4.02.2005

L'agonie du Saint-Père en direct

Selon le Vatican, le Pape était hier dans un état de santé d'une «gravité évidente»
Le Vatican : de notre correspondant Hervé Yannou
[Le Figaro, 02 avril 2005]

Son souffle était devenu hier soir «superficiel» selon Le Vatican. Jean-Paul II, «conscient» et «très serein», a passé la journée entre la vie et la mort dans sa chambre du palais apostolique au Vatican. Sa lente agonie se fait sous l'oeil des journalistes et des caméras du monde entier, qui tissent un lien matériel entre Rome et les 1,7 milliard de catholiques qui accompagnent par la prière leur pape.
Hier à midi, le porte-parole du Saint-Siège jugeait l'état de santé de Jean-Paul II «stationnaire», mais «d'une gravité évidente». Il évolue d'heure en heure. La pression artérielle était «instable» et les paramètres biologiques «altérés», a rapporté Joaquin Navarro Valls devant un parterre de centaines de journalistes. «C'est une image que je n'avais jamais vue en vingt-sept ans de pontificat, il est lucide, extrêmement serein, avec la volonté d'aller jusqu'au bout», a conclu l'Espagnol, ému jusqu'aux larmes. Cette émotion n'est pas de coutume chez cet homme, au service de Jean-Paul II depuis plus de vingt ans et habitué à affronter les journalistes. Elle révèle le climat dramatique qui a saisi le Vatican.
Le Saint-Père a été victime, dans l'après-midi de mercredi, d'une infection urinaire, d'une septicémie, «et a été victime d'un arrêt cardiaque», avait révélé au petit matin, dans un communiqué, le porte-parole du Saint-Siège. Le chef de l'Eglise catholique a été immédiatement secouru par l'équipe de médecins de garde dans son appartement privé et il a été placé «sous assistance cardio-respiratoire». Une stabilisation de son état de santé s'en est suivie. Elle a été de courte durée. A 19 h 17, mercredi, alors que nul ne connaissait encore la situation dramatique, le Pape a reçu le sacrement des malades, l'extrême-onction. Le septième et dernier sacrement de l'Eglise catholique.
Jean-Paul II meurt doucement en pape et en simple prêtre. Informé de la gravité de son état de santé, il a refusé toute nouvelle hospitalisation. Il a souhaité demeurer chez lui, au Vatican, accompagné de son médecin personnel, Renato Buzzonetti. Deux médecins réanimateurs de l'hôpital Gemelli, où il a été hospitalisé à deux reprises au mois de février, un cardiologue et un otorino-laryngologiste font aussi partie de cette équipe médicale qui entoure le Pape. Son fidèle secrétaire particulier, Mgr Stanislaw Dziwisz, est comme toujours à ses côtés, ainsi que les religieuses polonaises qui le servent depuis le début de son pontificat, il y a vingt-six ans.
Dans les couloirs de la secrétairerie d'Etat, l'atmosphère est lourde. On se prépare à la disparition du Pape. Ainsi, dans la tourmente de ces dernières heures, le Saint-Siège a publié une série de vingt-deux nominations ou de renonciations d'évêques, d'archevêques et de nonces. Des décrets que le Pape a en grande partie signés au cours du mois de mars. S'ils n'avaient pas été rendus publiques et en cas de disparition du Souverain Pontife, ils n'auraient pu être effectifs.
Plusieurs de ses plus proches collaborateurs et des hommes clefs du Vatican se sont aussi succédé au chevet de Jean-Paul II dans la matinée d'hier. Le numéro deux du Vatican, le cardinal Angelo Sodano, le cardinal Joseph Ratzinger, «gardien de la doctrine de l'Eglise» et surtout doyen des cardinaux qui seront appelés à élire le successeur de Jean-Paul II ont peut-être pour la dernière fois rencontré le Pape. Le cardinal Camillo Ruini, vicaire de Rome et le cardinal Edmund Szoka, gouverneur de la Cité du Vatican, l'ont aussi vu. Mgr Leonardo Sandri, le substitut de la secrétairerie d'Etat qui ces dernières semaines était le porte-voix du Pape, Mgr Giovanni Lajolo, «ministre des Affaires étrangères» du Vatican, leur ont succédé. Enfin, c'est Mgr Paolo Sardi qui est monté dans les appartements pontificaux. C'est le bras droit du cardinal camerlingue Eduardo Marinez Somalo. C'est ce dernier qui devra constater la mort de Jean-Paul II. Il aura ensuite la lourde charge de conduire les affaires courantes de l'Eglise jusqu'à l'élection du 265e successeur de Pierre.
Tout semble ainsi prêt pour le dernier voyage de Jean-Paul II. «L'athlète de Dieu» ne lutte plus pour la vie. Il se prépare à se présenter devant celui dont il est le vicaire sur terre. Du fond de son lit, il aurait concélébré la messe hier matin, puis demandé qu'en ce vendredi lui soient lues les quatorze stations du chemin de croix du Christ. Il aurait fait le signe de croix à chacune de ces lectures. Ensuite, il aurait voulu suivre la liturgie des Heures, comme n'importe quel prêtre et religieux catholique. C'est la prière de l'Eglise au fil des heures, une façon de se joindre au Christ. Enfin, il aurait demandé que lui soit faite la lecture de passages de la Bible.
Au-delà des murs du palais apostolique, l'heure est aussi au recueillement. Si les touristes déambulent sur l'avenue fermée à la circulation qui conduit à la place Saint-Pierre, de nombreux fidèles et surtout des jeunes, dont Jean-Paul II a été si proche tout au long de son règne, se sont recueillis, agenouillés en prière, les yeux emplis de larmes, devant les fenêtres du Pape. Autour d'eux, des centaines de journalistes suivent dans la confusion le dernier acte public de Jean-Paul II. La salle de presse du Saint-Siège est désormais ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elle est engorgée de correspondants de presse du monde entier.
Cette ruche est à l'affût de la moindre information, de la moindre rumeur, qui pourrait venir percer l'intimité de la mort de Jean-Paul II, le pape le plus médiatique de tous les temps. Dans cette véritable course à l'information, tout au long de la journée d'hier, des bruits n'ont cessé de courir sur l'évolution de l'état de santé du Pape. On a ainsi annoncé qu'il était dans le coma. Un bruit rapidement démenti par le Vatican. D'autres sources faisaient état de l'annonce imminente de sa mort. Une seule chose est certaine, ce sont les derniers instants de Jean-Paul II. Ce n'est plus qu'une question de temps, avant que toutes les cloches de Rome sonnent le glas.
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