9.07.2005

Benoît XVI n'est pas Joseph Ratzinger

Livre. Pour le rédacteur en chef religieux de la Croix le pape pourrait bien nous surprendre. Optimiste.

Par Catherine COROLLER


Libération, mercredi 07 septembre 2005

Benoît XVI, pape de contre-réforme ? L'ouverture d'un pontificat, Michel Kubler, éd. Bayard, 160 pp., 13,80 €.

 
«Oubliez Joseph, accueillez Benoît.» Joseph, c'est Joseph Ratzinger, ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Benoît, c'est le même rebaptisé Benoît XVI lors de son élection comme pape, le 19 avril. Cette incantation est désormais le credo de l'Eglise catholique. Et Michel Kubler, rédacteur en chef religieux de la Croix, l'entonne à son tour dans l'ouvrage qu'il consacre au nouveau pape. Le dessein est simple : convaincre que Benoît XVI n'est pas Joseph Ratzinger. En clair, que le nouveau pape disposera d'une liberté de manoeuvre infiniment plus grande que le responsable de la Congrégation pour la doctrine de la foi.
L'autre thèse étant que le vrai Joseph Ratzinger ne ressemble pas à la caricature qui en a été faite, notamment pas les médias : un réactionnaire. Caricature ? Au sein même de l'Eglise, Benoît XVI a une réputation d'intransigeance. Parmi les cardinaux qui ont «poussé» sa candidature lors du conclave réuni pour la désignation du successeur de Jean-Paul II figuraient des «ultras», désireux «de faire effectuer à l'Eglise catholique un puissant repli identitaire, face aux effets pernicieux conjugués, à leurs yeux, des excès d'ouverture ad intra et ad extra», rapporte Michel Kubler. «Pour ces partisans d'une authentique "restauration" de l'Eglise, le portrait-robot du "papabile" idéal coïncidait providentiellement avec le profil du cardinal Ratzinger.»
En l'élisant, ces ultras auraient fait une erreur de casting ? Pas totalement, car, comme le concède Michel Kubler, au cours des vingt-trois années passées à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi, Joseph Ratzinger a largement justifié sa réputation de gardien du dogme, multipliant condamnations et réprobations. Ont fait les frais de cette «mise au pas» des théologiens contestataires tels que le Suisse Hans Küng, le Brésilien Leonardo Boff, les Américains Charles Curran et Matthew Fox, l'Allemand Eugen Drewermann.
L'obsession du cardinal Ratzinger est alors de redéfinir une identité du christianisme qu'il juge menacée par les assauts de la modernité. D'où sa vigilance envers les risques de dilution interne mais également externes. «Concernant le dialogue avec les autres religions, le cardinal Ratzinger se sera toujours montré d'une prudence extrême, rappelle Michel Kubler. Symbole le plus éloquent : il n'a pas participé au premier grand rassemblement interreligieux suscité par Jean-Paul II à Assise en octobre 1986, par peur d'encourager l'indifférentisme, une banalisation du christianisme au milieu des autres traditions.»
Alors ? Alors Michel Kubler n'exclut pas un retour de Benoît XVI vers ses «amours» de jeunesse. Lors du concile Vatican II (1962-1965), Joseph Ratzinger aurait été l'un de ceux qui ont porté une vision de l'Eglise «peuple de Dieu», en rupture avec l'habituelle définition de l'institution à partir de sa hiérarchie. Vingt ans plus tard, le cardinal Ratzinger enterrera cette expression. Devenu pape, Benoît XVI va-t-il se lancer dans «les ouvertures et les réformes qui lui sont chères», comme le pronostique Michel Kubler ? Pour l'heure, rien de la par t du nouveau pape ne permet un tel optimisme.
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