2.11.2005

Le Pape «guéri» a quitté l'hôpital Gemelli

 
 LE VATICAN Jean-Paul II était hospitalisé depuis le 1er février à la suite de graves troubles respiratoires

Le Pape Jean Paul II, 84 ans, «guéri» de sa laryngo-trachéite aiguë, a quitté la polyclinique Gemelli hier soir à bord de sa papamobile, pour se montrer aux fidèles venus applaudir le cortège jusqu'au Vatican.

Le Vatican : de notre envoyée spéciale Sophie de Ravinel
[LE FIGARO, 11 février 2005]

Jean-Paul II est guéri. C'est au moins ce que dit le Vatican. Et tout le monde est soulagé. Les fidèles qui retenaient leur souffle, la curie qui s'inquiétait terriblement et les médias qui ne savent plus à quel saint se vouer. Le Pape est rentré hier après-midi dans ses appartements du Palais pontifical. S'il est peu probable qu'il participe aujourd'hui à la célébration de la Journée mondiale des malades dans la basilique Saint-Pierre, il devrait apparaître dimanche à la fenêtre pour la prière de l'angélus. Ensuite, une semaine de retraite est organisée au Vatican où toutes les activités seront suspendues. Un temps de pause indispensable pour tous les acteurs de ce roman pontifical, avant que les difficultés surgissent à nouveau.
Le communiqué officiel lu hier matin par Joaquin Navarro Valls, le porte-parole de la cité pontificale, affirme que la «laryngotrachéite aiguë ayant nécessité l'hospitalisation urgente du Saint-Père a été soignée», que «l'amélioration des conditions générales se poursuit favorablement» et encore que, «ces deux derniers jours», tous les examens nécessaires ont été effectués, «y compris le scanner». Ces examens ont permis «d'exclure toute autre pathologie». Outre le fait que le porte-parole avait clairement démenti toute hypothèse de scanner la semaine dernière, reste donc la pathologie principale dont est affecté Jean-Paul II : la maladie de Parkinson et toutes ses conséquences, sur laquelle s'est greffée la fameuse grippe.
Par ailleurs, le Pape a remercié l'ensemble de l'équipe médicale qui a pris soin de lui durant ces journées d'incertitudes et de forte tension. Les médecins sont tous cités, chacun avec leurs spécialités. Sauf pour l'un d'entre eux : le professeur Massimo Antonelli, qui se trouve être un spécialiste de la respiration artificielle.
De sources fiables au Vatican, on affirme que ce dernier aurait adapté pour son illustre patient un appareil respiratoire dont le principe date d'une trentaine d'années (le CPAP ou Continuous Positive Airway Pressure), destiné à envoyer une faible pression dans ses poumons et, ainsi, à pallier la faiblesse musculaire de sa cage thoracique et de son diaphragme. Jean-Paul II se servirait de cet appareil plusieurs fois par jour. Régulièrement, il serait aussi nécessaire de ponctionner le liquide inflammatoire contenu dans la plèvre, ce qui pourrait indiquer une pleurésie. On parle encore de problèmes de circulation et de complications cardiaques.
En raison de ces conditions d'extrême fragilité, la curie s'est trouvée désormais plongée dans une atmosphère chargée d'électricité. La culture du secret local a provoqué l'imbroglio médiatique de dimanche dernier, lorsqu'un enregistrement de la voix du Pape a été diffusé avant ou en même temps que la sienne propre. Il visait à montrer que Jean-Paul II est toujours en état de gouverner et toujours «présentable» à la foule qu'il affectionne tant et dont il a toujours été si proche.
Le secrétaire personnel du Pape, Mgr Stanislaw Dziwisz, a une autorité certaine dans la curie romaine. Il trouve des appuis auprès du cardinal Crescenzio Sepe, qui a été évincé de la puissante secrétairerie d'État où il tentait de faire carrière, mais qui tient aujourd'hui en main une très grande puissance financière. Ce Napolitain est à la tête de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples, qui nomme un tiers des évêques de l'Église catholique. Il trouve aussi un soutien et réciproquement chez Joaquin Navarro Valls, qu'il a sauvé plusieurs fois des pièges tendus par la secrétairerie d'État.
Mais l'autorité du secrétaire polonais qui a tout intérêt à prolonger le pontificat est très limitée à la sphère que veut bien lui concéder le cardinal secrétaire d'État, Angelo Sodano. Ce dernier, âgé de 77 ans, considère qu'il ferait un très bon pape de transition. S'il a laissé échapper quelques mots, lundi dernier, sur la possible renonciation du Pape, ce pourrait bien être parce qu'il n'a aucun intérêt à rester le numéro deux du Vatican dans une situation de «marécage gouvernemental». Jean-Paul II resterait encore en place durant de longs mois peut-être, sans être plus capable de gouverner, même en apparence. Et la révolte qui gronde aujourd'hui contre le cardinal Sodano au sein de la curie deviendrait alors incontrôlable.
Ce cardinal du nord de l'Italie, ces dernières années, a tenté d'effacer son image d'ultraconservateur, ami personnel du général Pinochet. C'est un adversaire de l'Opus Dei qui lui fait de l'ombre et un proche des cardinaux néoconservateurs américains avec qui il a géré en délicatesse l'opposition officielle du Vatican à la guerre en Irak. Il a réussi à évincer un autre cardinal, Giovanni Battista Re, 71 ans, lorsque ce dernier était à la secrétairerie d'État et qu'il avait inventé un poste de vice-préfet de la Maison pontificale pour Stanislaw Dziwisz, son allié d'alors. C'est aussi lui qui aurait imaginé l'idée d'une consécration épiscopale pour un secrétaire du Pape.
Le cardinal Re, un bourreau de travail qui «roule» pour lui-même et pense lui aussi être un bon candidat, est aujourd'hui à la tête de la Congrégation pour les évêques. Son rôle est limité. Aucune nomination d'évêque ne se fait sans le consentement de la secrétairerie d'Etat.
Le cardinal Joseph Ratzinger, 77 ans, se démarque de ces figures politiques du Vatican. Son rôle de conseiller – sinon de candidat – lors du prochain conclave n'en sera que renforcé. Pour l'instant, il poursuit son travail de «veille doctrinale», venant ainsi de condamner le jésuite américain Roger Haight en raison des «graves erreurs» contenues dans son enseignement.
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