5.24.2006

Le pape allemand en Pologne, sur les traces de Jean Paul II

LE MONDE | 24.05.06 | 14h23 • Mis à jour le 24.05.06 | 14h23

Le pape Benoît XVI devait arriver jeudi matin 25 mai à Varsovie pour un voyage de quatre jours en Pologne. Il s'agit de son premier voyage à l'étranger, si l'on excepte sa brève visite à Cologne, dans sa patrie allemande, en août 2005, pour les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ).
A la différence de Jean Paul II, Joseph Ratzinger, 79 ans, n'a pas l'âme d'un grand voyageur, mais sa première destination est sans surprise : la Pologne, pays natal de son prédécesseur, dont la mort n'a en rien éprouvé les liens avec Rome et qui reste l'une des places fortes du catholicisme en Europe.
Flash-back : le 18 août 2002, au parc de Blonie à Cracovie, diminué par la maladie, Karol Wojtyla s'attarde devant une foule grave de 2 millions de fidèles. Chacun pressent que ce sont ses adieux à la Pologne. Quatre ans après, son souvenir fait encore l'unanimité d'un pays divisé. Le programme de Benoît XVI est calqué sur les lieux de sa légende. Vendredi 26 mai à Varsovie, il célébrera la messe sur la place de la Victoire où, le 2 juin 1979, lors de son premier retour au pays natal, Jean Paul II s'était adressé - devant 300 000 compatriotes stupéfaits - à toute l'Europe communiste : "Ouvrez les frontières. Nul ne peut exclure le Christ de l'histoire de l'homme, en quelque partie du globe". C'était le début d'un combat résolu qui ne prendrait fin qu'avec la chute du rideau de fer.

ETAPE SENTIMENTALE

Le pape allemand se rendra aussi au sanctuaire de Czestochowa, symbole de la dévotion mariale et de la résistance polonaise, qui fut toujours la tribune favorite, mi-spirituelle mi-politique, de Karol Wojtyla. Samedi 27, après l'étape sentimentale de Wadowice, ville natale de son prédécesseur, il ira à Cracovie, logera à l'archevêché, rue des Franciscains, au balcon duquel Jean Paul II avait l'habitude de plaisanter avec les jeunes.
Avec Benoît XVI, dans des styles différents, l'émotion sera également garantie. Son voyage en Pologne sera la célébration du souvenir du pape défunt et de la longue amitié entre les deux hommes.
Mais sa portée sera politique autant qu'affective. "Elle va donner une visibilité à cette succession d'un pape polonais et d'un pape allemand qui est l'aboutissement de la réconciliation entre nos deux pays", dit au Monde Bronislaw Geremek, ancien ministre des affaires étrangères.
Benoît XVI clôturera symboliquement son voyage, dimanche 28 mai, par une visite au camp d'extermination d'Auschwitz. Là encore il marchera sur les pas de Jean Paul II qui, le 7 juin 1979, s'était rendu au camp à une cinquantaine de kilomètres de Cracovie. Ce qui fait dire à M. Geremek : "En 1979, c'était le pape du pays victime qui était allé à Auschwitz. Cette fois, c'est le pape du pays responsable du génocide." L'image du pape allemand s'inclinant devant les stèles d'Auschwitz devrait rappeler celle de l'ancien chancelier allemand Willy Brandt agenouillé en 1970 devant le Mémorial de l'insurrection à Varsovie. En 1979, le pape polonais avait qualifié Auschwitz de "Golgotha du monde contemporain", ce qui avait provoqué une mini polémique avec des organisations juives voyant dans ce mot une sorte de "christianisation" de la souffrance juive (le Golgotha est le lieu de la mort du Christ).
Bien des crises ont suivi entre les catholiques polonais et la communauté juive, notamment après l'installation, en 1986, de religieuses carmélites dans le bâtiment de stockage de gaz zyklon B à Birkenau. Jean Paul II avait mis huit ans avant d'exiger des carmélites qu'elles s'éloignent des lieux.
Depuis, les relations se sont pacifiées. Jean Paul II a imposé à la Pologne et à toute son Eglise l'"enseignement de l'estime" des juifs, succédant à des siècles d'"enseignement du mépris". Son successeur ne s'est pas écarté de cette ligne et, à Cologne, avait choisi de se rendre dans l'une des plus vieilles synagogues d'Europe. Sa visite à Auschwitz - où l'accompagnera le cardinal Lustiger (dont la mère est morte au camp) - devrait être appréciée de ses partenaires juifs de dialogue.
La Pologne reste épargnée par l'effondrement des pratiques religieuses observé presque partout ailleurs en Europe. Mais, pour contrer les tendances nationalistes et xénophobes qui se font jour dans les franges extrémistes du pouvoir polonais, Benoît XVI reprendra aussi le combat de Jean Paul II pour la reconnaissance des racines et de l'identité chrétiennes de l'Europe.
S'il est peu probable qu'il commente l'arrivée au pouvoir, à Varsovie le 5 mai, d'un gouvernement de coalition ultraconservateur, il est pressé par les libéraux de désavouer à nouveau Radio Maryja qui persiste dans ses prises de position antisémites. "Ces groupes d'extrême droite sont marginaux, dit Stefan Wilkanowicz, l'un des responsables du Centre d'éducation à la Shoah du camp d'Auschwitz. Mais il faudrait que le pape prenne une position claire."

Henri Tincq

Agenda

Jeudi 25 mai : à Varsovie, après la cérémonie de bienvenue à l'aéroport d'Okecie, Benoît XVI rencontrera le clergé polonais à la cathédrale Saint-Jean, puis sera reçu par le président de la République, Lech Kaczynski. Il animera une rencontre oecuménique à l'église luthérienne de la Sainte-Trinité.
Vendredi 26 : le pape présidera une célébration sur la place Pilsudski (place de la Victoire). Dans la soirée, il se rendra au sanctuaire de Jasna Gora ("Vierge noire") de Czestochowa, avant de gagner Cracovie, dans le sud du pays.
Samedi 27 : dans la matinée, à Wadowice (près de Cracovie), le pape visitera la maison natale de Jean Paul II et le sanctuaire marial de Kalwaria (très fréquenté par Karol Wojtyla enfant). Il reviendra à Cracovie pour une cérémonie à la cathédrale de Wawel et une veillée avec les jeunes Polonais au parc de Blonie.
Dimanche 28 : Benoît XVI célébrera la messe à Blonie, avant de se rendre, à 17 heures, au camp d'Auschwitz. Aucun office religieux n'est prévu, mais "une prière à la mémoire des victimes", ainsi qu'un discours sur l'Holocauste.


Article paru dans l'édition du 25.05.06
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