Le cardinal italien Tarcisio Bertone devient secrétaire d'Etat du Vatican
LE MONDE | 23.06.06 | 14h10 • Mis à jour le 23.06.06 | 14h10
Benoît XVI a nommé, jeudi 22 juin au Vatican, un nouveau secrétaire d'Etat, le cardinal Tarcisio Bertone, 71 ans, actuel archevêque de Gênes. Celui-ci devient le "numéro 2" de l'Eglise catholique, en charge de la diplomatie autant que des questions internes au gouvernement de l'Eglise. Il prendra ses fonctions à la tête de la Curie en septembre.
Le pape a aussi promu Mgr Giovanni Lajolo, actuel sous-secrétaire d'Etat chargé des affaires étrangères, comme gouverneur de la Cité du Vatican, succédant au cardinal américain Edmund Szoka, atteint par la limite d'âge. Mgr Lajolo n'a pour le moment pas de successeur, mais le nom du nonce à Paris, Mgr Fortunato Baldelli, est souvent cité.
Ainsi le nouveau pape aura-t-il mis quatorze mois avant de se séparer du cardinal Angelo Sodano, qui avait exercé la fonction de secrétaire d'Etat pendant quinze ans auprès de Jean Paul II et qui, à près de 79 ans, avait dépassé la limite d'âge (75 ans). Cette lenteur ne s'explique pas par la confiance - qui n'a jamais été excessive - entre ces deux plus proches collaborateurs du pape polonais jusqu'à sa mort. Elle est typique du style de Benoît XVI, qui prend son temps pour constituer son équipe, s'entourer d'hommes de confiance qui ne cherchent pas à se substituer à son autorité, et pour réformer une Curie souvent décriée pour ses méthodes bureaucratiques et son hypertrophie.
A cet égard, le choix du cardinal Bertone n'est pas une surprise. Il fut pendant sept ans le bras droit du cardinal Ratzinger à la congrégation pour la doctrine de la foi. Il n'est pas issu de la diplomatie pontificale, traditionnel vivier de secrétaires d'Etat (Pacelli, futur Pie XII ; Tardini pour Jean XXIII ; Casaroli et Sodano pour Jean Paul II). Son profil est celui d'un "pasteur" plus que d'un haut fonctionnaire formé au moule de la Curie.
Il a une expérience d'évêque résidentiel (Gênes), comme les deux autres promus à la Curie depuis un an par Benoît XVI : les cardinaux William Levada, nouveau préfet de la congrégation de la doctrine, venu de San Francisco, et Ivan Dias, nouveau préfet de la congrégation de l'évangélisation des peuples, venu de Bombay. Ainsi se dessine, à petites touches, une réforme de la Curie dont les axes sont l'internationalisation, l'expérience de terrain et la simplification des structures. L'ex-cardinal Ratzinger fut le témoin attristé sous Jean Paul II de l'alourdissement de la bureaucratie, érigée en quasi-gouvernement autonome face à un pape souvent en voyage. Aujourd'hui, Benoît XVI regroupe des conseils pontificaux créés après le concile Vatican II (1962-1965).
Dès le mois de mars, il a réuni, à titre provisoire, le conseil pour les migrants et celui de Justice et Paix, le conseil de la culture et celui du dialogue interreligieux. Le conseil de la famille devrait fusionner avec ceux de la santé et des laïcs. Tous les organes de communication (salle de presse, Osservatore Romano, Radio Vatican, centre de télévision CTV) pourraient également être regroupés dans un "ministère" unique de la communication.
EXERCICE MINIMAL DU POUVOIR
Cette réforme de la Curie romaine obéit à des principes chers à ce pape, qui est un théologien avant d'être un politique : l'allégement des structures et le retour à un exercice minimal du pouvoir pontifical. Elle est à rapprocher de la réduction du nombre de ses audiences (accordées à des chefs d'Etat, jamais à des chefs de gouvernement), à la diminution du nombre des voyages, à son respect absolu des règles - par exemple dans sa promotion de cardinaux de mars, qui n'a pas dépassé le plafond de 120 électeurs pour un éventuel conclave.
La mise à la retraite du cardinal secrétaire d'Etat Angelo Sodano qui, sous Jean Paul II, avait incarné cette frénésie d'audiences, de voyages, ainsi qu'une diplomatie active dans les Balkans, au Proche-Orient et contre la guerre en Irak, marque sans doute la fin d'une époque vaticane où la géopolitique et la centralisation semblaient des priorités. Peu de temps après son élection, Benoît XVI avait prévenu : "Le pape n'est pas un souverain absolu. Son pouvoir n'est pas au-dessus, mais au service de la parole de Dieu."
Henri Tincq
Article paru dans l'édition du 24.06.06
Benoît XVI a nommé, jeudi 22 juin au Vatican, un nouveau secrétaire d'Etat, le cardinal Tarcisio Bertone, 71 ans, actuel archevêque de Gênes. Celui-ci devient le "numéro 2" de l'Eglise catholique, en charge de la diplomatie autant que des questions internes au gouvernement de l'Eglise. Il prendra ses fonctions à la tête de la Curie en septembre.
Le pape a aussi promu Mgr Giovanni Lajolo, actuel sous-secrétaire d'Etat chargé des affaires étrangères, comme gouverneur de la Cité du Vatican, succédant au cardinal américain Edmund Szoka, atteint par la limite d'âge. Mgr Lajolo n'a pour le moment pas de successeur, mais le nom du nonce à Paris, Mgr Fortunato Baldelli, est souvent cité.
Ainsi le nouveau pape aura-t-il mis quatorze mois avant de se séparer du cardinal Angelo Sodano, qui avait exercé la fonction de secrétaire d'Etat pendant quinze ans auprès de Jean Paul II et qui, à près de 79 ans, avait dépassé la limite d'âge (75 ans). Cette lenteur ne s'explique pas par la confiance - qui n'a jamais été excessive - entre ces deux plus proches collaborateurs du pape polonais jusqu'à sa mort. Elle est typique du style de Benoît XVI, qui prend son temps pour constituer son équipe, s'entourer d'hommes de confiance qui ne cherchent pas à se substituer à son autorité, et pour réformer une Curie souvent décriée pour ses méthodes bureaucratiques et son hypertrophie.
A cet égard, le choix du cardinal Bertone n'est pas une surprise. Il fut pendant sept ans le bras droit du cardinal Ratzinger à la congrégation pour la doctrine de la foi. Il n'est pas issu de la diplomatie pontificale, traditionnel vivier de secrétaires d'Etat (Pacelli, futur Pie XII ; Tardini pour Jean XXIII ; Casaroli et Sodano pour Jean Paul II). Son profil est celui d'un "pasteur" plus que d'un haut fonctionnaire formé au moule de la Curie.
Il a une expérience d'évêque résidentiel (Gênes), comme les deux autres promus à la Curie depuis un an par Benoît XVI : les cardinaux William Levada, nouveau préfet de la congrégation de la doctrine, venu de San Francisco, et Ivan Dias, nouveau préfet de la congrégation de l'évangélisation des peuples, venu de Bombay. Ainsi se dessine, à petites touches, une réforme de la Curie dont les axes sont l'internationalisation, l'expérience de terrain et la simplification des structures. L'ex-cardinal Ratzinger fut le témoin attristé sous Jean Paul II de l'alourdissement de la bureaucratie, érigée en quasi-gouvernement autonome face à un pape souvent en voyage. Aujourd'hui, Benoît XVI regroupe des conseils pontificaux créés après le concile Vatican II (1962-1965).
Dès le mois de mars, il a réuni, à titre provisoire, le conseil pour les migrants et celui de Justice et Paix, le conseil de la culture et celui du dialogue interreligieux. Le conseil de la famille devrait fusionner avec ceux de la santé et des laïcs. Tous les organes de communication (salle de presse, Osservatore Romano, Radio Vatican, centre de télévision CTV) pourraient également être regroupés dans un "ministère" unique de la communication.
EXERCICE MINIMAL DU POUVOIR
Cette réforme de la Curie romaine obéit à des principes chers à ce pape, qui est un théologien avant d'être un politique : l'allégement des structures et le retour à un exercice minimal du pouvoir pontifical. Elle est à rapprocher de la réduction du nombre de ses audiences (accordées à des chefs d'Etat, jamais à des chefs de gouvernement), à la diminution du nombre des voyages, à son respect absolu des règles - par exemple dans sa promotion de cardinaux de mars, qui n'a pas dépassé le plafond de 120 électeurs pour un éventuel conclave.
La mise à la retraite du cardinal secrétaire d'Etat Angelo Sodano qui, sous Jean Paul II, avait incarné cette frénésie d'audiences, de voyages, ainsi qu'une diplomatie active dans les Balkans, au Proche-Orient et contre la guerre en Irak, marque sans doute la fin d'une époque vaticane où la géopolitique et la centralisation semblaient des priorités. Peu de temps après son élection, Benoît XVI avait prévenu : "Le pape n'est pas un souverain absolu. Son pouvoir n'est pas au-dessus, mais au service de la parole de Dieu."
Henri Tincq
Article paru dans l'édition du 24.06.06
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