3.28.2005

Jean Paul II a dû déléguer à des cardinaux de la Curie la présidence de toutes les célébrations pascales
LE MONDE | 28.03.05 | 13h50 • Mis à jour le 28.03.05 | 13h53
Ceux qui l’ont accompagné dans ses voyages, qui l’ont vu et entendu haranguer des foules, des heures entières, en Pologne, en Corée ou en Afrique, ont ressenti, dimanche 27 mars à Rome, jour de Pâques, une émotion particulière.
C’est bien le même homme qui, à la fenêtre de ses appartements, a lutté, de longues secondes, le visage grimaçant de douleur, pour tenter, à la limite de ce qui lui reste de forces, d’émettre un son, de prononcer cette bénédiction qu’il a formulée des milliers de fois. Sans résultat. Certains lui ont même vu la larme à l’oeil.
Jean Paul II a vécu, ce jour de Pâques 2005, le sommet de son calvaire, l’impuissance à exercer son ministère de pape dans ce qu’il a de plus élémentaire : confier à Dieu le soin du monde et de ses fidèles.
Retour cruel du destin : Jean Paul II, qui a tant parlé, écrit, voyagé, fait des gestes inoubliables, est désormais immobile et aphasique. L’homme de la parole est sans voix.
De Karol Wojtyla, contraint de laisser pendant douze minutes au cardinal Angelo Sodano le soin de lire le message de Pâques, il ne reste que cette silhouette blanche, aimantant tous les regards et les prières, et ce masque de souffrance.
Outre la canule qu’il a dans la gorge et qui le gêne - depuis la trachéotomie qu’il a subie le 24 février -, l’impuissance du malade à parler est le fruit d’un stress particulier face à des foules plus que jamais fidèles, dimanche : 50 000 personnes étaient sur la place Saint-Pierre et des millions derrière leurs écrans - la cérémonie était retransmise dans soixante-quatorze pays -, supputant ses chances d’adresser quelques mots, avant de donner sa bénédiction urbi et orbi, puis le dévisageant, jaugeant ses chances de surmonter ce cap.


PAS UN MOT DEPUIS LE 13 MARS

Quinze jours après son retour au Vatican, après sa dernière hospitalisation, le "test" de la semaine pascale n’a donc pas été rassurant. Jean Paul II a besoin du contact avec le public pour surmonter l’épreuve, mais chacune de ses apparitions - y compris celles de dos durant le chemin de croix - le montre dans une situation à chaque fois plus alarmante.
On sait qu’il est soumis à des crises d’anémie et sous perfusion. S’il parvient à exprimer quelques sons et à se faire comprendre de ses proches, en public il ne peut plus parler. On ne l’a pas entendu prononcer un seul mot depuis le 13 mars. Or le retrait de la canule ne semble pas, pour le moment, envisagé par ses médecins : elle l’aide à respirer et à récupérer en cas de nouvelle alerte infectieuse.
Cela ne s’était donc jamais vu : le pape a dû déléguer à des cardinaux de la Curie la présidence de toutes les célébrations pascales. Dimanche, la messe en la basilique fut célébrée par Angelo Sodano, secrétaire d’Etat. La vigile pascale l’avait été par Joseph Ratzinger.
Lu par le cardinal Sodano, le message de Pâques était consacré, cette année, à la situation au Proche-Orient et en Afrique, "où le sang continue d’être versé et de faire tant de victimes innocentes", à ces "populations qui souffrent de pauvreté et de faim, décimées par des épidémies mortelles et des catastrophes naturelles".
Mais jamais le pape n’avait montré autant de souffrance pour traiter de la souffrance du monde.
Henri Tincq
Article paru dans l’édition du 29.03.05
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