7.27.2005

Cent jours après son élection, Benoît XVI imprime sa marque oecuménique

VATICAN Moins médiatique que son prédécesseur, le nouveau pape est avant tout un «théologien»

Le 19 avril dernier, Joseph Ratzinger était élu 265e pape de l'Eglise catholique, après l'un des conclaves les plus courts de l'histoire. Cent jours se sont écoulés qui ont vu Benoît XVI ouvrir le procès en béatification de son prédécesseur, relancer le dialogue oecuménique, affirmer la doctrine de l'Eglise sur la scène politique et sociale. La visite du Pape dans une synagogue – après un pape polonais, le pape allemand sera le second de l'histoire à mettre les pieds dans un temple juif – et sa rencontre avec des représentants des communautés musulmanes se veulent les signes forts d'un des grands défis du pontificat : la lutte contre le fondamentalisme religieux et le terrorisme.

Le Vatican : Hervé Yannou
[Le Figaro, 27 juillet 2005]

Si, en cent jours de règne, Benoît XVI ne s'est pas encore totalement acquis les faveurs de la presse internationale, il a sans aucun doute gagné celles de nombreux fidèles. Joseph Ratzinger est avant tout un pape «théologien». «Le pape ne doit pas proclamer ses propres idées», a-t-il déclaré au début du mois de mai. Il veut que les fidèles regardent l'essentiel, qui n'est pas sa personne, mais l'Eglise.
La curie voulait un chef moins médiatique que Jean-Paul II. Benoît XVI est un professeur. Il ne faut sans doute pas s'attendre à un changement de cap en matière de morale ou de bioéthique. Ses discours clefs reflètent l'intransigeance du cardinal Ratzinger et le combat sans répit qu'il veut livrer contre le relativisme et le laïcisme de la société occidentale. Avant d'être élu, il avait appelé les catholiques à être une «minorité créative» dans la société. Sur ce terrain, le référendum italien sur la procréation médicalement assistée, la prise de position de l'Eglise contre le mariage homosexuel en Espagne ont été des essais transformés.
Autre signe qui ne trompe pas, Benoît XVI voyagera beaucoup moins. Il choisira, à la manière de Paul VI, des destinations bien ciblées. Après Cologne, il pourrait se rendre à Istanbul le 30 novembre pour y rencontrer le patriarche orthodoxe. Une visite effectuée par Paul VI et Jean-Paul II. Mais pour cette rencontre avec Bartholomé Ier, il faut l'aval d'Ankara, qui n'a sans doute pas oublié que le cardinal Ratzinger était personnellement opposé à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. Un autre voyage fait partie des priorités de Benoît XVI, la Terre Sainte, où l'a invité Ariel Sharon. A plus long terme, le Pape pourrait se rendre en Espagne, au Canada, au Brésil et en Slovaquie. Reste aussi la Pologne et Cracovie.
Le terrain de prédilection de Benoît XVI est l'oecuménisme. «Le troisième millénaire sera celui de l'oecuménisme» avait prophétisé le pape polonais. Les échanges théologiques avec les Eglises orthodoxes, interrompus officiellement depuis cinq ans, devraient reprendre à l'automne, grâce aux efforts du «patriarche de Constantinople» pour rappeler ses coreligionnaires au dialogue. Mais Moscou souffle le chaud et le froid. Alexis II, a assuré jeudi dernier qu'il «n'excluait pas» la visite du Pape en Russie. Un vieux rêve envisageable, «à certaines conditions». Les orthodoxes russes accusent toujours les catholiques de prosélytisme et l'Eglise uniate d'Ukraine joue les trouble-fête.
Cependant, le grand défi du pontificat demeure le dialogue entre les trois religions monothéistes dans la lutte contre le terrorisme. Benoît XVI a multiplié les gestes envers les juifs. Mais le dialogue avec l'Islam reste un point difficile et peu développé.
Benoît XVI est aussi l'héritier de la diplomatie wojtylienne. En Asie, le continent du «Troisième millénaire», il connaît quelques succès. Même si en Chine, les arrestations de religieux se poursuivent. Pour le ministre des Affaires étrangères du Saint-Siège, il n'y a pourtant pas «d'obstacle majeur» à l'établissement de relations diplomatiques. Le Vatican a d'ailleurs cessé de dénoncer systématiquement ces arrestations arbitraires depuis la mort de Jean-Paul II. Autre pays communiste avec qui le dialogue progresse, le Vietnam, où une délégation vaticane devrait se rendre en décembre. Benoît XVI n'oublie pas pour autant l'Afrique. Il a appelé le dernier G 8 à trouver des solutions valables pour y lutter contre la pauvreté et a con firmé la convocation d'un second synode pour l'Afrique.
Pour poursuivre sa politique, il faut au Pape un gouvernement et une administration efficaces. Avant son élection, il s'était exprimé en faveur d'une réforme de la curie, hypertrophiée sous son prédécesseur. L'organigramme devrait ainsi en être simplifié. Au Vatican, beaucoup tablent sur la création d'un «super ministère» pour les laïcs, voire d'un organisme central réunissant les moyens d'information et de communication du Saint-Siège.
Mais la curie, ce sont aussi des cardinaux et des prélats. Tous reconduits dans leurs fonctions, à deux exceptions près. Le Pape a renvoyé en Pologne l'omnipotent secrétaire particulier de Jean-Paul II, Mgr Stanislaw Dziwisz, nommé archevêque de Cracovie. Au poste clef de gardien de la doctrine de l'Eglise, il s'est désigné pour successeur l'archevêque de Chicago, Mgr William Levada. Signe fort vis-à-vis d'une Eglise américaine ébranlée par les scandales pédophiles.
Mais les choses ne devraient pas rester en l'état. Les nouvelles nominations sont attendues avec impatience, tout autant qu'un premier consistoire et la création de nouveaux cardinaux. L'âge du capitaine est avancé, 78 ans, mais celui de ses lieutenants aussi. La gérontocratie menace la curie. Nombreux sont ceux qui ont dépassé ou vont bientôt atteindre l'âge de la retraite, fixé à 75 ans. En premier lieu, le cardinal Angelo Sodano, secrétaire d'Etat depuis quinze ans. En novembre, il aura 78 ans. Au-delà des cardinaux, d'autres charges pourraient changer de titulaire, dont celle de maître des cérémonies liturgiques. Un poste clef pour un Pape qui aime le latin, ce qui ne déplaît pas aux traditionalistes. Dans ce jeu de chaises musicales les pronostics vont bon train et les Italiens entendent ne pas perdre totalement la main sur l'appareil central de l'Eglise.
Après Cologne, le prochain grand rendez-vous de Benoît XVI sera, en octobre, le synode des évêques. Deux cent cinquante d'entre eux participeront à Rome à cet événement voulu par son prédécesseur. Reste à savoir si entre-temps, Benoît XVI aura publié sa première encyclique. Il travaille à ce texte programmatique. Jean-Paul II l'avait publié cinq mois après son élection.
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