître
La Paix préventive, d’Andrea Riccardi, en librairies le 12 septembre. (Salvator, 200 p., 19 euros.)
La 19e rencontre internationale « Hommes et religions » se tiendra du 11 au13 septembre à Lyon. C’est la première fois que la communauté Sant'Egidio organise ce grand rendez-vous interreligieux en France. Portrait de cette communauté, qui allie présence auprès des pauvres et action pour la paix.
Une information peu banale attire l’attention, le 4 octobre 1992, sur une communauté catholique romaine encore peu connue hors de la Ville éternelle : le gouvernement mozambicain et la guérilla qui le combat, la Renamo, viennent de signer à Rome, au siège de la communauté de Sant ’Egidio, un accord de paix. Il allait permettre à cette ancienne colonie portugaise, ravagée depuis l’indépendance par une guerre civile qui a fait plus d’un million de morts, de passer d’un conflit armé à un conflit politique.
Un tel défi exigeait, de la part du parti unique marxiste, l’acceptation d’une opposition, et, de la part de la guérilla, de se transformer en opposition politique. Une belle histoire, fruit d’un travail patient de « diplomatie populaire », dira le secrétaire général des Nations unies, Boutros Boutros-Ghali, qui va contribuer à bâtir la réputation d’expertise en négociations de paix d’une communauté dont ce n’était pas l’objectif de départ.
Sant'Egidio – Saint-Gilles, en italien –, c’est le nom d’une petite église du XVIIe siècle et de la petite place du Trastevere, quartier populaire devenu touristique de la rive droite du Tibre, où cette communauté a élu domicile en 1973, dans un ancien couvent de carmélites. C’est aujourd’hui le siège et le centre nerveux de l’activité d’une communauté qui s’est progressivement internationalisée, jusqu’à compter plus de 40 000 membres.
En 1968, un lycéen de 18 ans...
Au départ, en février 1968, un lycéen de 18 ans, Andrea Riccardi, rassemble un groupe de jeunes du lycée Virgile, avec pour ambition de vivre l’Évangile dans leur ville, Rome. « Nous nous sommes demandé : que veut dire être chrétien dans la vie de la cité ? », raconte le fondateur de Sant'Egidio, qui précise : « Nous ne parlions pas de sécularisation, mais de cette façon de croire, de prier, d’écouter dans la ville. »
Cette volonté va d’abord conduire les jeunes lycéens dans la périphérie de Rome, à la rencontre de tous les immigrés du sud de l’Italie qui s’entassent encore à cette époque dans des bidonvilles, notamment à proximité immédiate de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs ou à Primavalle, à l’ouest de la ville. Là, dans un monde dur, violent même, souvent gangrené par la petite criminalité, les jeunes étudiants mettent en place une écoute, un service et un lien d’amitié, en même temps qu’ils viennent faire l’école après les cours.
La méthode portera si bien ses fruits qu’elle est reproduite, sous le nom d’« École de la paix », dans bien des communautés de Sant'Egidio dans le monde, notamment en Afrique. Le modèle de ces pionniers, c’est la communauté chrétienne primitive, telle qu’on la découvre dans les Actes des Apôtres, et saint François d’Assise, « parce qu’il se voulait laïc, vivant au milieu de tous, dans l’humilité ».
Une présence aux quartiers défavorisés
Les jeunes membres de la communauté naissante, venus de quartiers plutôt favorisés, vont ainsi développer leurs activités à l’extérieur de Rome, là où se trouvent les plus pauvres. Pendant quatre ans, on vit travailler anonymement parmi eux le recteur de l’Institut biblique de l’université grégorienne, futur cardinal et archevêque de Milan, Carlo Maria Martini. Sant'Egidio, écrira-t-il, « c’est l’Église qui commence vraiment par le début. C’est la demande insistante, de l’intérieur, du profond du cœur : où vit-on aujourd’hui l’Évangile de la manière la plus authentique ? »
Aujourd’hui, bien plus peut-être que l’activité internationale – pourtant débordante – de Sant'Egidio , c’est dans cette présence perpétuée auprès des plus pauvres que l’on peut découvrir l’essentiel de la vie de la communauté de Rome, et la réalité de celle des petites communautés réparties dans une soixantaine de pays.
C’est à Sant'Egidio qu’il faut par exemple s’adresser si l’on s’intéresse aux SDF romains. La communauté a même obtenu de la mairie que ces exclus disposent d’une domiciliation virtuelle dans une rue virtuelle, la « via Modesta-Valenti », du nom d’une femme morte en 1983 après un malaise dans l’indifférence générale, parmi les clochards de la gare Termini avec lesquels elle vivait. Chaque année, lors de la messe anniversaire de la communauté, les SDF sont là, nombreux, dans le fond de la nef de la basilique Saint-Jean-de-Latran, à bonne distance des personnalités qui se pressent aux premiers rangs.
Une prière de type monastique, un bref commentaire par un laïc
Mais le ressort principal de la vie de Sant'Egidio , c’est le soir qu’il se donne à découvrir, au moment de la prière quotidienne, dans la basilique Santa-Maria-in-Trastevere comme dans toutes les communautés du monde qui lui sont rattachées. La prière et la communication de l’Évangile à travers le service des pauvres, tels sont les deux piliers de Sant'Egidio. Une prière de type monastique, à travers le chant des psaumes, conclue par un bref commentaire de l’Écriture habituellement effectué par un laïc de la communauté.
Chaque soir, la basilique est pleine, faisant voisiner des membres de Sant'Egidio venus de toute la ville, des gens qui travaillent avec eux et de nombreux touristes qui viennent s’associer à la prière commune, qui devient aussi un moment d’accueil. Le visiteur étranger peut bénéficier d’écouteurs et de la traduction simultanée.
Cette découverte de Sant ’Egidio à l’occasion d’un voyage à Rome a largement contribué à l’essaimage de la communauté à travers le monde. Celui-ci n’a pas été calculé, prévu, et il n’y a pas eu de fondations comme c’est la tradition des congrégations religieuses. Le plus souvent, les communautés ont démarré sur l’initiative d’individus ou de petits groupes qui s’étaient imprégnés de l’esprit de Sant'Egidio lors de séjours romains, par exemple dans les universités pontificales. Ce fut le cas en Italie et en Europe, puis, plus tard, en Amérique centrale et en Afrique.
Le succès au Mozambique, des difficultés en Algérie
Dans les années 1980, des membres de Sant'Egidio en coopération au Mozambique se rendent compte que le développement n’est pas possible sans la paix. La communauté va alors déployer tous ses efforts pour rendre la négociation possible entre les deux camps. Sur son initiative, toute une série de partenaires – gouvernement italien et Église mozambicaine compris – vont s’allier pour amener peu à peu les intéressés à trouver un terrain d’entente. Jusqu’à l’accord du 4 avril 1992 – jour de la Saint-François d’Assise, ce qui n’est sans doute pas un hasard. Aujourd’hui, Sant'Egidio est toujours actif au Mozambique, où son programme Dream tente d’organiser les soins apportés aux malades du sida.
La réputation de Sant'Egidio grandit, et la communauté va se trouver engagée dans différents processus de paix, souvent dans la plus grande discrétion, mais avec un succès inégal. Présente de longue date en Côte-d’Ivoire, Sant'Egidio a participé par exemple à la rencontre de Marcoussis et continue de jouer dans ce pays un rôle pacificateur. De même, dans la crise des Balkans, de l’Albanie au Kosovo, la communauté a notamment tenté de renouer les fils avec les Églises orthodoxes locales. Un combat qui rejoint ceux qu’elle mène par ailleurs de longue date, contre la peine de mort, et pour la mémoire des martyrs de toutes confessions.
L’initiative de faire se rencontrer en 1994 à Rome les représentants de toutes les tendances politiques algériennes, au plus fort de l’affrontement entre pouvoir et islamistes, aura moins de réussite. Le gouvernement algérien refusa de discuter avec l’ensemble des partis d’opposition, parmi lesquels le FIS. Sant'Egidio sera même montré du doigt par certains pour avoir en quelque sorte valorisé le FIS, alors interdit en Algérie. Pourtant, le dialogue reprendra cinq ans plus tard en Algérie, après l’élection du président Bouteflika.
L’autre grand événement qui a orienté la vie de la communauté de Sant'Egidio , c’est bien sûr la rencontre interreligieuse d’Assise de 1986. Andrea Riccardi et les siens, qui avaient trouvé auprès de Jean-Paul II un soutien immédiat dès 1978, vont entretenir l’esprit d’Assise avec l’appui explicite du pape, à travers la réunion interreligieuse annuelle « Hommes et religions » – celle-là même qui va se tenir pour la première fois en France dans une semaine à Lyon.
Oecuménisme et esprit d'Assise
Un engagement important, alors que l’initiative du pape n’avait pas recueilli que des approbations dans la curie. Le cardinal Ratzinger notamment, alors qu’il n’était pas encore Benoît XVI, est toujours resté réservé vis-à-vis de ce type de réunion. Mais il a respecté, le 25 août dernier, l’usage de son prédécesseur recevant les responsables de la communauté avant chacun de ces rassemblements.
Tous ces contacts ont permis à Sant'Egidio de jouer également un rôle éminent sur le plan œcuménique, singulièrement avec les orthodoxes, jamais très à l’aise avec la hiérarchie catholique. Ainsi est-ce l’excellent déroulement de la rencontre « Hommes et religions » de Bucarest, en septembre 1998, qui ouvrit la voie à une visite de Jean-Paul II en Roumanie six mois plus tard, la première dans un pays majoritairement orthodoxe, en plein accord avec le patriarche Teoctist. Ce fut comme un grand dégel.
Les lycéens du lycée Virgile ont aujourd’hui un peu vieilli, et de nouvelles générations sont venues renforcer Sant'Egidio, dans le même esprit, avec la même confiance dans la prière et cette « force faible qui se refuse à la violence mais ne se résigne pas à l’impuissance ». « Notre communauté, dit Andrea Riccardi, ce sont tout simplement deux ou trois hommes ou femmes qui se retrouvent pour prier, qui se sentent amis, qui vivent la compassion pour les pauvres. »
Encore peu implantée et mal connue en France, Sant'Egidio va s’y présenter pour la première fois au grand public. L’exemple de fraternité et de dialogue interreligieux de ces rencontres sera, à l’évidence, son meilleur passeport.
Yves PITETTE
***
Pour mieux connaître et comprendre Sant ’Egidio
La communauté fondée par Andrea Riccardi compte aujourd’hui plus de 50 000 membres et est présente en groupes locaux dans 70 pays de tous continents, particulièrement dans les grandes villes pour y vivre la prière et la solidarité avec les plus pauvres. Les membres de la communauté ne prononcent pas de vœux et ne vivent pas sous le même toit, mais sont unis par le lien de la fraternité, de la prière et des engagements communs.
Pour la contacter
À Rome : Comunità di Sant ’Egidio, Piazza Sant ’Egidio 3A, I-00156 Roma.
Tél. : 00.39.06.58.56.61.
Site : www.santegidio.org
Courriel : info@santegidio.org
En France : Communauté Sant ’Egidio , 8, rue Bernard-de-Clairvaux, 75003 Paris.
Tél. : 01.40.29.97.70.
Fax : 01.40.29.97.82.
Courriel : santegidio@aol.com
À lire
Sant'Egidio, Rome et le monde, entretiens d’Andrea Riccardi avec Jean-Dominique Durand et Régis Ladous. (Beauchesne 1996, 191 p.)
L’Église catholique vers le IIIe millénaire. Entre intransigeance et modernité, d’Andrea Riccardi. (Desclée de Brouwer 1998, 153 p.)
Sant'Egidio. L’Évangile au-delà des frontières, entretiens d’Andrea Riccardi avec Dominique Chivot. (Bayard 2001, 169 p., 19 euros.)
La Parole de Dieu chaque jour, de Don Vincenzo Paglia. (Parole et Silence 2005, 423 p., 16 euros.)
L’Esprit d’Assise. Discours et messages de Jean-Paul II à la Communauté de Sant'Egidio, de Jean-Dominique Durand. (Cerf 2005, 203 p., 25 euros.)
L’étonnante modernité du christianisme, d’Andrea Riccardi (Presses de la Renaissance, 2005, 285 p., 18 euros.)
À paraître
La Paix préventive, d’Andrea Riccardi, en librairies le 12 septembre. (Salvator, 200 p., 19 euros.)
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