Le Pape a célébré les Cendres en privé
article publié le 09-02-2005 sur le site www.la-croix.com
Le Pape, que le cardinal Ruini a trouvé «vraiment bien», a reçu les cendres des mains de son secrétaire, dans sa chambre d’hôpital
«Je viens de voir le Pape et je l’ai trouvé vraiment bien.» Le cardinal Camillo Ruini, vicaire du Pape pour le diocèse de Rome, a manifestement voulu rassurer alors qu’il sortait mercredi 9 février à midi de la chambre de Jean-Paul II à la polyclinique Gemelli. «Je souhaite délivrer à tous un message de tranquillité et de pleine confiance, ajoutait-il. Nous avons parlé du diocèse de Rome. J’ai été surpris par le fait que, même aujourd’hui, il a voulu parler du diocèse et du début du Carême.»
En effet, c’est la première fois, depuis vingt-sept ans, que le Pape n’a pu présider lui-même la liturgie de l’entrée en Carême. Mercredi matin, dans la basilique Saint-Pierre, un groupe de pèlerins français évoquait justement ce souvenir : avec leur paroisse de Picardie verte, entre Amiens et Beauvais, ils étaient venus assister à la cérémonie des Cendres du jubilé de l’an 2000 à Rome. Mais à l’époque «il» était là, note l’un des pèlerins. «Il», le Pape. Cette année c’est dans sa chambre d’hôpital, en privé, qu’il a reçu les cendres des mains de son secrétaire particulier.
La célébration à Saint-Pierre était présidée au nom du Pape par le cardinal américain James Stafford. Il a brièvement évoqué Jean-Paul II. «Nous ressentons sa présence spirituelle parmi nous» et a surtout invité les fidèles à demander «au Seigneur de concéder les grâces nécessaires» à sa fonction de successeur de Pierre, pour «affirmer ses frères dans l’unité de la foi». Une intention de prière a été ajoutée à la prière universelle qui ne figurait pas dans le texte initial pour demander «la guérison rapide» du Pape. Sobriété donc. Ce cardinal a préféré insister dans son homélie sur l’urgence de la conversion : citant Jean-Paul II sur l’année de l’Eucharistie, il a invité les fidèles à remettre en évidence le «rapport essentiel à l’Eucharistie».
Elle ne «le» verra pas…
Les pèlerins paraissent d’ailleurs à l’unisson de la sérénité ambiante : l’absence du Pape ne leur «pèse pas», confessent-ils. «Comme chrétiens, et même si on est attaché à sa personne, la mort fait partie de la vie, et il doit maintenant faire son chemin à lui», témoigne Françoise.
Autant dire que ce groupe de Français, à Rome depuis dimanche, est bien loin de l’agitation médiatique qui s’est emparée du Vatican ces derniers jours. Certes, Virginie, 13 ans, dont c’est le premier pèlerinage romain, laisse échapper un soupir de déception : elle ne «le» verra pas… Et, tous, jeunes et moins jeunes iront prier devant la polyclinique Gemelli. Mais Chantal décrit le sentiment commun : «Ici, à Rome, sa présence est implicite, tous les lieux nous le rappellent mais ce pèlerinage est aussi une manière de nous préparer à ce qui va arriver : commence désormais à germer dans nos esprits cette idée qu’il va y avoir un changement. Sans doute un tournant pour l’Église universelle.»
Au même moment pourtant, bien que sur un mode mineur, la polémique se poursuit. Deux sujets à l’ordre du jour, la capacité de Jean-Paul II à gouverner l’Église et son éventuelle renonciation. Le quotidien La Repubblica, qui s’appuie notamment sur la prise de position d’un «organe catholique prestigieux comme La Croix» contre les «demi-vérités» (l’éditorial de Bruno Frappat du 8 février), affirme que «la maladie de Wojtyla, que cela plaise ou non, est devenue une énigme universelle».
«Parler de démission à propos d’une grippe est de mauvais goût»
Il parle aussi d’«accrochages au sommet de l’Église» en opposant les déclarations du cardinal Angelo Sodano mardi soir – «Laissons cela à la conscience du Pape […] Il sait ce qu’il doit faire» (en fait une réponse à une question posée sur l’éventualité d’une renonciation), à une déclaration ultérieure du cardinal Giovanni Battista Re, préfet de la Congrégation pour les évêques. Interrogé lui aussi par une agence de presse, il avait rétorqué : «Je ne réponds pas» à ce genre de querelle médiatique, «parler de démission à propos d’une grippe est de mauvais goût». Des petites phrases qui ne permettent toutefois pas de parler de conflit ouvert !
Bien sûr, les responsables romains se posent des questions. Mais s’abstiennent le plus souvent de publier leurs réflexions sur un sujet – le grand âge et la maladie d’un pape — qui se trouve aujourd’hui posé pour les prochains pontificats. Certains – que La Repubblica qualifie de «hérauts d’un pontificat intouchable et stagnant» – affirment, tel le cardinal Dario Castrillon Hoyos, préfet de la Congrégation pour le clergé, que «le Saint-Père a solidement en main la barre de l’Église». D’autres, dont le cardinal Mario Francesco Pompedda, juriste et ancien préfet du Tribunal de la Signature apostolique, ou le cardinal Jorge Mejia, ancien condisciple du Pape et ancien bibliothécaire de l’Église, dissèquent le droit canon ou supputent sur une éventuelle lettre de renonciation prédisposée.
Le prochain bulletin de santé de Jean-Paul II est attendu pour jeudi 10 février à midi. On saura peut-être alors quand le Pape rejoindra le Vatican. Il sera en tout cas absent vendredi après-midi pour la messe de la Journée mondiale des malades, fête de Notre-Dame de Lourdes, dans la basilique vaticane, à l’issue de laquelle il bénissait toujours les malades. Il pourrait, dit-on, le faire de sa chambre de Gemelli.
Yves PITETTE et Isabelle de GAULMYN, à Rome
***
«Un grand exemple», selon le cardinal Lustiger
Interrogé hier sur RTL, le cardinal Lustiger, archevêque de Paris, a estimé que «le Pape n’a pas besoin d’être comme Schwarzenegger pour donner l’exemple du superman qui gouverne l’Église. […] Si c’était comme cela pendant trente ans, ce serait peut-être une période un peu excessive, mais quand le gouvernement de l’Église a à sa tête un homme qui porte sa souffrance comme nous devons la porter et avec courage pour le bien de l’humanité, c’est un grand exemple». Il a ajouté : «Nous avons maintenant un handicapé à la tête de l’Église, qui porte son handicap et montre que cette faiblesse peut être aussi le signe d’une force. Cela fait partie du message chrétien.»
Le Pape, que le cardinal Ruini a trouvé «vraiment bien», a reçu les cendres des mains de son secrétaire, dans sa chambre d’hôpital
«Je viens de voir le Pape et je l’ai trouvé vraiment bien.» Le cardinal Camillo Ruini, vicaire du Pape pour le diocèse de Rome, a manifestement voulu rassurer alors qu’il sortait mercredi 9 février à midi de la chambre de Jean-Paul II à la polyclinique Gemelli. «Je souhaite délivrer à tous un message de tranquillité et de pleine confiance, ajoutait-il. Nous avons parlé du diocèse de Rome. J’ai été surpris par le fait que, même aujourd’hui, il a voulu parler du diocèse et du début du Carême.»
En effet, c’est la première fois, depuis vingt-sept ans, que le Pape n’a pu présider lui-même la liturgie de l’entrée en Carême. Mercredi matin, dans la basilique Saint-Pierre, un groupe de pèlerins français évoquait justement ce souvenir : avec leur paroisse de Picardie verte, entre Amiens et Beauvais, ils étaient venus assister à la cérémonie des Cendres du jubilé de l’an 2000 à Rome. Mais à l’époque «il» était là, note l’un des pèlerins. «Il», le Pape. Cette année c’est dans sa chambre d’hôpital, en privé, qu’il a reçu les cendres des mains de son secrétaire particulier.
La célébration à Saint-Pierre était présidée au nom du Pape par le cardinal américain James Stafford. Il a brièvement évoqué Jean-Paul II. «Nous ressentons sa présence spirituelle parmi nous» et a surtout invité les fidèles à demander «au Seigneur de concéder les grâces nécessaires» à sa fonction de successeur de Pierre, pour «affirmer ses frères dans l’unité de la foi». Une intention de prière a été ajoutée à la prière universelle qui ne figurait pas dans le texte initial pour demander «la guérison rapide» du Pape. Sobriété donc. Ce cardinal a préféré insister dans son homélie sur l’urgence de la conversion : citant Jean-Paul II sur l’année de l’Eucharistie, il a invité les fidèles à remettre en évidence le «rapport essentiel à l’Eucharistie».
Elle ne «le» verra pas…
Les pèlerins paraissent d’ailleurs à l’unisson de la sérénité ambiante : l’absence du Pape ne leur «pèse pas», confessent-ils. «Comme chrétiens, et même si on est attaché à sa personne, la mort fait partie de la vie, et il doit maintenant faire son chemin à lui», témoigne Françoise.
Autant dire que ce groupe de Français, à Rome depuis dimanche, est bien loin de l’agitation médiatique qui s’est emparée du Vatican ces derniers jours. Certes, Virginie, 13 ans, dont c’est le premier pèlerinage romain, laisse échapper un soupir de déception : elle ne «le» verra pas… Et, tous, jeunes et moins jeunes iront prier devant la polyclinique Gemelli. Mais Chantal décrit le sentiment commun : «Ici, à Rome, sa présence est implicite, tous les lieux nous le rappellent mais ce pèlerinage est aussi une manière de nous préparer à ce qui va arriver : commence désormais à germer dans nos esprits cette idée qu’il va y avoir un changement. Sans doute un tournant pour l’Église universelle.»
Au même moment pourtant, bien que sur un mode mineur, la polémique se poursuit. Deux sujets à l’ordre du jour, la capacité de Jean-Paul II à gouverner l’Église et son éventuelle renonciation. Le quotidien La Repubblica, qui s’appuie notamment sur la prise de position d’un «organe catholique prestigieux comme La Croix» contre les «demi-vérités» (l’éditorial de Bruno Frappat du 8 février), affirme que «la maladie de Wojtyla, que cela plaise ou non, est devenue une énigme universelle».
«Parler de démission à propos d’une grippe est de mauvais goût»
Il parle aussi d’«accrochages au sommet de l’Église» en opposant les déclarations du cardinal Angelo Sodano mardi soir – «Laissons cela à la conscience du Pape […] Il sait ce qu’il doit faire» (en fait une réponse à une question posée sur l’éventualité d’une renonciation), à une déclaration ultérieure du cardinal Giovanni Battista Re, préfet de la Congrégation pour les évêques. Interrogé lui aussi par une agence de presse, il avait rétorqué : «Je ne réponds pas» à ce genre de querelle médiatique, «parler de démission à propos d’une grippe est de mauvais goût». Des petites phrases qui ne permettent toutefois pas de parler de conflit ouvert !
Bien sûr, les responsables romains se posent des questions. Mais s’abstiennent le plus souvent de publier leurs réflexions sur un sujet – le grand âge et la maladie d’un pape — qui se trouve aujourd’hui posé pour les prochains pontificats. Certains – que La Repubblica qualifie de «hérauts d’un pontificat intouchable et stagnant» – affirment, tel le cardinal Dario Castrillon Hoyos, préfet de la Congrégation pour le clergé, que «le Saint-Père a solidement en main la barre de l’Église». D’autres, dont le cardinal Mario Francesco Pompedda, juriste et ancien préfet du Tribunal de la Signature apostolique, ou le cardinal Jorge Mejia, ancien condisciple du Pape et ancien bibliothécaire de l’Église, dissèquent le droit canon ou supputent sur une éventuelle lettre de renonciation prédisposée.
Le prochain bulletin de santé de Jean-Paul II est attendu pour jeudi 10 février à midi. On saura peut-être alors quand le Pape rejoindra le Vatican. Il sera en tout cas absent vendredi après-midi pour la messe de la Journée mondiale des malades, fête de Notre-Dame de Lourdes, dans la basilique vaticane, à l’issue de laquelle il bénissait toujours les malades. Il pourrait, dit-on, le faire de sa chambre de Gemelli.
Yves PITETTE et Isabelle de GAULMYN, à Rome
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«Un grand exemple», selon le cardinal Lustiger
Interrogé hier sur RTL, le cardinal Lustiger, archevêque de Paris, a estimé que «le Pape n’a pas besoin d’être comme Schwarzenegger pour donner l’exemple du superman qui gouverne l’Église. […] Si c’était comme cela pendant trente ans, ce serait peut-être une période un peu excessive, mais quand le gouvernement de l’Église a à sa tête un homme qui porte sa souffrance comme nous devons la porter et avec courage pour le bien de l’humanité, c’est un grand exemple». Il a ajouté : «Nous avons maintenant un handicapé à la tête de l’Église, qui porte son handicap et montre que cette faiblesse peut être aussi le signe d’une force. Cela fait partie du message chrétien.»
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