2.18.2005

Le livre testament de Jean-Paul II

Hervé Yannou et Élie Maréchal
[18 février 2005]


Le 3 mars prochain, les vitrines des libraires présenteront, sous une couverture rouge, un livre signé par Jean-Paul II et traduit du polonais en français. Son titre : Mémoire et identité. Pour l'éditeur Flammarion, c'est «le testament politique et spirituel du Pape». Cette parution s'inscrit dans un climat d'inquiétude après les dix jours d'hospitalisation que le Souverain Pontife vient d'effectuer à la polyclinique Gemelli à Rome. En Italie, la date de parution du livre a été avancée au 23 février.
Les 218 pages de cet ouvrage sont riches de souvenirs et de réflexions personnels, sans être une autobiographie. Le propos est présenté comme un dialogue né d'entretiens, au cours de l'été 1993, entre Karol Wojtyla et ses amis philosophes polonais Krzysztof Michalski et Jozef Tischner, celui-ci étant décédé en 2000. Le Pape, dont les facultés physiques, mais non intellectuelles, sont diminuées par la maladie de Parkinson depuis de nombreuses années, n'est plus en mesure d'écrire entièrement ses livres. Son entourage polonais – en particulier Mgr Pawel Ptasznik, responsable de la section polonaise au Vatican – l'a aidé à remanier et compléter ce texte de conversations. Malgré les difficultés d'élocution que l'on sait, Jean-Paul II, qui a dû réduire au maximum ses activités, trouve là le moyen de continuer à diffuser sa parole et à faire rayonner sa personnalité. C'est son troisième ouvrage en trois ans. En mai dernier, il a ainsi confié son témoignage d'évêque, Levez-vous ! Allons !. L'année précédente, dans un recueil de poésies, Tryptique romain, il évoquait sa mort et l'élection de son successeur.
De telles publications sont des événements médiatiques bien orchestrés. Le premier ouvrage du Pape, Entrez dans l'espérance, publié il y a onze ans, fut un best-seller traduit en 32 langues et vendu à près de 20 millions d'exemplaires. En octobre 2004, le porte-parole du Vatican, Joaquin Navarro-Valls, a annoncé Mémoire et identité aux professionnels de l'édition à la foire internationale de Francfort. Les bénéfices des oeuvres littéraires de Jean-Paul II sont entièrement destinés à des institutions caritatives.
Les thèmes de réflexion développés en de courts chapitres dans ce nouveau livre touchent à la question du mal et des totalitarismes du XXe siècle, à l'idée de nation et d'Europe, aux fondements des droits de la personne humaine, aux problèmes liés à l'économie et à l'écologie. La pensée est concrète, nourrie d'expérience et d'histoire, notamment polonaise. Jean-Paul II y évoque non seulement ses voyages, mais aussi sa poésie. Au fil des vingt-cinq chapitres, le lecteur retrouvera les soubassements de tout l'enseignement du Pape, à travers ses encycliques et ses discours, particulièrement celui de l'Unesco à Paris le 2 juin 1980. Au passage, le Pape regrette, au sujet de la laïcité, «une certaine passivité dans l'attitude des citoyens croyants» et «une préparation insuffisante des élites politiques».
De lecture aisée, ce livre ne contient donc pas de révélations majeures. Un épilogue a toutefois été ajouté, pour revenir sur l'attentat du 13 mai 1981. Jean-Paul II lève un coin du voile sur sa rencontre ultérieure avec Ali Agça qui tenta de l'assassiner. Celui-ci, dans sa prison, interrogea le Pape «avant tout» sur le secret de Fatima : «Ali Agça avait compris par intuition qu'au-dessus de son pouvoir (...), il y avait une puissance plus haute.»
Enfin, pour qui voit désormais Jean-Paul II comme «un serviteur inutile», arrive un ultime message sur la souffrance qu'il endure : «C'est la souffrance qui brûle, qui consume le mal par la flamme de l'amour et qui tire aussi du péché une floraison multiforme de bien.» Ainsi continue le Pape.
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