L'Eglise catholique autrichienne perd ses fidèles
En dix ans, un demi-million de fidèles auraient déserté
Vienne : Maurin Picard
[LE FIGARO, 28 janvier 2005]
L'Eglise catholique autrichienne est inquiète. D'après des statistiques publiées au début du mois de janvier, 44 856 fidèles l'auraient quittée en 2004. Certains diocèses enregistrent une hausse record de défections, comme le Burgenland (+ 40,7% par rapport à 2003), le Vorarlberg (+ 39,5%), la Carinthie (+ 39%), la Styrie (+ 38,3%) ou encore la Haute-Autriche (+ 35,9%). Seul le Tyrol, à l'ouest, reste assez peu atteint par cette désaffection, d'une ampleur sans égale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Chaque départ de l'église est «particulièrement pénible» pour l'Eglise, soupire Erich Leitenberger, porte-parole du diocèse de Vienne, qui relève que le phénomène semblait se résorber au cours des six premiers mois de 2004, jusqu'à ce qu'une forte augmentation se produise, du fait de «turbulences politico-religieuses».
Allusion à l'affaire du séminaire de Sankt Pölten. Dans cet établissement de Basse-Autriche, à 65 kilomètres à l'ouest de Vienne, la police avait découvert en juin dernier 40 000 clichés pédophiles. Une enquête interne du Vatican avait alors conclu à la complicité passive de l'évêque Kurt Krenn, déjà fort contesté en Autriche pour ses prises de position extrémistes, et entraîné sa démission (nos éditions du 14 juillet 2004).
Une mesure salutaire, mais jugée trop tardive par de nombreux croyants qui peinent à se reconnaître en certains hommes d'Eglise. En 1995, le choc causé par les agissements pédophiles de l'archevêque de Vienne, Hans Hermann Groer, avait déjà provoqué une hémorragie importante. En dix ans, un demi-million de fidèles au total, outrés par ces dérives et les positions arrêtées sur le célibat des prêtres ou la place des femmes au sein de l'Eglise, auraient quitté celle-ci.
Une catastrophe pour ce pays très pieux, catholique à 75%. «A ce rythme, le chiffre pourrait rapidement tomber à 60, voire 50%», prédit le théologien Paul Michael Zulehner, qui avance des racines plus anciennes au mal : d'après lui, les relations des hommes vis-à-vis des institutions religieuses, depuis la révolte étudiante de 1968, «se seraient distendues, au point de devenir facultatives».
L'affaire risque en outre d'entraîner de sérieuses répercussions financières pour le clergé autrichien, auquel tout catholique verse une dîme annuelle de 70 euros, au titre de l'impôt du culte. Le diocèse de Haute-Autriche, constatant la baisse du nombre de souscripteurs, a déjà annoncé que 560 000 euros allaient venir à manquer pour les oeuvres de charité.
Seule mesure entreprise pour stopper cette hémorragie, une lettre a été envoyée à toutes les personnes sur le départ, leur suggérant d'expliquer leur geste et d'écrire personnellement au cardinal Schönborn, un des prélats les plus populaires du pays. Une offre tardive de confession, qui risque fort de s'avérer insuffisante pour ramener toutes les «ouailles égarées» sur les bancs de la maison de Dieu.
Vienne : Maurin Picard
[LE FIGARO, 28 janvier 2005]
L'Eglise catholique autrichienne est inquiète. D'après des statistiques publiées au début du mois de janvier, 44 856 fidèles l'auraient quittée en 2004. Certains diocèses enregistrent une hausse record de défections, comme le Burgenland (+ 40,7% par rapport à 2003), le Vorarlberg (+ 39,5%), la Carinthie (+ 39%), la Styrie (+ 38,3%) ou encore la Haute-Autriche (+ 35,9%). Seul le Tyrol, à l'ouest, reste assez peu atteint par cette désaffection, d'une ampleur sans égale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Chaque départ de l'église est «particulièrement pénible» pour l'Eglise, soupire Erich Leitenberger, porte-parole du diocèse de Vienne, qui relève que le phénomène semblait se résorber au cours des six premiers mois de 2004, jusqu'à ce qu'une forte augmentation se produise, du fait de «turbulences politico-religieuses».
Allusion à l'affaire du séminaire de Sankt Pölten. Dans cet établissement de Basse-Autriche, à 65 kilomètres à l'ouest de Vienne, la police avait découvert en juin dernier 40 000 clichés pédophiles. Une enquête interne du Vatican avait alors conclu à la complicité passive de l'évêque Kurt Krenn, déjà fort contesté en Autriche pour ses prises de position extrémistes, et entraîné sa démission (nos éditions du 14 juillet 2004).
Une mesure salutaire, mais jugée trop tardive par de nombreux croyants qui peinent à se reconnaître en certains hommes d'Eglise. En 1995, le choc causé par les agissements pédophiles de l'archevêque de Vienne, Hans Hermann Groer, avait déjà provoqué une hémorragie importante. En dix ans, un demi-million de fidèles au total, outrés par ces dérives et les positions arrêtées sur le célibat des prêtres ou la place des femmes au sein de l'Eglise, auraient quitté celle-ci.
Une catastrophe pour ce pays très pieux, catholique à 75%. «A ce rythme, le chiffre pourrait rapidement tomber à 60, voire 50%», prédit le théologien Paul Michael Zulehner, qui avance des racines plus anciennes au mal : d'après lui, les relations des hommes vis-à-vis des institutions religieuses, depuis la révolte étudiante de 1968, «se seraient distendues, au point de devenir facultatives».
L'affaire risque en outre d'entraîner de sérieuses répercussions financières pour le clergé autrichien, auquel tout catholique verse une dîme annuelle de 70 euros, au titre de l'impôt du culte. Le diocèse de Haute-Autriche, constatant la baisse du nombre de souscripteurs, a déjà annoncé que 560 000 euros allaient venir à manquer pour les oeuvres de charité.
Seule mesure entreprise pour stopper cette hémorragie, une lettre a été envoyée à toutes les personnes sur le départ, leur suggérant d'expliquer leur geste et d'écrire personnellement au cardinal Schönborn, un des prélats les plus populaires du pays. Une offre tardive de confession, qui risque fort de s'avérer insuffisante pour ramener toutes les «ouailles égarées» sur les bancs de la maison de Dieu.