Rome à l'heure du choix
Le Vatican : de notre envoyée spéciale Sophie de Ravinel
[Le Figaro, 18 avril 2005]
Cent quinze cardinaux se retrouvent aujourd'hui sous les fresques de la chapelle Sixtine pour désigner celui d'entre eux qu'ils estiment choisi par Dieu pour guider son Église. «C'est une liturgie», a insisté hier matin le cardinal Jean-Marie Lustiger, archevêque émérite de Paris, «il n'y a rien de par - le mentaire dans l'assemblée». L'heure est à la gravité. Tous savent que prendre la suite de Jean-Paul II n'est pas une mince affaire et qu'il est absolument inutile de chercher un clone pour le remplacer.
Dimanche matin d'orages violents sur Rome. Le ciel est bas et les cardinaux prêchent dans leurs églises respectives. Dans la paroisse dédiée à saint Antoine, le patriarche de Lisbonne, José da Cruz Policarpo, explique qu'il faut retenir celui «qui sera capable de toucher les coeurs». «Il ne faut surtout pas une proclamation froide de la doctrine, explique-t-il, mais une annonce de la foi qui convertisse !» Pour lui, «l'élection d'un pape ne doit pas être un fait médiatique, il faut cesser cette curiosité vaine, se recueillir et prier». Tout le monde s'est donc mis fidèlement en prière avec lui, au fil de la liturgie dominicale. A la fin, dans la sacristie, les journalistes sont là, et lui aussi. Sans hésiter une minute, il se prête volontiers à l'exercice et reprend avec pédagogie son thème de prêche sous l'oeil des caméras.
Non loin de là, dans la paroisse Saint-Louis-des-Français, le cardinal Jean-Marie Lustiger parle du sens profond de ce conclave, de son caractère spécifique et de la gravité qui étreint les électeurs. «Il ne s'agit pas d'une élection au sens où l'on peut la vivre dans une nation ou dans un groupement économique qui serait en charge d'élire son président», explique-t-il avec sa voix cassée. «Dans ces cas-là, le choix se fait fatalement sur un programme entre plusieurs candidats. Le jeu consiste à ce que quelqu'un l'emporte sur l'autre.» Conscient du fait que «dans nos civilisations démocratiques, il est très difficile, de percevoir le sens de ce qui va se passer lors du conclave», il précise cependant que les cardinaux n'attendent pas «une illumination ou une vision qui brusquement nous ferait dire : c'est celui-ci ou celui-là». «A vue humaine, précise-t-il, ce qu'il nous faut, c'est purifier notre intelligence et notre jugement de tout intérêt, de tout ce qui peut nous obscurcir l'esprit afin d'être vraiment libre en Dieu.» L'ancien archevêque de Paris est en «diète média tique» depuis déjà une semaine et refuserait d'écouter la radio ou de lire les journaux afin de mieux entrer «dans l'esprit du texte».
La veille, le cardinal Walter Kasper s'est rendu dans la paroisse tenue par la communauté laïque de Sant'Egidio, Sainte-Marie-du-Trastevere. «N'ayez pas peur !», a lancé en substance l'ancien responsable du Conseil pour l'oecuménisme à ses interlocuteurs qui lui brossaient un portrait dramatique de la situation du monde. Il a affirmé que «le nouveau pape doit être un roc vers qui les fidèles peuvent s'orienter, un pasteur qui les connaisse et dans lequel ils se reconnaissent».
La semaine passée à Rome n'avait pas brillé par son atmosphère d'entente cordiale entre les «princes de l'Église», mais plutôt par la volonté de mettre à plat les problèmes, particulièrement ceux liés au gouvernement de l'Église. Depuis au moins cinq ans qu'ils étaient en suspens du fait de la maladie de Jean-Paul II, l'occasion était bonne pour faire le point, en famille.
Depuis quarante-huit heures, une atmosphère plus sereine s'est installée. Une revue américaine rapporte que les cardinaux Karl Lehman, Jean-Marie Lustiger et Angelo Scola, entre autres, se sont rencontrés dans la maison religieuse Mater Dei pour évaluer la situation. Qui sait ce que se seront dit ces cardinaux de courants très différents... Seule l'idée d'une recherche d'unité émerge de ce colloque.
A partir d'aujourd'hui, le sujet qui taraude les observateurs extérieurs est celui de la durée. Samedi, ils ont été avertis que les cardinaux pourraient attendre demain avant de déposer pour la première fois leur bulletin de vote dans les urnes. Le conclave sera-t-il bref ? A cette question, les cardinaux lèvent généralement la tête vers le ciel comme pour signifier qu'ils n'en savent rien eux-mêmes.
Pour les aider spirituellement dans leur tâche, quelques cardinaux de plus de 80 ans, dont le cardinal suisse Georges Cottier, ont été invités à célébrer la messe deux fois par jour dans la basilique pontificale de Saint-Jean-de-Latran. Les fidèles romains ou ceux venus pour accueillir le prochain pape seront sans doute nombreux à s'y rendre. Une manière pour eux de participer à distance aux travaux des cardinaux.
[Le Figaro, 18 avril 2005]
Cent quinze cardinaux se retrouvent aujourd'hui sous les fresques de la chapelle Sixtine pour désigner celui d'entre eux qu'ils estiment choisi par Dieu pour guider son Église. «C'est une liturgie», a insisté hier matin le cardinal Jean-Marie Lustiger, archevêque émérite de Paris, «il n'y a rien de par - le mentaire dans l'assemblée». L'heure est à la gravité. Tous savent que prendre la suite de Jean-Paul II n'est pas une mince affaire et qu'il est absolument inutile de chercher un clone pour le remplacer.
Dimanche matin d'orages violents sur Rome. Le ciel est bas et les cardinaux prêchent dans leurs églises respectives. Dans la paroisse dédiée à saint Antoine, le patriarche de Lisbonne, José da Cruz Policarpo, explique qu'il faut retenir celui «qui sera capable de toucher les coeurs». «Il ne faut surtout pas une proclamation froide de la doctrine, explique-t-il, mais une annonce de la foi qui convertisse !» Pour lui, «l'élection d'un pape ne doit pas être un fait médiatique, il faut cesser cette curiosité vaine, se recueillir et prier». Tout le monde s'est donc mis fidèlement en prière avec lui, au fil de la liturgie dominicale. A la fin, dans la sacristie, les journalistes sont là, et lui aussi. Sans hésiter une minute, il se prête volontiers à l'exercice et reprend avec pédagogie son thème de prêche sous l'oeil des caméras.
Non loin de là, dans la paroisse Saint-Louis-des-Français, le cardinal Jean-Marie Lustiger parle du sens profond de ce conclave, de son caractère spécifique et de la gravité qui étreint les électeurs. «Il ne s'agit pas d'une élection au sens où l'on peut la vivre dans une nation ou dans un groupement économique qui serait en charge d'élire son président», explique-t-il avec sa voix cassée. «Dans ces cas-là, le choix se fait fatalement sur un programme entre plusieurs candidats. Le jeu consiste à ce que quelqu'un l'emporte sur l'autre.» Conscient du fait que «dans nos civilisations démocratiques, il est très difficile, de percevoir le sens de ce qui va se passer lors du conclave», il précise cependant que les cardinaux n'attendent pas «une illumination ou une vision qui brusquement nous ferait dire : c'est celui-ci ou celui-là». «A vue humaine, précise-t-il, ce qu'il nous faut, c'est purifier notre intelligence et notre jugement de tout intérêt, de tout ce qui peut nous obscurcir l'esprit afin d'être vraiment libre en Dieu.» L'ancien archevêque de Paris est en «diète média tique» depuis déjà une semaine et refuserait d'écouter la radio ou de lire les journaux afin de mieux entrer «dans l'esprit du texte».
La veille, le cardinal Walter Kasper s'est rendu dans la paroisse tenue par la communauté laïque de Sant'Egidio, Sainte-Marie-du-Trastevere. «N'ayez pas peur !», a lancé en substance l'ancien responsable du Conseil pour l'oecuménisme à ses interlocuteurs qui lui brossaient un portrait dramatique de la situation du monde. Il a affirmé que «le nouveau pape doit être un roc vers qui les fidèles peuvent s'orienter, un pasteur qui les connaisse et dans lequel ils se reconnaissent».
La semaine passée à Rome n'avait pas brillé par son atmosphère d'entente cordiale entre les «princes de l'Église», mais plutôt par la volonté de mettre à plat les problèmes, particulièrement ceux liés au gouvernement de l'Église. Depuis au moins cinq ans qu'ils étaient en suspens du fait de la maladie de Jean-Paul II, l'occasion était bonne pour faire le point, en famille.
Depuis quarante-huit heures, une atmosphère plus sereine s'est installée. Une revue américaine rapporte que les cardinaux Karl Lehman, Jean-Marie Lustiger et Angelo Scola, entre autres, se sont rencontrés dans la maison religieuse Mater Dei pour évaluer la situation. Qui sait ce que se seront dit ces cardinaux de courants très différents... Seule l'idée d'une recherche d'unité émerge de ce colloque.
A partir d'aujourd'hui, le sujet qui taraude les observateurs extérieurs est celui de la durée. Samedi, ils ont été avertis que les cardinaux pourraient attendre demain avant de déposer pour la première fois leur bulletin de vote dans les urnes. Le conclave sera-t-il bref ? A cette question, les cardinaux lèvent généralement la tête vers le ciel comme pour signifier qu'ils n'en savent rien eux-mêmes.
Pour les aider spirituellement dans leur tâche, quelques cardinaux de plus de 80 ans, dont le cardinal suisse Georges Cottier, ont été invités à célébrer la messe deux fois par jour dans la basilique pontificale de Saint-Jean-de-Latran. Les fidèles romains ou ceux venus pour accueillir le prochain pape seront sans doute nombreux à s'y rendre. Une manière pour eux de participer à distance aux travaux des cardinaux.
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