Double discours au Vatican sur le sexe et l'amour
LE MONDE | 08.06.06 | 14h18 • Mis à jour le 08.06.06 | 14h18
Le cardinal colombien Alfonso Lopez Trujillo n'est pas réputé à Rome pour la finesse de ses interventions. Président, depuis 1990, du conseil pontifical pour la famille, c'est lui qui incarne au Vatican la ligne la plus intransigeante contre ce qu'il a coutume d'appeler les "attentats" contre la vie (avortement), la famille (divorce, union libre), les " unions charnelles" limitées au "plaisir le plus intense" et les couples homosexuels.
Mardi 6 juin, le "ministre de la famille" du pape publiait un nouveau document va-t-en-guerre contre les unions gays, qualifiées de "couples insolites" parce qu'ils réclament "les mêmes droits que ceux réservés au mari et à la femme". Le développement de la culture gay fait craindre, écrit-il, une sorte d'"éclipse de Dieu" sur le monde. Après l'Espagne, la Belgique, la Hollande, des pays où il a déjà été légalisé, le mariage homosexuel fait débat dans l'Italie de Romano Prodi.
Cette sévérité dans l'exposé des conceptions traditionnelles de l'Eglise sur le sexe et le mariage n'est pas nouvelle. Mais au moment même où sortait ce document, le pape Benoît XVI prononçait à la basilique Saint-Jean de Latran une allocution sur le thème de l'amour, mais sur un ton diamétralement opposé à celui de son collaborateur colombien.
Pour lui, "les jeunes doivent être libérés des préjugés diffus selon lesquels le christianisme, avec ses commandements et ses devoirs, oppose trop d'obstacles et empêche de jouir pleinement du bonheur que l'homme et la femme trouvent dans leur amour réciproque". Et le pape de souligner que "l'éthique chrétienne ne veut pas étouffer, mais rendre plus fort et vraiment libre l'amour". "C'est le sens des dix commandements, qui ne sont pas une série de "non", mais un grand "oui" à l'amour et à la vie."
Ce sont plus que des nuances qui opposent, sur le sexe et l'amour, le discours du cardinal Lopez Trujillo et celui du pape : d'un côté, le rappel assourdissant de la norme ; de l'autre, une vision positive et libératrice. Benoît XVI ne remet, bien sûr, pas en cause l'enseignement de l'Eglise sur des sujets qui la mettent souvent en porte-à-faux par rapport à la société moderne. Mais peut-être estime-t-il urgent de le présenter autrement.
A Rome, on dit que les jours du président du conseil pontifical de la famille sont comptés. Le nouveau pape n'a pas craint de limoger de la Curie certains de ses piliers (le plus récent étant le cardinal Sepe, préfet de la puissante congrégation de la " propagande", expédié comme archevêque à Naples). Mais il se trouve que le cardinal Lopez Trujillo, 70 ans, fut à la Curie celui qui lança la campagne pour l'élection comme pape du cardinal Ratzinger !
Henri Tincq
Article paru dans l'édition du 09.06.06
Le cardinal colombien Alfonso Lopez Trujillo n'est pas réputé à Rome pour la finesse de ses interventions. Président, depuis 1990, du conseil pontifical pour la famille, c'est lui qui incarne au Vatican la ligne la plus intransigeante contre ce qu'il a coutume d'appeler les "attentats" contre la vie (avortement), la famille (divorce, union libre), les " unions charnelles" limitées au "plaisir le plus intense" et les couples homosexuels.
Mardi 6 juin, le "ministre de la famille" du pape publiait un nouveau document va-t-en-guerre contre les unions gays, qualifiées de "couples insolites" parce qu'ils réclament "les mêmes droits que ceux réservés au mari et à la femme". Le développement de la culture gay fait craindre, écrit-il, une sorte d'"éclipse de Dieu" sur le monde. Après l'Espagne, la Belgique, la Hollande, des pays où il a déjà été légalisé, le mariage homosexuel fait débat dans l'Italie de Romano Prodi.
Cette sévérité dans l'exposé des conceptions traditionnelles de l'Eglise sur le sexe et le mariage n'est pas nouvelle. Mais au moment même où sortait ce document, le pape Benoît XVI prononçait à la basilique Saint-Jean de Latran une allocution sur le thème de l'amour, mais sur un ton diamétralement opposé à celui de son collaborateur colombien.
Pour lui, "les jeunes doivent être libérés des préjugés diffus selon lesquels le christianisme, avec ses commandements et ses devoirs, oppose trop d'obstacles et empêche de jouir pleinement du bonheur que l'homme et la femme trouvent dans leur amour réciproque". Et le pape de souligner que "l'éthique chrétienne ne veut pas étouffer, mais rendre plus fort et vraiment libre l'amour". "C'est le sens des dix commandements, qui ne sont pas une série de "non", mais un grand "oui" à l'amour et à la vie."
Ce sont plus que des nuances qui opposent, sur le sexe et l'amour, le discours du cardinal Lopez Trujillo et celui du pape : d'un côté, le rappel assourdissant de la norme ; de l'autre, une vision positive et libératrice. Benoît XVI ne remet, bien sûr, pas en cause l'enseignement de l'Eglise sur des sujets qui la mettent souvent en porte-à-faux par rapport à la société moderne. Mais peut-être estime-t-il urgent de le présenter autrement.
A Rome, on dit que les jours du président du conseil pontifical de la famille sont comptés. Le nouveau pape n'a pas craint de limoger de la Curie certains de ses piliers (le plus récent étant le cardinal Sepe, préfet de la puissante congrégation de la " propagande", expédié comme archevêque à Naples). Mais il se trouve que le cardinal Lopez Trujillo, 70 ans, fut à la Curie celui qui lança la campagne pour l'élection comme pape du cardinal Ratzinger !
Henri Tincq
Article paru dans l'édition du 09.06.06
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