8.22.2005

Pari gagné…

Les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) 2005 étaient assurément l’événement médiatique de ce mois d’août, que les accidents aériens (avions de ligne ou de lutte contre l’incendie) et autres flambées, tant du cours du pétrole que des forêts portugaises ou des portails des colonies de Gaza, ne parvinrent pas vraiment à dépasser. Chaque point d’information, presses écrite et audiovisuelle confondues, en parlait inévitablement, faisant place à la situation en Allemagne, aux départs des pèlerins, aux conditions matérielles de leurs voyages, de leur accueil… L’enjeu était d’importance pour que sa couverture fut confiée à la première chaîne de télévision allemande, ARD, et que sa retransmission quasi-permanente fut assurée par la chaîne européenne, EuroNews. Jamais auparavant une rencontre du pape avec les jeunes, à l’exception du Jubilé de l’an 2000, n’avait eu une telle répercussion médiatique. Dans une certaine mesure, on retrouve la même intensité que les premières sorties, notamment au Mexique, de Jean-Paul II, immédiatement après son élection au trône de Saint-Pierre. Il y avait de la curiosité dans cette couverture des JMJ de Cologne. Certes ! Mais comment interpréter cet engouement de la presse mondiale pour le Saint Père ? D’autant que celui-ci avait connu un assoupissement après le choix du cardinal Joseph Ratzinger comme successeur du pape Wojtyla, la polémique sur le passé dans la HitlerJungen du jeune Allemand ne réussissant pas à prendre dans l’opinion publique. Cette interruption tranchait radicalement avec le traitement en premier plan de l’agonie, du décès, des funérailles de Jean-Paul II et de l’interrègne qui s’en était suivi dans l’attente du conclave.
Dans une tentative de réponse, on pourrait arguer qu’il y a la rencontre avec les jeunes. Ces journées instituées par Jean-Paul II et inaugurée en 1987 étaient trop liées à ce pape pour ne pas craindre sur leur pérennisation, tant par les autorités ecclésiastiques que par le nouveau Souverain Pontife. Mais celles de Cologne étaient déjà annoncées — Jean-Paul II avait déjà réservé la date de son voyage — et leur organisation avancée pour que le nouveau Saint-Père se dérobât. Qui plus est, il s’agissait pour Benoît XVI de son premier voyage à l’étranger, un séjour qui le portait dans son pays d’origine. Il ne pouvait raisonnablement pas se dérober. Toutefois, la question la plus prégnante restait le lien que pouvait créer ce nouveau Pontife romain et cette jeunesse qui reste, malgré tout, l’avenir de l’Eglise. Les propos du pape théologien sur la messe dominicale le montrent clairement. Et la réception faite par ces jeunes à celui dont il scande déjà le nom montre que Benoît XVI a réussi son pari. Et si la chanson ne plaît toujours pas, comme on avait pu l’entendre dire au moment de la mort de Jean-Paul II, le nouveau chanteur plaît.
On pourrait également évoquer l’événement médiatique en lui-même. Pour le Saint-Siège, le moment est parfaitement rodé depuis dix-huit ans. La communication est tout autant assurée par la musique, le décor et les animations que par les prêtres, au premier rang desquels se trouve naturellement le Saint Père. Le ballet est savamment répété et organisé pour ne rien envier aux spectaculaires shows de Bob Geldof. Les jeunes de ce week-end de Cologne étaient peut-être les mêmes que ceux qui assistaient à l’Africa Live 8 en juillet dernier ? Sur la scène, chaque interprète vouée à une place déterminée à l’avance ; il n’y a que le pape à rester libre de ses gestes, la scénographie se redéployant sur ses mouvements. Et encore… Ses accompagnateurs sur scène sont reliés à des régies par oreillette. Le faste multiséculaire de l’Eglise catholique est aujourd’hui décuplé par les technologies de l’information et de la communication.
Quoiqu’en dise Benoît XVI, il s’agit bien d’un produit de consommation proposé aux médias internationaux. Mais il répond avant tout à une logique propre : d’une part, le souci constant de l’Eglise de l’évangélisation des masses, de l’autre le besoin d’utiliser toutes les ressources offertes par les communications sociales. On se souvient que la première rencontre du nouveau pontife avait été réservée aux journalistes accrédités près le Saint-Siège. Les JMJ sont également un produit d’actualité, comme le montre la destination des quêtes des deux messes, les communautés chrétiennes de Terre sainte — en pleine évacuation des colonies de Gaza — et les projets en Asie du sud-est touchée par le tsunami de décembre 2004 -— samedi, EuroNews consacrait un reportage, dans le cadre de sa rubrique « Europa », aux activités des organisations non-gouvernementales se recommandant de l’office européen humanitaire Echo. De même, le démontage du logo des JMJ 2005, la flèche bleue passant à l’Australie, désignée organisatrice des rencontres de 2008 comme un passage de la flamme olympique, permettait de mélanger dogmatique des explications symboliques et modernité incarnée par cette jeunesse.
La retransmission par les télévisions nationales échappait au bon vouloir du Vatican. Elle était fonction de l’orientation donnée à leur programmation. Ainsi, les deux chaînes nationales suisses francophones n’accordèrent pas d’espace aux JMJ, même pas le dimanche pour la messe qui est traditionnellement diffusée ; l’Espagne qui samedi enterrait nationalement et religieusement les victimes militaires de l’accident d’hélicoptère en Afghanistan évita également ces rencontres de la jeunesse avec le Saint-Père, témoignant surtout par là la poursuite de sa brouille avec le Saint-Siège sur le mariage homosexuel. Pour sa part, France 2 l’intégra dans son créneau du « Jour du seigneur », les autres cultes laissant fraternellement leurs espaces à cet événement qui déborde jusqu’au journal de 13 heures ; la chaîne publique française fut suivi en cela par ses consœurs allemande (ARD) et portugaise (RTP). Au contraire de la RAI Uno, chaîne traditionnellement d’obédience démo-chrétienne, qui l’a suivi au plus près, couvrant les temps forts comme la veillée de vendredi et les messes pontificales.
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