L'absence du Pape pèse sur le fonctionnement de l'Eglise
VATICAN Les spéculations sur sa succession sont ravivées
Sophie de Ravinel
[Le Figaro 29 mars 2005]
Hier à midi sur la place Saint-Pierre, la fenêtre des appartements de Jean-Paul II est restée fermée, à la grande déception des centaines de pèlerins venus recevoir la traditionnelle bénédiction du lundi de Pâques. Le Palais apostolique désert semblait isolé du monde durant ce jour férié où les employés du Vatican, religieux et laïcs, profitent de l'occasion pour déserter la Cité éternelle. L'absence du Pape s'est fait d'autant plus durement ressentir qu'il est apparu dimanche pathétiquement faible.
Cette faiblesse au sommet de l'Eglise catholique provoque de nombreuses questions et critiques en interne, venant bien souvent de ceux qui lui reprochent habituellement son centralisme excessif. Jean-Paul II a quelque peu révolutionné la fonction pontificale par le nombre de ses voyages, de ses interventions et de ses apparitions en public. Le silence, aujourd'hui, est considéré par certains comme une faillite de sa mission.
Cette mission, il ne l'a jamais accomplie seul, mais entouré de ses proches collaborateurs. Leur rôle est devenu évident, mais il ne leur est désormais plus possible de lancer des chantiers d'avenir. Les premiers d'entre eux, les cardinaux de la curie, se répartissent simplement les tâches du gouvernement courant en prenant bien garde de ne pas interférer sur celles du voisin, la communication et la collaboration transversale n'ayant jamais été un point fort du Vatican.
* Le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, développe sa mission d'exhortation spirituelle qu'il juge encore plus nécessaire – au vu de ses derniers prêches – en cette période d'incertitude et trouble qui précède toujours la mort des papes.
* Le cardinal Angelo Sodano, à la tête de la secrétairerie d'Etat, tente de maintenir à flot le rôle politique et diplomatique de l'Etat de la Cité du Vatican. C'est lui qui écrit désormais, exclusivement au nom de Jean-Paul II, les télégrammes envoyés aux chancelleries ou aux autorités religieuses. C'est aussi lui, par exemple, qui reçoit depuis le début février les ambassadeurs auprès du Saint-Siège venus apporter au Pape leurs lettres de créances. Les messages de Jean-Paul II qui leur sont adressés sont rédigés par la secrétairerie d'Etat, en collaboration avec les nonces apostoliques et les églises locales. Cela se faisait déjà auparavant mais apparaît aujourd'hui au grand jour.
* Le cardinal Giovanni Battista Re, quant à lui – s'il propose sans doute toujours les listes à Jean-Paul II –, continue à nommer des évêques. Hier, l'un d'entre eux a ainsi été officiellement nommé à Nice, Mgr Louis Sankalé.
Ces cardinaux tiennent ainsi les rênes des trois domaines essentiels : spirituel, politique externe et politique interne. Mais l'absence des habituelles interventions publiques vigoureuses de Jean-Paul II sur la situation du monde se ressent comme dans le dossier libanais où, en d'autres temps, le Saint-Siège ne se serait peut-être pas contenté de deux télégrammes de condoléances pour la mort de Rafic Hariri et d'une intervention dans un média mineur du ministre des Affaires étrangères, Mgr Giovanni Lajolo.
La situation actuelle ne durera pas sans provoquer de nouvelles difficultés. Pour autant, quelques projections sur l'avenir se développent à Rome, un avenir qui touche l'au-delà Jean-Paul II. On parle ainsi d'un changement de gouvernement et de la nomination de nouveaux cardinaux. La première hypothèse est très improbable étant donné la fragilité de l'équilibre actuel. Elle est plutôt l'expression des attentes politiques concernant le gouvernement du prochain Pape et en particulier de son premier collaborateur, le secrétaire d'Etat. La seconde hypothèse est aussi politique, mais elle concerne, elle, l'élection du prochain Pape car l'injection de nouveaux cardinaux pourrait changer l'équilibre politique du collège des électeurs. Encore faudrait-il que Jean-Paul II le souhaite et en soit capable. Dans le cas où il le déciderait, si jamais il décédait entre le jour de l'annonce des noms et celui de leur création au cours d'une longue cérémonie sur la place Saint-Pierre, les évêques appelés à de plus hautes fonctions en seraient pour leur grade. Seule la cérémonie leur donne droit à la barrette rouge et à l'entrée dans la chapelle Sixtine pour l'élection.
Sophie de Ravinel
[Le Figaro 29 mars 2005]
Hier à midi sur la place Saint-Pierre, la fenêtre des appartements de Jean-Paul II est restée fermée, à la grande déception des centaines de pèlerins venus recevoir la traditionnelle bénédiction du lundi de Pâques. Le Palais apostolique désert semblait isolé du monde durant ce jour férié où les employés du Vatican, religieux et laïcs, profitent de l'occasion pour déserter la Cité éternelle. L'absence du Pape s'est fait d'autant plus durement ressentir qu'il est apparu dimanche pathétiquement faible.
Cette faiblesse au sommet de l'Eglise catholique provoque de nombreuses questions et critiques en interne, venant bien souvent de ceux qui lui reprochent habituellement son centralisme excessif. Jean-Paul II a quelque peu révolutionné la fonction pontificale par le nombre de ses voyages, de ses interventions et de ses apparitions en public. Le silence, aujourd'hui, est considéré par certains comme une faillite de sa mission.
Cette mission, il ne l'a jamais accomplie seul, mais entouré de ses proches collaborateurs. Leur rôle est devenu évident, mais il ne leur est désormais plus possible de lancer des chantiers d'avenir. Les premiers d'entre eux, les cardinaux de la curie, se répartissent simplement les tâches du gouvernement courant en prenant bien garde de ne pas interférer sur celles du voisin, la communication et la collaboration transversale n'ayant jamais été un point fort du Vatican.
* Le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, développe sa mission d'exhortation spirituelle qu'il juge encore plus nécessaire – au vu de ses derniers prêches – en cette période d'incertitude et trouble qui précède toujours la mort des papes.
* Le cardinal Angelo Sodano, à la tête de la secrétairerie d'Etat, tente de maintenir à flot le rôle politique et diplomatique de l'Etat de la Cité du Vatican. C'est lui qui écrit désormais, exclusivement au nom de Jean-Paul II, les télégrammes envoyés aux chancelleries ou aux autorités religieuses. C'est aussi lui, par exemple, qui reçoit depuis le début février les ambassadeurs auprès du Saint-Siège venus apporter au Pape leurs lettres de créances. Les messages de Jean-Paul II qui leur sont adressés sont rédigés par la secrétairerie d'Etat, en collaboration avec les nonces apostoliques et les églises locales. Cela se faisait déjà auparavant mais apparaît aujourd'hui au grand jour.
* Le cardinal Giovanni Battista Re, quant à lui – s'il propose sans doute toujours les listes à Jean-Paul II –, continue à nommer des évêques. Hier, l'un d'entre eux a ainsi été officiellement nommé à Nice, Mgr Louis Sankalé.
Ces cardinaux tiennent ainsi les rênes des trois domaines essentiels : spirituel, politique externe et politique interne. Mais l'absence des habituelles interventions publiques vigoureuses de Jean-Paul II sur la situation du monde se ressent comme dans le dossier libanais où, en d'autres temps, le Saint-Siège ne se serait peut-être pas contenté de deux télégrammes de condoléances pour la mort de Rafic Hariri et d'une intervention dans un média mineur du ministre des Affaires étrangères, Mgr Giovanni Lajolo.
La situation actuelle ne durera pas sans provoquer de nouvelles difficultés. Pour autant, quelques projections sur l'avenir se développent à Rome, un avenir qui touche l'au-delà Jean-Paul II. On parle ainsi d'un changement de gouvernement et de la nomination de nouveaux cardinaux. La première hypothèse est très improbable étant donné la fragilité de l'équilibre actuel. Elle est plutôt l'expression des attentes politiques concernant le gouvernement du prochain Pape et en particulier de son premier collaborateur, le secrétaire d'Etat. La seconde hypothèse est aussi politique, mais elle concerne, elle, l'élection du prochain Pape car l'injection de nouveaux cardinaux pourrait changer l'équilibre politique du collège des électeurs. Encore faudrait-il que Jean-Paul II le souhaite et en soit capable. Dans le cas où il le déciderait, si jamais il décédait entre le jour de l'annonce des noms et celui de leur création au cours d'une longue cérémonie sur la place Saint-Pierre, les évêques appelés à de plus hautes fonctions en seraient pour leur grade. Seule la cérémonie leur donne droit à la barrette rouge et à l'entrée dans la chapelle Sixtine pour l'élection.
<< Home