Le pape, malade, sera absent des cérémonies de Pâques
LE MONDE | 22.03.05 | 15h28 • Mis à jour le 22.03.05 | 16h43
Les dizaines de milliers de pèlerins qui vont affluer à Rome pour les fêtes de Pâques vont être déçus. Cette année, ils ne verront pas le pape, l'entendront encore moins. Pour la première fois depuis le début de son pontificat, il y a vingt-six ans, Jean Paul II ne participera pas, les jeudi 24, vendredi 25 et dimanche 27 mars, aux longues cérémonies qu'il avait encore présidées ces dernières années, malgré le peu d'énergie qui lui restait. En Italie, cette absence du pape pour les jours les plus importants de la liturgie chrétienne - jeudi saint, vendredi saint et jour de Pâques - marque les esprits.
Pour la fête des Rameaux, dimanche 20 mars, il n'a fait qu'une apparition muette à la fenêtre de ses appartements qui, bien loin de rassurer, a inquiété davantage. Les images télévisées ont montré un homme amaigri, souffrant, portant au poignet un pansement (cathéter) et tapant de la main sur un pupitre quand son secrétaire particulier a mis fin à la scène. Jean Paul II n'a pu adresser un seul mot aux 50 000 pèlerins qui avaient fait le voyage de Rome et l'attendaient depuis deux heures. Le pape est "prisonnier de son corps", commente-t-on. Réduit au rang d'icône muette, le lien direct avec les fidèles, dans lequel il a toujours puisé sa force, est aujourd'hui rompu.
Au Vatican, les bulletins d'information sont devenus inexistants. Rome bruit donc de rumeurs sur l'état de santé d'un homme qui, depuis son retour de la polyclinique Gemelli le lundi 17 mars, inspire plus d'inquiétude que d'optimisme. Le pape ne supporterait pas la canule insérée dans la trachée artère qui, depuis la trachéotomie du 24 février, l'aide à respirer, mais l'empêche de parler. Les seuls mots entendus de sa bouche remontent au dimanche 13 à Gemelli. Selon les médecins, le maintien de cette canule le libère du risque d'étouffement lié à la progression du syndrome de Parkinson. Mais elle est aussi un foyer d'infections et c'est par peur d'un risque microbien que le corps médical a convaincu le convalescent de ne pas rester au contact des foules de la semaine sainte.
Tous les usages sont donc bouleversés à Rome. Personne ne sait encore si, dimanche 27 mars, jour de Pâques, Jean Paul II sera en mesure de prononcer au moins quelques mots de son message urbi et orbi, traditionnel tour d'horizon de la situation du monde, lu dans toutes les langues, précédant sa bénédiction. Le seul rendez-vous auquel il n'entend pas se dérober et qui, avec sa maladie, va prendre cette année un relief particulier, est le traditionnel chemin de croix du vendredi saint, qui a lieu au début de la nuit au Colisée de Rome en présence de dizaines de milliers de pèlerins et des caméras du monde entier.
"LA PASSION DE JEAN PAUL II"
Le chemin de croix est le moment le plus émouvant de la semaine sainte. Jean Paul II n'a jamais manqué cette commémoration de la Passion du Christ dans le lieu symbolique où étaient martyrisés les premiers chrétiens. A Rome, certains assurent que, contre l'avis de ses médecins, il prendra le risque d'une sortie de sa chambre médicalisée. L'idée serait d'installer au Colisée une sorte de pavillon chauffé et protégé. D'autres estiment, en revanche, qu'il restera enfermé dans ses appartements, mais participera à la cérémonie par un système de transmission vidéo.
"Le chemin de croix fait partie de la mystique pontificale", commente Philippe Levillain, historien de la papauté qui rappelle que, quelques mois avant sa mort en août 1978, le pape Paul VI, malgré une douloureuse arthrose au genou, avait lui-même porté au Colisée la croix de bois. "Etrange semaine sainte, commente de son côté Orazio Petrosillo dans le Messagero du lundi 21 mars. La Passion du Christ sera cette année à Rome la Passion de Jean Paul II."
Les apparences d'une continuité institutionnelle sont toutefois sauves. Le pape a nommé des cardinaux-évêques (le sommet du Sacré Collège) pour le suppléer à la présidence des cérémonies pascales. C'est le cardinal Josef Ratzinger, doyen du Sacré Collège, qui sera cette année l'auteur des méditations des quatorze stations du chemin de croix et présidera samedi la veillée pascale dans la basilique vaticane, alors que le cardinal Angelo Sodano, secrétaire d'Etat du Saint-Siège, présidera la cérémonie du dimanche de Pâques.
Eprouvée par la double hospitalisation de Jean Paul II, convaincue enfin que sa convalescence sera longue, la Curie est entrée dans une phase inédite de son histoire. L'illusion d'un pape encore capable de décider est levée. L'entourage des cardinaux et secrétaires a pris les affaires en main. Il lui revient d'animer et de coordonner les dossiers, de conseiller le pape pour les nominations, de réagir à sa place aux événements de l'Eglise et du monde. Ce qui fait dire avec humour à l'un d'entre eux, Giovanni-Battista Ré, en charge de la congrégation des évêques : "Le pape fait travailler les cardinaux, une fois n'est pas coutume !"
Henri Tincq
Article paru dans l'édition du 23.03.05
Les dizaines de milliers de pèlerins qui vont affluer à Rome pour les fêtes de Pâques vont être déçus. Cette année, ils ne verront pas le pape, l'entendront encore moins. Pour la première fois depuis le début de son pontificat, il y a vingt-six ans, Jean Paul II ne participera pas, les jeudi 24, vendredi 25 et dimanche 27 mars, aux longues cérémonies qu'il avait encore présidées ces dernières années, malgré le peu d'énergie qui lui restait. En Italie, cette absence du pape pour les jours les plus importants de la liturgie chrétienne - jeudi saint, vendredi saint et jour de Pâques - marque les esprits.
Pour la fête des Rameaux, dimanche 20 mars, il n'a fait qu'une apparition muette à la fenêtre de ses appartements qui, bien loin de rassurer, a inquiété davantage. Les images télévisées ont montré un homme amaigri, souffrant, portant au poignet un pansement (cathéter) et tapant de la main sur un pupitre quand son secrétaire particulier a mis fin à la scène. Jean Paul II n'a pu adresser un seul mot aux 50 000 pèlerins qui avaient fait le voyage de Rome et l'attendaient depuis deux heures. Le pape est "prisonnier de son corps", commente-t-on. Réduit au rang d'icône muette, le lien direct avec les fidèles, dans lequel il a toujours puisé sa force, est aujourd'hui rompu.
Au Vatican, les bulletins d'information sont devenus inexistants. Rome bruit donc de rumeurs sur l'état de santé d'un homme qui, depuis son retour de la polyclinique Gemelli le lundi 17 mars, inspire plus d'inquiétude que d'optimisme. Le pape ne supporterait pas la canule insérée dans la trachée artère qui, depuis la trachéotomie du 24 février, l'aide à respirer, mais l'empêche de parler. Les seuls mots entendus de sa bouche remontent au dimanche 13 à Gemelli. Selon les médecins, le maintien de cette canule le libère du risque d'étouffement lié à la progression du syndrome de Parkinson. Mais elle est aussi un foyer d'infections et c'est par peur d'un risque microbien que le corps médical a convaincu le convalescent de ne pas rester au contact des foules de la semaine sainte.
Tous les usages sont donc bouleversés à Rome. Personne ne sait encore si, dimanche 27 mars, jour de Pâques, Jean Paul II sera en mesure de prononcer au moins quelques mots de son message urbi et orbi, traditionnel tour d'horizon de la situation du monde, lu dans toutes les langues, précédant sa bénédiction. Le seul rendez-vous auquel il n'entend pas se dérober et qui, avec sa maladie, va prendre cette année un relief particulier, est le traditionnel chemin de croix du vendredi saint, qui a lieu au début de la nuit au Colisée de Rome en présence de dizaines de milliers de pèlerins et des caméras du monde entier.
"LA PASSION DE JEAN PAUL II"
Le chemin de croix est le moment le plus émouvant de la semaine sainte. Jean Paul II n'a jamais manqué cette commémoration de la Passion du Christ dans le lieu symbolique où étaient martyrisés les premiers chrétiens. A Rome, certains assurent que, contre l'avis de ses médecins, il prendra le risque d'une sortie de sa chambre médicalisée. L'idée serait d'installer au Colisée une sorte de pavillon chauffé et protégé. D'autres estiment, en revanche, qu'il restera enfermé dans ses appartements, mais participera à la cérémonie par un système de transmission vidéo.
"Le chemin de croix fait partie de la mystique pontificale", commente Philippe Levillain, historien de la papauté qui rappelle que, quelques mois avant sa mort en août 1978, le pape Paul VI, malgré une douloureuse arthrose au genou, avait lui-même porté au Colisée la croix de bois. "Etrange semaine sainte, commente de son côté Orazio Petrosillo dans le Messagero du lundi 21 mars. La Passion du Christ sera cette année à Rome la Passion de Jean Paul II."
Les apparences d'une continuité institutionnelle sont toutefois sauves. Le pape a nommé des cardinaux-évêques (le sommet du Sacré Collège) pour le suppléer à la présidence des cérémonies pascales. C'est le cardinal Josef Ratzinger, doyen du Sacré Collège, qui sera cette année l'auteur des méditations des quatorze stations du chemin de croix et présidera samedi la veillée pascale dans la basilique vaticane, alors que le cardinal Angelo Sodano, secrétaire d'Etat du Saint-Siège, présidera la cérémonie du dimanche de Pâques.
Eprouvée par la double hospitalisation de Jean Paul II, convaincue enfin que sa convalescence sera longue, la Curie est entrée dans une phase inédite de son histoire. L'illusion d'un pape encore capable de décider est levée. L'entourage des cardinaux et secrétaires a pris les affaires en main. Il lui revient d'animer et de coordonner les dossiers, de conseiller le pape pour les nominations, de réagir à sa place aux événements de l'Eglise et du monde. Ce qui fait dire avec humour à l'un d'entre eux, Giovanni-Battista Ré, en charge de la congrégation des évêques : "Le pape fait travailler les cardinaux, une fois n'est pas coutume !"
Henri Tincq
Article paru dans l'édition du 23.03.05
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