3.27.2005

A Rome, une foule émue associe le pape, absent, à son chemin de croix

Reportage

LE MONDE | 26.03.05 | 14h32 • Mis à jour le 27.03.05 | 12h40
Rome de notre correspondant
Les applaudissements retenus sont montés de la foule à la fin de la cérémonie, hommage spontané au pape que la maladie a empêché de participer au chemin de croix du vendredi saint, dans la soirée du 25 mars à Rome. Sa volonté n’a pas suffi. Pour la première fois en vingt-six ans de pontificat, Jean-Paul II, convalescent fragile après sa trachéotomie du 24 février, a dû renoncer à ce moment fort des célébrations pascales.
Les milliers de fidèles recueillis près du Colisée ont pu l’apercevoir sur écran géant, alors qu’il suivait la cérémonie à la télévision depuis sa chapelle privée du palais apostolique au Vatican. Jamais sans doute un absent n’aura été aussi présent. Sur les images vidéo qui le montraient de dos, assis sur un fauteuil, une étole rouge autour du cou. Mais surtout dans le coeur et les pensées des catholiques réunis pour la traditionnelle évocation de la Passion du Christ.
"Je suis spirituellement avec vous au Colisée, un lieu qui évoque pour moi tant de souvenirs et d’émotions", a-t-il confié dans un message lu par le cardinal Camillo Ruini, vicaire de Rome. Rappelant que la mort de Jésus sur la croix "a fait jaillir une nouvelle espérance pour l’humanité", le pape a ajouté : " J’offre moi aussi mes souffrances, pour que le dessein de Dieu s’accomplisse et que sa parole fasse son chemin à travers les hommes."
C’est Mgr Ruini qui a porté la croix lors des deux premières stations, dans les entrailles illuminées du Colisée, puis de nouveau, pour la quatorzième et ultime, sur les hauteurs du Palatin. A cet instant, les écrans vidéo ont montré Jean-Paul II tenant un grand crucifix dans sa main droite, comme s’il ne se résignait pas à être seulement spectateur.
Pendant longtemps, alors qu’il perdait progressivement l’usage de ses jambes, souffrant d’arthrose, le chef de l’Eglise s’était obstiné à porter la croix, la maintenant fermement au prix d’intenses efforts ces deux dernières années. Cette fois, la mise en scène illustrait la faiblesse aggravée de sa santé et une volonté intacte de participer.
"Il agit avec une absolue lucidité, et ceci est un vrai don de Dieu, étant donné les épreuves physiques auxquelles il est soumis", a révélé le cardinal Joseph Ratzinger, dans une émission de télévision consacrée au "calvaire du pape", diffusée quelques minutes avant le début du chemin de croix. Selon le cardinal allemand, " son esprit est vif et son discernement peut-être encore plus fort : il a la capacité d’aller à l’essentiel et de gouverner, tout en souffrant, avec des décisions peu nombreuses, mais essentielles".
C’est précisément Mgr Ratzinger, doyen du Sacré Collège des cardinaux, présenté parfois comme un successeur potentiel, que Jean Paul II avait chargé de rédiger les méditations spirituelles du chemin de croix. Le ton très dur de certains de ses textes a surpris. "Souvent, Seigneur, ton Eglise nous semble une barque prête à couler, une barque qui prend l’eau de toutes parts", a écrit le préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi. Lus par des comédiens, ses textes ont résonné comme autant de commentaires d’actualité.
Sur les problèmes de pédophilie, par exemple : " Que de souillures dans l’Eglise, et particulièrement parmi ceux qui, dans le sacerdoce, devraient lui appartenir totalement ! Combien d’orgueil et d’autosuffisance !" Concernant la question de l’embryon et du clonage, c’est un refus de voir en l’homme " une sorte de marchandise, pouvant s’acheter et se vendre, tel un réservoir de matériaux pour nos expérimentations". Enfin, il a dénoncé "un nouveau paganisme qui, en voulant mettre définitivement Dieu à part, a fini par se débarrasser de l’homme".
Jean Paul II a suivi la cérémonie de bout en bout, pendant une heure et demie, mais les fidèles n’ont pas entendu sa voix, ni même vu son visage. Absent jusque-là des célébrations publiques, le pape pourrait, dit-on au Vatican, intervenir pour la bénédiction urbi et orbi du dimanche de Pâques.
Jean-Jacques Bozonnet
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Spéculations sur des changements à la Curie

Les spéculations ont repris à Rome sur d’éventuels changements à la tête de la Curie romaine et la proximité d’un consistoire de cardinaux, élargissant le collège des électeurs du pape. Le quotidien Il Messagero a annoncé le prochain remplacement, comme numéro 2 de la Curie, du cardinal Angelo Sodano, secrétaire d’Etat, âgé de 77 ans, par le cardinal Giovanni-Battista Ré, 71 ans, préfet de la congrégation des évêques. Le cardinal Sodano se serait attiré de fortes inimitiés à Rome en évoquant publiquement, début février, une éventuelle démission du pape. Le Vatican a démenti, mais la presse italienne fait état de désaccords croissants entre, d’un côté, Stanislaw Dziwisz, le secrétaire privé du pape, et le cardinal Ré et, de l’autre, le secrétaire d’Etat. Par ailleurs, la maladie de Jean Paul II pourrait précipiter l’annonce d’un consistoire créant de nouveaux cardinaux. Le collège des électeurs du pape est à ce jour de 117. Il peut atteindre le "plafond" de 120. Dans cette hypothèse, entre autres prélats, Mgr André Vingt-Trois, nouvel archevêque de Paris, successeur de Mgr Lustiger, sera créé cardinal. - (AFP.)
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