Benoît XVI tend à son tour la main aux juifs
Dialogue - Le pape revendique l’héritage de Jean Paul II.
Dominique Dunglas
La Tribune de Genève, 10 juin 2005
En consacrant hier à Rome sa première audience interreligieuse à une délégation du Congrès juif mondial, Benoît XVI a démontré combien le dialogue entre catholiques et juifs est important pour lui. Une attention hautement symbolique de la part du pape allemand qui a porté durant son adolescence l'uniforme des jeunesses hitlériennes et a servi à la fin de la guerre dans la défense antiaérienne de Munich.
Un passé qui n'a toutefois jamais inquiété les représentants de la communauté juive. «Nous n'avons pas été préoccupés par l'élection du cardinal Ratzinger, a affirmé à la fin de la rencontre le rabbin David Rosen, directeur des affaires interreligieuses du comité juif américain.
Les rumeurs sur ses soi-disant antécédents nazis sont des bêtises. Les jeunes Allemands étaient obligés de s'enrôler. Et même si cela n'avait pas été le cas, un homme n'est plus le même à 17 ans et à l'âge mur.»
Joseph Ratzinger n'a d'ailleurs pas attendu d'être pape pour entretenir des relations avec la communauté juive. David Rosen et Lisa Palmieri, la représentante en Italie du Congrès juif américain, l'avaient rencontré à plusieurs reprises. Et tous les participants à la rencontre d'hier ont insisté sur la chaleur de l'entretien qui a bouleversé le rigide protocole des audiences. «Il a même été plus chaleureux que son prédécesseur, c'est tout dire!» a affirmé le rabbin Rosen.
Un prédécesseur dont Benoît XVI a revendiqué l'héritage: «Mon intention est de suivre la voie tracée par Jean Paul II». Continuité fondamentale pour les juifs. La visite de Karol Wojtyla à la synagogue de Rome en 1986 et le dépôt au Mur des lamentations durant le jubilé de l'an 2000 d'un texte de repentance de l'Eglise catholique envers le peuple juif sont en effet les gestes historiques qui ont mis fin à deux millénaires de défiance. Et nul n'a oublié qu'Elio Toaff, l'ancien grand rabbin de Rome, est l'une des deux seules personnes nommément citées dans le testament de Karol Wojtyla.
Certes, L'Eglise catholique est une communauté d'hommes dans laquelle l'antisémitisme est encore parfois présent. Mais le rabbin Rosen s'est déclaré certain que «les institutions catholiques ont dépassé les préjugés du passé; aucun prêtre antisémite ne sera consacré évêque par sa hiérarchie.»
Tous les contentieux ne sont pourtant pas réglés entre Rome et le monde juif. Le premier est politique et concerne Jérusalem qui fut annexée lors de la guerre des Six jours et déclarée par la Knesset «capitale unie et éternelle d'Israël» en 1980. Le Vatican continue d'exiger l'application de la résolution des Nations Unies demandant un statut international pour la vieille ville qui abrite les lieux saints des trois grandes religions monothéistes.
Le second contentieux concerne la béatification du pape Pie XII auquel les juifs reprochent son silence durant la Shoah. «Il ne nous appartient pas de dicter à l'Eglise catholique le choix de ses saints, a affirmé David Rosen. La guerre mondiale est encore à l'examen des historiens, mais la béatification de Pie XII serait vue par les juifs comme un manque délibéré de sensibilité…» Une évidente mise en garde.
Les acteurs de la rencontre d'hier se veulent résolument optimistes sur l'avenir des relations entre juifs et catholiques, mais il leur faudra éviter les pièges laissés par l'Histoire.
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«Un impératif moral»
Au lendemain de son élection, Benoît XVI avait dit sa volonté de «poursuivre le dialogue» et de «renforcer la collaboration» avec la communauté juive.
Hier, dans une brève intervention en anglais, le pape s'est placé dans la continuité de la déclaration «Nostra Aetate». Cette déclaration du concile Vatican II avait appelé «à une plus grande compréhension et une estime entre chrétiens et juifs». Elle avait également «déploré les manifestations de haine, de persécution et d'antisémitisme».
Le registre n'a pas été différent hier. «Au tout début de mon pontificat, a déclaré Benoît XVI, je souhaite vous assurer que l'Eglise reste fermement engagée, dans sa catéchèse comme dans tous les aspects de sa vie, à développer cet enseignement fondamental».
Et de poursuivre: «Mes prédécesseurs Paul VI et tout particulièrement Jean Paul II ont accompli des pas significatifs dans le développement des relations avec le peuple juif», à la suite de Vatican II. «Mon intention est de poursuivre ce chemin», a-t-il souligné.
L'expérience de la Shoah
Benoît XVI a ajouté que «la mémoire du passé reste pour les deux communautés (juive et chrétienne) un impératif moral (...) Cet impératif doit comprendre une réflexion continue sur les questions historiques, morales et théologiques posées par l'expérience de la Shoah», a-t-il estimé.
Le rabbin David Rosen a quant à lui rappelé que le cardinal Ratzinger avait écrit en 2000 dans l'Osservatore Romano - le journal du Vatican - un texte sur Abraham, l'ancêtre des croyants juifs comme chrétiens, qui «allait plus loin que Jean Paul II n'était allé et reflétait ses sentiments profonds».
Israël Singer avait auparavant souligné que «dans un monde de haine et de peur, où les gouvernements échouent à donner la sécurité aux peuples», les espoirs se tournent vers «les hommes de foi». (agences/red)
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Une délégation représentative
La délégation juive reçue hier par Benoît XVI était constituée par le Comité juif international pour les consultations interreligieuses (IJCIC), qui regroupe des représentants de différents courants du judaïsme religieux, conservateur et réformé. Elle comprenait des représentants des communautés juives d'Israël, des Etats-Unis, d'Europe et d'Amérique latine.
La délégation était conduite par le rabbin américain Israël Singer, le président du IJCIC. Etaient présents le président du Congrès juif mondial, Edgar Bronfman, ainsi que le Français Ady Steg, président de l'Alliance israélite universelle.
Dominique Dunglas
La Tribune de Genève, 10 juin 2005
En consacrant hier à Rome sa première audience interreligieuse à une délégation du Congrès juif mondial, Benoît XVI a démontré combien le dialogue entre catholiques et juifs est important pour lui. Une attention hautement symbolique de la part du pape allemand qui a porté durant son adolescence l'uniforme des jeunesses hitlériennes et a servi à la fin de la guerre dans la défense antiaérienne de Munich.
Un passé qui n'a toutefois jamais inquiété les représentants de la communauté juive. «Nous n'avons pas été préoccupés par l'élection du cardinal Ratzinger, a affirmé à la fin de la rencontre le rabbin David Rosen, directeur des affaires interreligieuses du comité juif américain.
Les rumeurs sur ses soi-disant antécédents nazis sont des bêtises. Les jeunes Allemands étaient obligés de s'enrôler. Et même si cela n'avait pas été le cas, un homme n'est plus le même à 17 ans et à l'âge mur.»
Joseph Ratzinger n'a d'ailleurs pas attendu d'être pape pour entretenir des relations avec la communauté juive. David Rosen et Lisa Palmieri, la représentante en Italie du Congrès juif américain, l'avaient rencontré à plusieurs reprises. Et tous les participants à la rencontre d'hier ont insisté sur la chaleur de l'entretien qui a bouleversé le rigide protocole des audiences. «Il a même été plus chaleureux que son prédécesseur, c'est tout dire!» a affirmé le rabbin Rosen.
Un prédécesseur dont Benoît XVI a revendiqué l'héritage: «Mon intention est de suivre la voie tracée par Jean Paul II». Continuité fondamentale pour les juifs. La visite de Karol Wojtyla à la synagogue de Rome en 1986 et le dépôt au Mur des lamentations durant le jubilé de l'an 2000 d'un texte de repentance de l'Eglise catholique envers le peuple juif sont en effet les gestes historiques qui ont mis fin à deux millénaires de défiance. Et nul n'a oublié qu'Elio Toaff, l'ancien grand rabbin de Rome, est l'une des deux seules personnes nommément citées dans le testament de Karol Wojtyla.
Certes, L'Eglise catholique est une communauté d'hommes dans laquelle l'antisémitisme est encore parfois présent. Mais le rabbin Rosen s'est déclaré certain que «les institutions catholiques ont dépassé les préjugés du passé; aucun prêtre antisémite ne sera consacré évêque par sa hiérarchie.»
Tous les contentieux ne sont pourtant pas réglés entre Rome et le monde juif. Le premier est politique et concerne Jérusalem qui fut annexée lors de la guerre des Six jours et déclarée par la Knesset «capitale unie et éternelle d'Israël» en 1980. Le Vatican continue d'exiger l'application de la résolution des Nations Unies demandant un statut international pour la vieille ville qui abrite les lieux saints des trois grandes religions monothéistes.
Le second contentieux concerne la béatification du pape Pie XII auquel les juifs reprochent son silence durant la Shoah. «Il ne nous appartient pas de dicter à l'Eglise catholique le choix de ses saints, a affirmé David Rosen. La guerre mondiale est encore à l'examen des historiens, mais la béatification de Pie XII serait vue par les juifs comme un manque délibéré de sensibilité…» Une évidente mise en garde.
Les acteurs de la rencontre d'hier se veulent résolument optimistes sur l'avenir des relations entre juifs et catholiques, mais il leur faudra éviter les pièges laissés par l'Histoire.
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«Un impératif moral»
Au lendemain de son élection, Benoît XVI avait dit sa volonté de «poursuivre le dialogue» et de «renforcer la collaboration» avec la communauté juive.
Hier, dans une brève intervention en anglais, le pape s'est placé dans la continuité de la déclaration «Nostra Aetate». Cette déclaration du concile Vatican II avait appelé «à une plus grande compréhension et une estime entre chrétiens et juifs». Elle avait également «déploré les manifestations de haine, de persécution et d'antisémitisme».
Le registre n'a pas été différent hier. «Au tout début de mon pontificat, a déclaré Benoît XVI, je souhaite vous assurer que l'Eglise reste fermement engagée, dans sa catéchèse comme dans tous les aspects de sa vie, à développer cet enseignement fondamental».
Et de poursuivre: «Mes prédécesseurs Paul VI et tout particulièrement Jean Paul II ont accompli des pas significatifs dans le développement des relations avec le peuple juif», à la suite de Vatican II. «Mon intention est de poursuivre ce chemin», a-t-il souligné.
L'expérience de la Shoah
Benoît XVI a ajouté que «la mémoire du passé reste pour les deux communautés (juive et chrétienne) un impératif moral (...) Cet impératif doit comprendre une réflexion continue sur les questions historiques, morales et théologiques posées par l'expérience de la Shoah», a-t-il estimé.
Le rabbin David Rosen a quant à lui rappelé que le cardinal Ratzinger avait écrit en 2000 dans l'Osservatore Romano - le journal du Vatican - un texte sur Abraham, l'ancêtre des croyants juifs comme chrétiens, qui «allait plus loin que Jean Paul II n'était allé et reflétait ses sentiments profonds».
Israël Singer avait auparavant souligné que «dans un monde de haine et de peur, où les gouvernements échouent à donner la sécurité aux peuples», les espoirs se tournent vers «les hommes de foi». (agences/red)
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Une délégation représentative
La délégation juive reçue hier par Benoît XVI était constituée par le Comité juif international pour les consultations interreligieuses (IJCIC), qui regroupe des représentants de différents courants du judaïsme religieux, conservateur et réformé. Elle comprenait des représentants des communautés juives d'Israël, des Etats-Unis, d'Europe et d'Amérique latine.
La délégation était conduite par le rabbin américain Israël Singer, le président du IJCIC. Etaient présents le président du Congrès juif mondial, Edgar Bronfman, ainsi que le Français Ady Steg, président de l'Alliance israélite universelle.
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