4.20.2005

Monseigneur Minnerath : « Il va surprendre »

Le Bien Public 20 avril 2005

LE CARDINAL RATZINGER ÉLU PAPE

Hier, à 17 h 50, à l'anonce de l'élection du cardinal allemand Joseph Ratzinger, Mgr Minnerath, archevêque de Dijon, qui le connaît depuis 20 ans, ne pouvait cacher sa joie.

L E Bien public-les Dépêches. - Monseigneur Minnerath, quel est votre sentiment suite à l'élection de Benoît XVI, un homme que vous connaissez bien ?

Monseigneur Roland Minnerath - Je n'osais pas y croire, je suis très ému. Nous étions tous en réunion à l'archevêché, et nous avons suivi cet événement à la télévision. Quand j'ai vu que c'était Joseph Ratzinger qui a été choisi par les cardinaux, j'ai jubilé : j'ai travaillé avec lui pendant 20 ans. Il a été élu parce que c'est lui, et non pas de par sa nationalité ou son statut de doyen du Sacré Collège.

BP-LD. - Vous connaissez bien Benoît XVI. Quel genre d'homme est-il ?

Mgr R.M. - C'est quelqu'un d'une grande simplicité, très humble, un homme de devoir. Ses premiers mots ne m'ont pas surpris : « l'humble ouvrier dans la vigne du Seigneur ». Cette phrase, ce n'est pas de la littérature, il la pense vraiment ! Autrement, il a été professeur, et ça se ressent : il aime rechercher, aller au fond des choses. C'est un théologien hors pair. Il était déjà expert du cardinal Frinks lors du concile Vatican II. Ensuite, il a été pendant 25 ans le préfet de la congrégation pour la doctrine de la Foi. Mais il n'a rien d'un doctrinaire. C'est un homme libre, capable de parler avec tous. Il sera très fort dans les discussions pour les idées. Inutile de crier au loup, avec lui, les idées « progressistes » ne seront pas freinées.

BP-LD. - Il est Allemand, est-ce important ?

Mgr R.M. - C'est sûr, ça n'aura pas le même impact que lors de l'élection de Jean-Paul II, mais il ne faut pas comparer. Adolescent, Benoît XVI a connu le nazisme, et il a surtout vécu l'après-guerre, la reconstruction, la mise à l'écart des autres nations. Il a assumé cette histoire très lourde. C'est un homme très respecté en Allemagne. Il n'a jamais été dénigré dans son pays par les médias.

BP-LD. - Quel sera le thème directeur de son pontificat ?

Mgr R.M. - La vérité, sans aucun doute. C'est son grand sujet actuel. La vérité est objective, il faut la rechercher. C'est ce qu'il fait déjà, et qu'il fera sûrement, d'autant que nous vivons dans un monde où le relativisme est roi, où tout se vaut. Alors qu'il faut bien un jour être confronté à quelque chose qui nous dépasse. Son pontificat s'inscrira dans la lignée de celui de son prédécesseur, il ne faut pas s'attendre à une rupture.
BP-LD. - L'Allemagne, c'est aussi la terre du protestantisme, un atout dans le dialogue interreligieux cher à Jean-Paul II ?

Mgr R.M. - Oui, et un véritable rapprochement est possible avec les églises Luthériennes, qui sont déjà très proches de l'Eglise Catholique. C'est d'ailleurs lui qui fut la cheville ouvrière du texte d'union sur la justification par la Foi. La justification par la Foi, qui est à l'origine du schisme avec Luther. Pour les autres églises protestantes, c'est un plus : elles savent à qui elles ont affaire, elles savent que le pape connaît bien leur dossier.

BP-LD. - Benoît XVI a-t-il le charisme de son prédécesseur ?

Mgr R.M. - Là encore, il ne faut pas entrer dans le jeu des comparaisons. Benoît XVI est un doux, quelqu'un qui touche. Ce qui ne veut pas dire qu'il est passif. Il parle au cœur des hommes, avec simplicité. Mais l'accueil extraordinaire qui lui a été réservé témoigne qu'il peut toucher les foules. A mon avis, son pontificat va nous surprendre, à l'image de celui de Jean XXIII, qui ne payait pas de mine aux yeux des observateurs, mais qui a tout de même lancé le concile Vatican II.

BP-LD. - Les prochaines JMJ auront lieu à Cologne, ça va être de la folie ?

Mgr R.M. - Oui, c'est certain. Ca va être un moment jubilatoire. J'y serai, puisqu'il était déjà prévu que je prêche deux catéchèses, une en français, une en allemand. Ca va être tout simplement extraordinaire : un pape allemand en Allemagne, imaginez !

BP-LD. - Pourquoi avoir choisi le prénom de Benoît ?

Mgr R.M. - Je n'en sais rien. J'avais l'intuition que s'il était élu, il choisirait celui-là. Ensuite, il peut y avoir plusieurs raisons, mais ce sont des hypothèses. Saint Benoît, c'est le saint patron de l'Europe, c'est aussi la règle bénédictine. Et les deux Benoît précédents étaient des réformateurs, alors. Nous verrons. Ce qui est sûr, c'est qu'il va très vite trouver ses marques.

BP-LD. - Quel regard portez-vous sur le conclave et l'esprit dans lequel il s'est déroulé ?

Mgr R.M. - Le conclave a été propre. Pas de politique, pas de rivalités entre les cardinaux, quoi qu'en disent les médias. Au vu de sa rapidité, j'ai la certitude que c'est le choix du cœur et de l'unité qui a été retenu par les cardinaux. Il n'y a pas eu de trafic d'influence. Il faut comprendre que l'élection d'un pape se fait selon des critères propres à l'Eglise, avec des enjeux et un fonctionnement qui n'ont rien à voir avec des élections au suffrage universel.

BP-LD. - Allez vous faire pression pour canoniser la bienheureuse Thérèse de la Trinité ?

Mgr R.M. - Non, ce n'est pas possible : je ne suis pas en charge du dossier. Si les Carmélites me saisissent, pourquoi pas ? je m'en occuperai, mais il n'est pas question de faire pression ! Une canonisation n'est pas quelque chose de futile.

BP-LD. - Qu'allez-vous faire pour célébrer ce nouveau pape dans votre diocèse ?

Mgr R.M. - Il est trop tôt pour annoncer quoi que ce soit. Nous célébrerons l'évènement, c'est certain, mais quand et comment, je ne peux pas encore le dire. La nuit porte conseil. De même, je ne peux pas dire si je me rendrai à Rome pour la messe d'intronisation. La nuit porte conseil, nous verrons demain !

Propos recueillis par Eric CHAZERANS
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