Le pape Benoît XVI reprend le combat de Jean Paul II contre l'avortement et l'euthanasie
LE MONDE | 09.05.05 | 17h57
PERSONNE ne pouvait imaginer qu'un nouveau pape, quel qu'il soit, puisse adopter des positions différentes de celles de Jean Paul II sur des thèmes aussi sensibles que l'avortement et l'euthanasie. Depuis samedi 7 mai, Benoît XVI a levé toute équivoque sur la question du "respect de la vie" . En prenant possession de la cathédrale de Rome, Saint-Jean de Latran, il a retrouvé le ton vigoureux de son prédécesseur pour condamner toute légalisation de l'interruption volontaire de grossesse et de l'euthanasie active, en déclarant dans son homélie : "La liberté de tuer n'est pas une vraie liberté, mais une tyrannie qui réduit l'être humain en esclavage."
Le nouveau pape a récusé, par avance, toute accusation d'autoritarisme : "Le pape n'est pas un souverain absolu, dont la pensée et la volonté sont la loi, a-t-il précisé. Au contraire, le ministère du pape est la garantie de l'obéissance envers le Christ et envers sa parole. Son pouvoir n'est pas au-dessus, mais au service de la parole de Dieu." Le pape, a-t-il ajouté, "ne doit pas proclamer ses propres idées" , mais faire "face à toutes les tentations d'adaptation ou d'affadissement, comme face à tous les opportunismes" .
Salué par les applaudissements, Benoît XVI a rappelé la persévérance de Jean Paul II dans ce combat pour la défense de la vie qui lui valut tant d'incompréhensions et de critiques : "Face à toutes les tentations, apparemment bienveillantes pour l'homme, et face aux interprétations erronées de la liberté" , le pape défunt a montré, "de manière irrévocable, l'inviolabilité de l'être humain, l'inviolabilité de la vie humaine, de la conception jusqu'à la mort naturelle" .
Autrement dit, Benoît XVI a annoncé qu'il suivrait très exactement la voie tracée par son prédécesseur en ce qui concerne la défense des valeurs morales traditionnelles face aux idées libérales qui, selon lui, menacent la foi. On est là, pourtant, à un point de fracture entre l'Eglise catholique et les sociétés démocratiques. Dans l'encyclique Evangile de la vie qu'il avait écrite en 1995, soulevant bien des polémiques, Jean Paul II s'était déjà exprimé à propos de l'avortement et de l'euthanasie, parlant de "décisions tyranniques" et de "crimes contre l'humanité" . Il avait alors ajouté : "Des lois de cette nature non seulement ne créent aucune obligation pour la conscience, mais elles entraînent une obligation de s'y opposer par l'objection de conscience."
On pouvait reconnaître, sous ce propos, la sévérité du cardinal Ratzinger, devenu depuis Benoît XVI. L'avertissement du nouveau pape à Saint-Jean de Latran a le mérite de la clarté et de la continuité. Mais reste entière la difficulté du médecin, du législateur et du couple, affrontés à des situations éthiques très concrètes. Comment à la fois rester fidèle au noyau dur de la doctrine chrétienne sur la vie et à la tradition d'accompagnement de la conscience, qui fait partie du meilleur de l'Eglise ? Ce sera l'un des chantiers les plus délicats de Benoît XVI pour l'avenir.
Henri Tincq
Article paru dans l'édition du 10.05.05
PERSONNE ne pouvait imaginer qu'un nouveau pape, quel qu'il soit, puisse adopter des positions différentes de celles de Jean Paul II sur des thèmes aussi sensibles que l'avortement et l'euthanasie. Depuis samedi 7 mai, Benoît XVI a levé toute équivoque sur la question du "respect de la vie" . En prenant possession de la cathédrale de Rome, Saint-Jean de Latran, il a retrouvé le ton vigoureux de son prédécesseur pour condamner toute légalisation de l'interruption volontaire de grossesse et de l'euthanasie active, en déclarant dans son homélie : "La liberté de tuer n'est pas une vraie liberté, mais une tyrannie qui réduit l'être humain en esclavage."
Le nouveau pape a récusé, par avance, toute accusation d'autoritarisme : "Le pape n'est pas un souverain absolu, dont la pensée et la volonté sont la loi, a-t-il précisé. Au contraire, le ministère du pape est la garantie de l'obéissance envers le Christ et envers sa parole. Son pouvoir n'est pas au-dessus, mais au service de la parole de Dieu." Le pape, a-t-il ajouté, "ne doit pas proclamer ses propres idées" , mais faire "face à toutes les tentations d'adaptation ou d'affadissement, comme face à tous les opportunismes" .
Salué par les applaudissements, Benoît XVI a rappelé la persévérance de Jean Paul II dans ce combat pour la défense de la vie qui lui valut tant d'incompréhensions et de critiques : "Face à toutes les tentations, apparemment bienveillantes pour l'homme, et face aux interprétations erronées de la liberté" , le pape défunt a montré, "de manière irrévocable, l'inviolabilité de l'être humain, l'inviolabilité de la vie humaine, de la conception jusqu'à la mort naturelle" .
Autrement dit, Benoît XVI a annoncé qu'il suivrait très exactement la voie tracée par son prédécesseur en ce qui concerne la défense des valeurs morales traditionnelles face aux idées libérales qui, selon lui, menacent la foi. On est là, pourtant, à un point de fracture entre l'Eglise catholique et les sociétés démocratiques. Dans l'encyclique Evangile de la vie qu'il avait écrite en 1995, soulevant bien des polémiques, Jean Paul II s'était déjà exprimé à propos de l'avortement et de l'euthanasie, parlant de "décisions tyranniques" et de "crimes contre l'humanité" . Il avait alors ajouté : "Des lois de cette nature non seulement ne créent aucune obligation pour la conscience, mais elles entraînent une obligation de s'y opposer par l'objection de conscience."
On pouvait reconnaître, sous ce propos, la sévérité du cardinal Ratzinger, devenu depuis Benoît XVI. L'avertissement du nouveau pape à Saint-Jean de Latran a le mérite de la clarté et de la continuité. Mais reste entière la difficulté du médecin, du législateur et du couple, affrontés à des situations éthiques très concrètes. Comment à la fois rester fidèle au noyau dur de la doctrine chrétienne sur la vie et à la tradition d'accompagnement de la conscience, qui fait partie du meilleur de l'Eglise ? Ce sera l'un des chantiers les plus délicats de Benoît XVI pour l'avenir.
Henri Tincq
Article paru dans l'édition du 10.05.05
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