5.28.2005

Le Pape veut relancer les relations diplomatiques avec la Chine

Des contacts informels se poursuivent pour transférer, un jour, la nonciature de Taïwan à Pékin

[Le Figaro, 28 mai 2005]

La géostratégie de Benoît XVI passe par la Chine. Mercredi dernier, lors de la traditionnelle audience générale, le Pape a fait un geste significatif. Il a rompu le protocole pour se mêler quelques instants à des Chinois sur la place Saint-Pierre. Déjà, dans son premier discours aux 174 ambassadeurs accrédités au Saint-Siège, le 12 mai dernier, Benoît XVI avait tendu la main à l’empire du Milieu. Il avait alors «souhaité que les nations non accréditées auprès du Vatican y envoient un ambassadeur. Le Vietnam, l’Arabie saoudite font parties de cette liste. Mais la Chine est le rêve resté lettre morte de son prédécesseur. Après une éclipse de près de quatre ans, suite à la béatification de cent vingt martyrs chinois par Jean-Paul II, les relations sino-vaticanes semblent relancées.
Le Pape s’est réjoui des messages de condoléances de la République populaire, à l’occasion de la mort de Jean-Paul II. Si la Chine n’a pas envoyé de délégation pour les obsèques, contrairement à Taïwan, elle a chaleureusement félicité le cardinal Ratzinger de son élection. Pékin avait alors souhaité que Benoît XVI puisse «créer des conditions favorables pour améliorer les relations entre la Chine et le Vatican». Près d’un mois plus tard, les autorités chinoises réaffirmaient leur volonté «sincère» de renouer leurs relations avec le Saint-Siège, rompues en 1951.
Les diplomates du Vatican se réjouissent et accueillent favorablement «ces signes de bonne volonté». Cependant, il n’y a pas encore de dialogue officiel. Le Saint-Siège attend du concret. La balle reste dans le camp chinois. A l’heure actuelle, Pékin se dit prêt à étudier la reprise de relations diplomatiques à deux conditions : la fermeture de la nonciature de Taïwan et la garantie que le Pape n’intervienne pas, «au nom de la religion», dans les affaires intérieures de la Chine.
Le Vatican reste cependant intransigeant sur la question de la liberté religieuse. Depuis plusieurs mois, le Saint-Siège dénonce systématiquement les arrestations arbitraires de prêtres catholiques par les autorités chinoises. Quelques heures avant le décès de Jean-Paul II, le porte-parole du Saint-Siège, Joaquin Navarro-Valls, condamnait encore officiellement l’arrestation de plusieurs religieux.
Quant à la question taïwanaise, ce ne serait pas un obstacle. En 1999, le numéro deux du Vatican, le cardinal Angelo Sodano avait caressé Pékin dans le sens du poil. Pour lui, l’ambassade de Taïpeh était «la nonciature en Chine». Si «le gouvernement central» le permettait, elle pourrait être transférée sur le continent. Pour la grande cause, les Taïwanais sont donc préparés à une éventuelle fermeture de leur représentation pontificale. Mais aujourd’hui, la secrétairerie d’État souhaiterait ménager la chèvre et le chou. Pour la diplomatie pontificale, la nomination d’un nonce à Pékin n’est pas un moyen, mais une fin. Un simple «délégué» pourrait préparer la voie à la réconciliation, à condition de pouvoir rencontrer les quelque 12 millions de catholiques de l’Église «patriotique», contrôlée par le pouvoir, et de l’Église clandestine. En attendant, le Saint-Siège ne regarde pas d’un mauvais oeil les initiatives individuelles.
Le cardinal Roger Etchegaray a été pionnier. Entre 1980 et 2003, «l’hom me des missions spéciales» de Jean-Paul II s’est rendu à quatre reprises en Chine. D’autres lui ont emboîté le pas. Au moment de la mort de Jean-Paul II, le cardinal Godfried Dannels, l’archevêque de Malines-Bruxelles s’y trouvait.
Mais aucun de ces princes de l’Église n’a jamais eu de mandat officiel, tout comme la communauté laïque de Sant’Egidio. Parfois qualifiée de «diplomatie parallèle» du Saint-Siège, le mouvement a développé depuis dix ans des liens avec les intellectuels du régime, en particulier l’Académie des sciences morales et l’Institut des religions. Depuis un an, ces rapports se sont intensifiés et étendus au ministère de la Sécurité responsable des questions religieuses.
Pour Sant’Egidio, cet intérêt renouvelé de la Chine pour l’Église catholique répond à des préoccupations de politique intérieure et étrangère. Dans son ouverture et son intégration internationale, dans la perspective des Jeux olympiques de Pékin en 2008, la Chine serait en train de réévaluer son rapport au religieux. Elle voudrait «investir» dans les valeurs morales portées par les religions et en particulier le christianisme. Dans un mois, une délégation chinoise se rendra à Rome pour une nouvelle rencontre avec Sant’Egidio. Quant à un voyage du Pape dans l’empire du Milieu, il ne serait pas encore à l’ordre du jour.
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