3.28.2005

"C’est sans doute la dernière fois", murmure la foule émue, à Rome

Reportage

LE MONDE | 28.03.05 | 13h50 • Mis à jour le 28.03.05 | 13h50
Rome de notre correspondant

Mario Giovannetti quitte la place Saint-Pierre les yeux rougis. Comme de nombreux pèlerins rassemblés dimanche de Pâques devant la basilique, ce vieux Romain n’a pu retenir ses larmes. Il n’a presque rien vu, ni rien entendu, tout juste un souffle rauque dans les haut-parleurs, que beaucoup ont confondu avec le bruit du vent.
C’est son fils, Emmanuele, muni de jumelles en habitué de ce rendez-vous, qui lui a raconté les vains efforts de Jean Paul II : le micro approché pour la bénédiction, les longues secondes de concentration et d’efforts, puis son geste d’impuissance. "Il n’a pas pu parler, mais continue à nous dire beaucoup sur l’importance de la foi face à la souffrance", confie Mario.
Cet ancien bibliothécaire, qui dit avoir "presque l’âge de Wojtyla", avoue sa "peine" et sa "tendresse" pour le pape malade. Ce nouveau silence du chef de l’Eglise a provoqué une onde d’émotion dans la foule, qui l’a encouragé par ses applaudissements.

"SON MESSAGE SURVIVRA"
Juchés sur les épaules paternelles, des enfants agitaient la main. Une mère de famille, en scrutant le ciel orageux, a eu cette réflexion inquiète : "Il est resté un quart d’heure à sa fenêtre, ce n’est pas très prudent dans son état." Certains avaient du mal à cacher leur déception : "Les journaux ont annoncé que le pape se réservait pour prononcer la bénédiction. J’étais sûre qu’il y arriverait", murmure Paola, une Sicilienne venue avec sa paroisse.
"C’est la première fois que nous venons et, sans doute, la dernière que nous le voyons. Alors nous aurions bien aimé l’entendre nous bénir", regrettent Lee et Laureen, un couple de Toronto. Sac au dos et mains jointes sur son tee-shirt bigarré, le jeune Canadien explique : "Nous avons 30 ans. Nous n’avons connu que ce pape et nous avons du mal à imaginer le futur de l’Eglise sans lui." Une éventualité que refuse Elena, une Polonaise qui travaille à Ostie comme aide familiale : "C’est la troisième année que je viens pour Pâques, dit-elle. Le pape n’a pas parlé, mais c’était la cérémonie la plus émouvante. L’an prochain, il sera là, il ira mieux, j’ai confiance." Des touristes allemands évoquent les Journées mondiales de la jeunesse, à Cologne, en août : "Nous y serons, car son message à la jeunesse du monde lui survivra", affirme Günther, étudiant de Fribourg-en-Brisgau.
Jean-Jacques Bozonnet
Article paru dans l’édition du 29.03.05
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