Voyage test de Benoît XVI en Amérique latine
De notre envoyé spécial à São Paulo HERVÉ YANNOU.
Publié le 09 mai 2007
Actualisé le 09 mai 2007 : 08h02
Le Pape se rend aujourd'hui au Brésil, où les catholiques reculent face à l'expansion des protestants et à une sécularisation croissante.
BENOÎT XVI s'envole aujourd'hui à la conquête de l'Amérique latine. Pour son premier voyage outre-Atlantique et hors d'Europe, le Pape a choisi le Brésil pour ouvrir, le 13 mai, la cinquième conférence générale de l'épiscopat latino-américain et des Caraïbes réunie dans le coeur spirituel du pays, le sanctuaire marial d'Aparecida, qui attire chaque année huit millions de fidèles.
Ce voyage de quatre jours fait figure de test pour un Pape qui, en deux ans de pontificat, s'est avant tout adressé à l'Europe et davantage soucié de l'Asie et de l'Afrique. Pourtant, le « continent de l'espérance » de Jean-Paul II est au coeur de la géopolitique spirituelle du Vatican. Car en Amérique latine vit près de la moitié du milliard de catholiques. Ils sont moins tentés qu'au siècle dernier par l'élan révolutionnaire de la théologie de la libération. Le nouveau défi est constitué par les petites Églises pentecôtistes, qui grignotent annuellement 1 % à 2 % des fidèles catholiques, et, surtout, par la sécularisation. Les questions de la proximité de l'Église avec les fidèles, la formation de son clergé, sa capacité à proposer des réponses au néolibéralisme et à la mondialisation sur un continent dont 41 % de la population vivent sous le seuil de pauvreté, sont posées. L'Amérique latine attend un signal fort de Benoît XVI et d'une Église encore très européenne, qui perçoit difficilement ses spécificités.
Le message que Benoît XVI délivrera au Brésil devra s'inscrire dans la lignée de ceux de ses prédécesseurs. Paul VI était à Medellín en 1968, lorsque les évêques latino-américains avaient fait le choix de « l'option préférentielle pour les pauvres ». Onze ans plus tard, à Puebla au Mexique, Jean-Paul II devait ouvrir la chasse aux théologiens de la libération inspirés par les théories marxistes. Le pape s'appuya en partie sur l'Opus Dei, peu susceptible de sympathies socialistes.
Chasse aux théologiens de la libération
Le cardinal Ratzinger, alors gardien de la doctrine, fut inflexible contre ces théologiens qui parlaient aux pauvres en présentant un Christ socialement engagé, mais en oubliant sa dimension divine. En mars dernier, le Saint-Siège a condamné les écrits de l'un des derniers champions populaires du mouvement, le jésuite Jon Sobrino. Ces souvenirs collent à l'image du Pape sur un continent qui adule toujours Jean-Paul II, qui le visita dix-neuf fois.
En 1992, à Saint-Domingue, le pape polonais avait adressé une dernière feuille de route aux évêques latino-américains. L'Église catholique commençait à se préoccuper des sectes pentecôtistes, qui n'hésitaient pas à briser des statues de la Vierge et à piétiner les photos du pape. Ces communautés évangéliques - jusqu'à 20 % de la population urbaine - ont gagné des fidèles en intégrant les traditions locales et en prônant une relation directe avec Dieu, loin du système hiérarchique catholique. Le cardinal Ratzinger devait accuser les États-Unis de vouloir « protestantiser » le continent en finançant ces mouvements, comme autant de soutiens aux régimes dictatoriaux.
En quinze ans, le contexte a changé. Les sectes protestantes sont moins agressives ; le nombre des catholiques tend à se stabiliser ; mais ceux qui se déclarent sans religion sont toujours plus nombreux. Politiquement, les dictatures sont tombées. Au Venezuela, en Bolivie, ou encore en Équateur et au Nicaragua, les régimes populistes s'appuient sur la culture précolombienne, plus que sur la tradition catholique. « La théologie indienne », sous l'oeil attentif de Rome, tente de faire le lien entre la culture indigène et le christianisme.
Dépénalisation de l'avortement
Surtout, au Brésil, au Chili, en Uruguay, en Argentine, les gouvernements de gauche prônent une vision laïque de la société. Le 18 février, dans l'un de ses très rares discours consacrés à l'Amérique latine, Benoît XVI a ainsi fait le tableau d'un continent « intégré dans des dynamiques mondiales et de plus en plus conditionné par les effets de la mondialisation ». Il a déploré que « sous la pression des lobbies capables de peser négativement sur les processus législatifs » des lois soient votées contre la famille traditionnelle. Le Vatican s'inquiète de la législation colombienne favorable aux couples homosexuels.
Le Pape a aussi soutenu les évêques mexicains qui promettaient l'excommunication aux députés qui voteraient la dépénalisation de l'avortement. Peine perdue. Benoît XVI se retrouve, là, en terrain connu. Il a fait de la lutte contre le relativisme et le sécularisme le cheval de bataille de son pontificat.
Publié le 09 mai 2007
Actualisé le 09 mai 2007 : 08h02
Le Pape se rend aujourd'hui au Brésil, où les catholiques reculent face à l'expansion des protestants et à une sécularisation croissante.
BENOÎT XVI s'envole aujourd'hui à la conquête de l'Amérique latine. Pour son premier voyage outre-Atlantique et hors d'Europe, le Pape a choisi le Brésil pour ouvrir, le 13 mai, la cinquième conférence générale de l'épiscopat latino-américain et des Caraïbes réunie dans le coeur spirituel du pays, le sanctuaire marial d'Aparecida, qui attire chaque année huit millions de fidèles.
Ce voyage de quatre jours fait figure de test pour un Pape qui, en deux ans de pontificat, s'est avant tout adressé à l'Europe et davantage soucié de l'Asie et de l'Afrique. Pourtant, le « continent de l'espérance » de Jean-Paul II est au coeur de la géopolitique spirituelle du Vatican. Car en Amérique latine vit près de la moitié du milliard de catholiques. Ils sont moins tentés qu'au siècle dernier par l'élan révolutionnaire de la théologie de la libération. Le nouveau défi est constitué par les petites Églises pentecôtistes, qui grignotent annuellement 1 % à 2 % des fidèles catholiques, et, surtout, par la sécularisation. Les questions de la proximité de l'Église avec les fidèles, la formation de son clergé, sa capacité à proposer des réponses au néolibéralisme et à la mondialisation sur un continent dont 41 % de la population vivent sous le seuil de pauvreté, sont posées. L'Amérique latine attend un signal fort de Benoît XVI et d'une Église encore très européenne, qui perçoit difficilement ses spécificités.
Le message que Benoît XVI délivrera au Brésil devra s'inscrire dans la lignée de ceux de ses prédécesseurs. Paul VI était à Medellín en 1968, lorsque les évêques latino-américains avaient fait le choix de « l'option préférentielle pour les pauvres ». Onze ans plus tard, à Puebla au Mexique, Jean-Paul II devait ouvrir la chasse aux théologiens de la libération inspirés par les théories marxistes. Le pape s'appuya en partie sur l'Opus Dei, peu susceptible de sympathies socialistes.
Chasse aux théologiens de la libération
Le cardinal Ratzinger, alors gardien de la doctrine, fut inflexible contre ces théologiens qui parlaient aux pauvres en présentant un Christ socialement engagé, mais en oubliant sa dimension divine. En mars dernier, le Saint-Siège a condamné les écrits de l'un des derniers champions populaires du mouvement, le jésuite Jon Sobrino. Ces souvenirs collent à l'image du Pape sur un continent qui adule toujours Jean-Paul II, qui le visita dix-neuf fois.
En 1992, à Saint-Domingue, le pape polonais avait adressé une dernière feuille de route aux évêques latino-américains. L'Église catholique commençait à se préoccuper des sectes pentecôtistes, qui n'hésitaient pas à briser des statues de la Vierge et à piétiner les photos du pape. Ces communautés évangéliques - jusqu'à 20 % de la population urbaine - ont gagné des fidèles en intégrant les traditions locales et en prônant une relation directe avec Dieu, loin du système hiérarchique catholique. Le cardinal Ratzinger devait accuser les États-Unis de vouloir « protestantiser » le continent en finançant ces mouvements, comme autant de soutiens aux régimes dictatoriaux.
En quinze ans, le contexte a changé. Les sectes protestantes sont moins agressives ; le nombre des catholiques tend à se stabiliser ; mais ceux qui se déclarent sans religion sont toujours plus nombreux. Politiquement, les dictatures sont tombées. Au Venezuela, en Bolivie, ou encore en Équateur et au Nicaragua, les régimes populistes s'appuient sur la culture précolombienne, plus que sur la tradition catholique. « La théologie indienne », sous l'oeil attentif de Rome, tente de faire le lien entre la culture indigène et le christianisme.
Dépénalisation de l'avortement
Surtout, au Brésil, au Chili, en Uruguay, en Argentine, les gouvernements de gauche prônent une vision laïque de la société. Le 18 février, dans l'un de ses très rares discours consacrés à l'Amérique latine, Benoît XVI a ainsi fait le tableau d'un continent « intégré dans des dynamiques mondiales et de plus en plus conditionné par les effets de la mondialisation ». Il a déploré que « sous la pression des lobbies capables de peser négativement sur les processus législatifs » des lois soient votées contre la famille traditionnelle. Le Vatican s'inquiète de la législation colombienne favorable aux couples homosexuels.
Le Pape a aussi soutenu les évêques mexicains qui promettaient l'excommunication aux députés qui voteraient la dépénalisation de l'avortement. Peine perdue. Benoît XVI se retrouve, là, en terrain connu. Il a fait de la lutte contre le relativisme et le sécularisme le cheval de bataille de son pontificat.