Non avresti paura
Indéniablement, Rome est depuis vendredi 1er avril la capitale du monde. Tous les regards sont tournés vers la Cité éternelle, souvenir évanescent d’un empire perdu dont l’Eglise catholique en poursuit l’universalité du rêve.
Jamais depuis le début de la maladie de Jean-Paul II toutes les attentions ne s’étaient autant tournées vers la place Saint-Pierre et ces petites fenêtres des appartements pontificaux. Les cardinaux regagnent en toute hâte le Siège de l’Eglise universelle en vue du prochain conclave. Les Romains et les touristes, des fidèles, se pressent sur cet immense parvis de la Basilique Saint-Pierre pour entendre le Rosaire, la prière préférée du Souverain Pontife. Ils veillent aussi le Père qui se meurt. Tous les Grands de ce monde vont s’exprimer. Tous les médias relayent ces images.
La télévision joue un rôle particulier dans cette tragédie humaine. Les messes de Saint-Jean-de-Latran sont offertes en mondovision à tous les catholiques et bien au-delà. Les moindres points de presse de joaillier Navarro-Valls sont retransmis en direct. Et quand il n’y a aucun événement, sinon l’indicible attente, les caméras fixes, installées à l’occasion des cérémonies jubilaires de l’An 2000, retransmettent les images de la foule qui se masse sur le parvis de la Basilique Saint-Pierre de Rome. Et, en audio, toujours les mêmes commentaires sur les informations diffusées par les agences de presse, tant italiennes qu’étrangères, qui se livrent une course au scoop depuis qu’un journaliste de SkyNews Italia a annoncé, dans la matinée de vendredi, que le Saint-Père avait sombré dans le coma. Vers 22 heures, l’agence Tass déclara le Pape mort.
Un rapide tour d’horizon montre cette attention télévisée unanime dans le recueillement, presque pieuse, comme en train de veiller, elle-aussi, le mourant. Rien à voir avec la couverture a posteriori du Tsunami, en pleine période de Noël, ou du 11 Septembre. Rien à voir non plus avec les annonces des décès de Diana, princesse de Galles et des cœurs, ou des anciens présidents François Mitterrand, Richard Nixon et Ronald Reagan. Cette fois, nulle stupeur, nulle conjecture sur les responsabilités engagées. Rien qu’un immense respect pour cette vedette médiatique des vingt-six dernières années qui tire sa révérence.
D’EuroNews à BBC World, en passant par TF1, Antenne 2, la ZDF ou la RAI, toutes les télévisions participent à cette attente. La encore, la recherche du scoop est présente, comme EuroNews annonçant dès 20 heures, le 1er avril, la mort du Pape. Mais il y aussi une volonté de rendre compte de l’effet de cette future disparition. Peu de supputations quant aux successeurs possibles, comme laissées pour après le décès et pour la presse écrite. Mais énormément de tours du monde, surtout de zoom sur la Chine et Cuba, qui se joignent au respectueux hommage. Il est vrai que l’« athlète de Dieu » avait, par son discours universel, réussi à dépasser le strict cadre de son Eglise pour diffuser un message au monde entier.
Les experts sont inévitablement présents en plateau, tant le sujet est particulièrement inconnu ; ils reprennent les journalistes quand, comme sur BBC World le 1er avril, lorsqu’ils annoncent que la messe à lieu au Vatican et qu’un Monseigneur reprend. Contrairement aux périodes de guerre, où les experts sont repris dans les milieux de la géopolitique et du militaire de réserve, ce qui engendre conjectures et commentaires parfois ahurissants de bêtise, comme Jean-Louis Dufour dans « le Figaro », pendant la dernière Guerre du Golfe, annonçant tout et son contraire au gré des événements. Encore une fois, les commentateurs invités à s’exprimer, comme Odon Vallet sur France 3, Slimane Zéghidour sur TV5, ou l’abbé de la Moranday sur I Le moment où le commentaire prit véritablement le pas sur l’information faite d’attente date de samedi 2 avril, après 21 h 37. Jusque-là, hormis sur la RAI, la télévision s’était abstenue de sa tendance naturelle à l’hagiographie. Certaines suivaient l’agonie depuis le début de la crise finale, comme EuroNews, BBC World et la RAI 1. D’autres prirent l’antenne samedi soir vers 22 h 05. Sur la TSR, un bandeau apparut pendant la diffusion du film du soir « Verticals Limits» pour annoncer le décès du Pape, puis laissa la place à une émission spéciale. TF 1 interrompit également la diffusion des «100 plus grandes gamelles» pour annoncer une édition spéciale. L'instruction a été donnée par Etienne Mougeotte qui, après une réunion éclair avec les directeurs de l'information, Robert Namias, et de l'antenne, Jean-François Lancelier, a immédiatement pris la décision de bouleverser la grille. Pas question de revenir plus tard sur l'émission présentée par Christophe Dechavanne. Début du flash. La journaliste de LCI Hélène Devynck annonce la mort du Saint-Père. Au même moment, sur France 2, les «Stars en duo» continuent de chanter contre le sida. Gros plan sur l'animatrice Daniela Lumbroso qui cède enfin la place à Carole Gaessler. Deux minutes, environ, se sont écoulées entre le lancement des deux éditions spéciales. Intense émotion, aussi, sur KTO, la chaîne catholique. «On a tous le souffle coupé», lance le présentateur, tout de noir vêtu.
Comment couvrir autrement un événement d'une telle portée médiatique ? Le décès du Souverain Pontife a bouleversé le calendrier des principales chaînes. Les responsables de l'information et des magazines planchent sur les reportages à monter de toute urgence, les documents à exhumer des tiroirs, les émissions susceptibles de passer à la trappe au profit de sujets plus chauds. Retour sur France 2. A la surprise générale, Carole Gaessler redonne la parole à Daniela Lumbroso. Le flash d'information n'aura duré que six minutes. Place à la chanson. «Il s'agissait d'un programme de solidarité», indique-t-on au siège de la chaîne publique, mobilisée samedi soir contre le sida au côté de Line Renaud. «Nous étions dans un cas de figure particulier, confie la directrice de la communication de France 2, Christine Delavennat. On comprend que TF 1 ne se soit pas posée de questions pour interrompre la diffusion des «100 plus grandes gamelles». Nous aurions agi de la même façon si nous avions diffusé un divertissement. Le sidaction, c'était différent. Nous avons souhaité être respectueux des malades du sida, mais aussi du Pape.» La programmation initiale aurait-elle été annulée si la nouvelle de la disparition du Pape était tombée avant 20 heures ? «Peut-être, ajoute la directrice de la communication de la chaîne, mais, une fois le sidaction commencé, cela devenait difficile. Nous n'avons pas été pris de court, nous avions envisagé toutes les hypothèses.»
Il n'empêche : un sentiment de malaise a gagné le public de France 2 ce samedi soir. Etrange sensation que celle d'entendre Arielle Dombasle donner de la voix sur France 2 pendant que les témoignages de hautes figures de l'Eglise se succédaient sur les chaînes concurrentes. Difficile aussi de partager le bonheur de Clémentine Celarié et de Michel Jonasz sur le point d'interpréter un duo. Mais se sentaient-ils le coeur, vis-à-vis des malades du sida, d'abandonner cette bonne humeur, dès lors que la chaîne publique poursuivait le direct ?
Dans cette ambiance étrange, chacun a tenté de commenter la disparition du Pape. «La Foi, c'est quelque chose d'universel», a notamment déclaré Clémentine Célarié. «Il y aura bien sûr une édition spéciale», a martelé Daniela Lumbroso, aussi émue que déstabilisée. La suite de cette émission, à la démarche généreuse, n'aurait-elle pas pu être diffusée dans les prochains jours, pour laisser la place à l'information ? «Nous avons fait ce que nous devions en tant qu'organisateur de cette grande soirée Sidaction, se défend Christine Delavennat. L'émotion était présente tout au long de l'émission.» A 22 h 55, Daniela Lumbroso a fini par rendre l'antenne, 45 minutes avant l'horaire prévu. Cédant la place à Carole Gaessler et à l'actualité. Dès lors France 2 a fait jeu égal avec la force de frappe du groupe TF 1-LCI. Une édition complète et émouvante qui s'est achevée vers 1 heure du matin.
Quant à l’Eglise, après une ultime récitation du Rosaire et de prières pour le repos du Saint Père, elle finit par appeler après 23 h les fidèles à rentrer chez eux. Pour Elle, pour eux, pour nous commencent neuf jours de deuils, marqués de messes, de réunions et des funérailles de Karol Wojtyla.
Dimanche, la plupart des grandes chaînes nationales et d’information diffusaient (rediffusaient pour la cas d’I Comme elle le fait depuis l'annonce du décès de «l'athlète de Dieu», la chaîne catholique KTO «dédie 100% de ses programmes à la disparition du Pape». Et ce toute la semaine. Avec trois temps forts quotidiens : deux JT d'une demi-heure chacun à 12 heures et 20 heures, un magazine de réflexion, de commentaires et de prière tous les soirs à 20 h 50. «Une rétrospective de la semaine, retraçant les hommages et la ferveur manifestée au Saint-Père, est programmée le week-end prochain. Avec un regard chrétien, insiste KTO, car nous voulons donner à l'événement une forte dimension de recueillement et de prière.»
Oubliés les malheurs du monde, les bombes à Beyrouth qu’annonçait presqu’ anecdotique ment le journaliste d’EuroNews vers 22 h 15 samedi, ou l’agonie du Prince rainier. Même TMC a interrompu ses programmes à compter de 22 h 30 samedi soir, pour relayer les images d’EuroNews, puis diffuser un reportage de 1996, qu’elle repassa le lendemain à partir de 12 h 30. Ultime témoignage de la centralisé de Rome, ou du moins de son évêque, dans un monde déchristianisé… mais médiatisé.
Jamais depuis le début de la maladie de Jean-Paul II toutes les attentions ne s’étaient autant tournées vers la place Saint-Pierre et ces petites fenêtres des appartements pontificaux. Les cardinaux regagnent en toute hâte le Siège de l’Eglise universelle en vue du prochain conclave. Les Romains et les touristes, des fidèles, se pressent sur cet immense parvis de la Basilique Saint-Pierre pour entendre le Rosaire, la prière préférée du Souverain Pontife. Ils veillent aussi le Père qui se meurt. Tous les Grands de ce monde vont s’exprimer. Tous les médias relayent ces images.
La télévision joue un rôle particulier dans cette tragédie humaine. Les messes de Saint-Jean-de-Latran sont offertes en mondovision à tous les catholiques et bien au-delà. Les moindres points de presse de joaillier Navarro-Valls sont retransmis en direct. Et quand il n’y a aucun événement, sinon l’indicible attente, les caméras fixes, installées à l’occasion des cérémonies jubilaires de l’An 2000, retransmettent les images de la foule qui se masse sur le parvis de la Basilique Saint-Pierre de Rome. Et, en audio, toujours les mêmes commentaires sur les informations diffusées par les agences de presse, tant italiennes qu’étrangères, qui se livrent une course au scoop depuis qu’un journaliste de SkyNews Italia a annoncé, dans la matinée de vendredi, que le Saint-Père avait sombré dans le coma. Vers 22 heures, l’agence Tass déclara le Pape mort.
Un rapide tour d’horizon montre cette attention télévisée unanime dans le recueillement, presque pieuse, comme en train de veiller, elle-aussi, le mourant. Rien à voir avec la couverture a posteriori du Tsunami, en pleine période de Noël, ou du 11 Septembre. Rien à voir non plus avec les annonces des décès de Diana, princesse de Galles et des cœurs, ou des anciens présidents François Mitterrand, Richard Nixon et Ronald Reagan. Cette fois, nulle stupeur, nulle conjecture sur les responsabilités engagées. Rien qu’un immense respect pour cette vedette médiatique des vingt-six dernières années qui tire sa révérence.
D’EuroNews à BBC World, en passant par TF1, Antenne 2, la ZDF ou la RAI, toutes les télévisions participent à cette attente. La encore, la recherche du scoop est présente, comme EuroNews annonçant dès 20 heures, le 1er avril, la mort du Pape. Mais il y aussi une volonté de rendre compte de l’effet de cette future disparition. Peu de supputations quant aux successeurs possibles, comme laissées pour après le décès et pour la presse écrite. Mais énormément de tours du monde, surtout de zoom sur la Chine et Cuba, qui se joignent au respectueux hommage. Il est vrai que l’« athlète de Dieu » avait, par son discours universel, réussi à dépasser le strict cadre de son Eglise pour diffuser un message au monde entier.
Les experts sont inévitablement présents en plateau, tant le sujet est particulièrement inconnu ; ils reprennent les journalistes quand, comme sur BBC World le 1er avril, lorsqu’ils annoncent que la messe à lieu au Vatican et qu’un Monseigneur reprend. Contrairement aux périodes de guerre, où les experts sont repris dans les milieux de la géopolitique et du militaire de réserve, ce qui engendre conjectures et commentaires parfois ahurissants de bêtise, comme Jean-Louis Dufour dans « le Figaro », pendant la dernière Guerre du Golfe, annonçant tout et son contraire au gré des événements. Encore une fois, les commentateurs invités à s’exprimer, comme Odon Vallet sur France 3, Slimane Zéghidour sur TV5, ou l’abbé de la Moranday sur I
Comment couvrir autrement un événement d'une telle portée médiatique ? Le décès du Souverain Pontife a bouleversé le calendrier des principales chaînes. Les responsables de l'information et des magazines planchent sur les reportages à monter de toute urgence, les documents à exhumer des tiroirs, les émissions susceptibles de passer à la trappe au profit de sujets plus chauds. Retour sur France 2. A la surprise générale, Carole Gaessler redonne la parole à Daniela Lumbroso. Le flash d'information n'aura duré que six minutes. Place à la chanson. «Il s'agissait d'un programme de solidarité», indique-t-on au siège de la chaîne publique, mobilisée samedi soir contre le sida au côté de Line Renaud. «Nous étions dans un cas de figure particulier, confie la directrice de la communication de France 2, Christine Delavennat. On comprend que TF 1 ne se soit pas posée de questions pour interrompre la diffusion des «100 plus grandes gamelles». Nous aurions agi de la même façon si nous avions diffusé un divertissement. Le sidaction, c'était différent. Nous avons souhaité être respectueux des malades du sida, mais aussi du Pape.» La programmation initiale aurait-elle été annulée si la nouvelle de la disparition du Pape était tombée avant 20 heures ? «Peut-être, ajoute la directrice de la communication de la chaîne, mais, une fois le sidaction commencé, cela devenait difficile. Nous n'avons pas été pris de court, nous avions envisagé toutes les hypothèses.»
Il n'empêche : un sentiment de malaise a gagné le public de France 2 ce samedi soir. Etrange sensation que celle d'entendre Arielle Dombasle donner de la voix sur France 2 pendant que les témoignages de hautes figures de l'Eglise se succédaient sur les chaînes concurrentes. Difficile aussi de partager le bonheur de Clémentine Celarié et de Michel Jonasz sur le point d'interpréter un duo. Mais se sentaient-ils le coeur, vis-à-vis des malades du sida, d'abandonner cette bonne humeur, dès lors que la chaîne publique poursuivait le direct ?
Dans cette ambiance étrange, chacun a tenté de commenter la disparition du Pape. «La Foi, c'est quelque chose d'universel», a notamment déclaré Clémentine Célarié. «Il y aura bien sûr une édition spéciale», a martelé Daniela Lumbroso, aussi émue que déstabilisée. La suite de cette émission, à la démarche généreuse, n'aurait-elle pas pu être diffusée dans les prochains jours, pour laisser la place à l'information ? «Nous avons fait ce que nous devions en tant qu'organisateur de cette grande soirée Sidaction, se défend Christine Delavennat. L'émotion était présente tout au long de l'émission.» A 22 h 55, Daniela Lumbroso a fini par rendre l'antenne, 45 minutes avant l'horaire prévu. Cédant la place à Carole Gaessler et à l'actualité. Dès lors France 2 a fait jeu égal avec la force de frappe du groupe TF 1-LCI. Une édition complète et émouvante qui s'est achevée vers 1 heure du matin.
Quant à l’Eglise, après une ultime récitation du Rosaire et de prières pour le repos du Saint Père, elle finit par appeler après 23 h les fidèles à rentrer chez eux. Pour Elle, pour eux, pour nous commencent neuf jours de deuils, marqués de messes, de réunions et des funérailles de Karol Wojtyla.
Dimanche, la plupart des grandes chaînes nationales et d’information diffusaient (rediffusaient pour la cas d’I
Oubliés les malheurs du monde, les bombes à Beyrouth qu’annonçait presqu’ anecdotique ment le journaliste d’EuroNews vers 22 h 15 samedi, ou l’agonie du Prince rainier. Même TMC a interrompu ses programmes à compter de 22 h 30 samedi soir, pour relayer les images d’EuroNews, puis diffuser un reportage de 1996, qu’elle repassa le lendemain à partir de 12 h 30. Ultime témoignage de la centralisé de Rome, ou du moins de son évêque, dans un monde déchristianisé… mais médiatisé.
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