6.30.2005

La nomination d'un évêque à Shanghaï signe le dégel entre Rome et Pékin

LE MONDE | 30.06.05 | 13h32  •  Mis à jour le 30.06.05 | 13h32

Les choses bougent entre la Chine et le Vatican, sur fond de démentis et de rodomontades. Un fait sans précédent s'est produit à la cathédrale Saint-Ignace de Shanghaï, mardi 28 juin, qui pourrait accréditer l'idée d'un changement d'attitude chinoise sur l'épineuse question des nominations d'évêques. Au cours de la cérémonie qui le consacrait comme évêque auxiliaire de Shanghaï, Mgr Joseph Xing Wenzhi, 42 ans, a révélé, devant 2 500 fidèles et des dignitaires du régime, que sa nomination avait été le fruit d'un accord entre le Vatican et les autorités de Pékin.
Cette information, aussitôt diffusée par l'agence Asianews, a été démentie, mercredi 29 juin, par un responsable du Bureau des affaires religieuses de Shanghaï. Démenti embarrassé: Mgr Xing aurait été choisi par l'Eglise catholique (officielle) de Shanghaï et sa nomination approuvée par un "collège des évêques de l'Eglise catholique chinoise" . Notion floue, suivie de cette mise au point : "Cela n'a rien à voir avec le Vatican."
Selon l'agence Eglises d'Asie à Paris, qui tient ses informations du diocèse de Shanghaï, le nouvel évêque a bien été élu, le 17 mai, par un collège de prêtres, de religieux et de laïcs. Mais il a aussi reçu l'assentiment de Rome. Et la présence à la cérémonie de représentants politiques du régime confirme que Pékin n'a pas émis d'objection à cette nomination. A Hongkong, Mgr Zen Ze-kiun, célèbre militant des droits de l'homme, a confirmé le fait : si des évêques "officiels" ont déjà pu être ordonnés, dans le passé, avec le consentement de Rome, c'est la première fois qu'un tel accord est rendu public.
L'enjeu dépasse le cas singulier de ce jeune évêque auxiliaire, Mgr Xing. Shanghaï est le plus grand centre catholique de Chine, avec un clergé nombreux (130 prêtres), un grand séminaire et un centre de dévotion mariale à Sheshan. Et c'est la seule ville où cohabitent, au su de tous, deux évêques très âgés et malades : Aloysius Jin Luxian, jésuite, évêque de l'Eglise "officielle" (depuis 1998), et Joseph Fan Zhongliang, évêque de l'Eglise "clandestine", le seul qui soit soutenu par Rome, très étroitement surveillé par la police.

VERS UNE RÉUNIFICATION

Ce qui se joue avec la nomination d'un jeune évêque auxiliaire à Shanghaï est bien la succession de ces deux hommes et la réunification des deux Eglises. C'est Mgr Jin Luxian, 89 ans, qui a lui-même vendu la mèche à Associated Press, le 23 juin. Il a affirmé que Mgr Joseph Xin était "un bon évêque qui prendra ma succession" et qu'un accord tacite était déjà intervenu entre Rome et Pékin, aux termes duquel Rome ne nommera pas de successeur à l'évêque "clandestin", Mgr Fan, atteint de la maladie d'Alzheimer. "Après sa mort, il n'y aura ainsi plus de division" , s'engage Mgr Jin Luxian. La réunification des catholiques de Chine - 5 millions dans l'Association des catholiques patriotiques (officielle) et de 5 à 10 millions de "clandestins" - est donc à l'ordre du jour. Son sort repose sur les épaules de ce nouvel évêque de Shanghaï, Mgr Joseph Xing, né en 1963 dans le diocèse de Zhoucun, entré au séminaire de Sheshan en 1983 et ordonné prêtre en 1990. En 2003-2004, il a séjourné à New York auprès de la société missionnaire des Maryknoll, où il passe pour "un homme de prière, à la foi profonde et au jugement sûr". Il a accompagné Mgr Jin Luxian dans plusieurs voyages en Australie, en Europe, à Hongkong et aux Philippines.
Le rétablissement des relations diplomatiques entre Pékin et le Vatican est une affaire autrement plus complexe. En avril, le gouvernement chinois avait salué l'élection de Benoît XVI, mais aussi rappelé qu'il mettait comme préalable à tout dialogue l'abandon par le Vatican de ses relations avec Taïwan. "Les difficultés ne sont pas insurmontables" , a pourtant affirmé Mgr Giovanni Lajolo, ministre des affaires étrangères du pape, le 17 juin, lors d'une visite à Singapour : "Comment ne pourrions-nous pas reconnaître un pays où vivent 1,3 milliard de personnes, avec sa tradition de culture et de pensée ?" Mais il a rappelé le préalable du Saint-Siège : la reconnaissance par Pékin de la liberté de religion. De nombreux prêtres et évêques clandestins se trouvent encore en prison. Le culte se déroule de manière clandestine dans des appartements ou des parkings.
Pour les observateurs, les déclarations de Mgr Lajolo, comme les signaux venus de Pékin, laissent penser que le contact a bien été rétabli, même si les questions de fond comme la liberté religieuse et la procédure de nomination des évêques n'ont pas encore reçu de réponse.

Henri Tincq
Article paru dans l'édition du 01.07.05

6.29.2005

Benoît XVI insiste sur l'unité de l'Eglise garante de son indépendance

AFP 29.06.05 | 11h32

Le pape Benoît XVI a insisté mercredi sur la nécessité de maintenir l'unité de l'Eglise pour garantir son "indépendance interne", en remettant le pallium, insigne de leur fonction, à 32 évêques et archevêques du monde entier lors d'une célébration en la basilique Saint-Pierre au Vatican.
Benoît XVI a souligné que le ministère du pape est "la garantie visible" de cette unité de l'Eglise, dans son homélie prononcée à l'occasion de la fête des apôtres Pierre et Paul, patrons de l'Eglise.
Le ministère du pape "réunit visiblement l'Eglise de tous lieux et de tous les temps, défendant ainsi chacun de nous contre les dérapages vers une fausse autonomie, qui se transforment trop facilement en particularismes et peuvent compromettre l'indépendance interne de l'Eglise", a-t-il déclaré.
Benoît XVI a salué la présence à la célébration d'une délégation de l'Eglise orthodoxe de Constantinople, et a mis l'accent sur ce qui unit catholique et orthodoxes au delà des divergence sur l'interprétation du ministère du pape.
"Dans ce monde plein de scepticisme et de doute, mais aussi riche du désir de Dieu, nous reconnaissons de façon renouvelée notre mission de témoigner ensemble du Christ Sauveur", a-t-il souligné.
Benoît XVI a ouvert son pontificat, initié le 19 avril, en s'engageant à oeuvrer à la réconciliation des Eglises chrétiennes issues des schismes qui ont ponctué 2000 ans de christianisme.
Deux Français figurent parmi les prélats qui ont reçu le pallium (une bande de tissu) des mains de Benoît XVI: Mgr André Vingt-Trois, ancien archevêque de Tours devenu archevêque de Paris, et Mgr Nicolas Aubertin, ancien évêque de Chartres qui a succédé à Mgr Vingt-Trois à Tours.
L'ancien secrétaire particulier de Jean Paul II, Mgr Stanislaw Dziwisz, que Benoît XVI vient de nommer archevêque de Cracovie, a également reçu le pallium, sous les applaudissements nourris de l'assistance réunie dans la basilique.
Le pape Joseph Ratzinger a par ailleurs vanté dans son homélie le catéchisme résumé de l'Eglise catholique, paru mardi, dont il a été le rédacteur en chef alors qu'il était préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi.
"On ne peut pas lire ce livre comme un roman", "il faut le méditer avec calme", a-t-il souligné, en espérant "qu'il puisse devenir un bon guide de la transmission de la foi".
Ce livre de 205 pages donne en 598 questions-réponses l'essentiel de la foi et des dogmes catholiques. Si le contenu est conforme aux enseignements du concile Vatican II, sa forme renoue avec la méthode d'enseignement du catéchisme d'autrefois.

Une jeunesse du IIIe Reich

Grand Angle

Joseph Ratzinger avait 12 ans en 1939. Comme ceux de sa génération, le futur pape, inscrit au séminaire à Traunstein, en Bavière, fut membre des Jeunesses hitlériennes. Nulle trace de révolte, ni à l'époque, ni après, lorsqu'il évoquera ces années sombres. Enquête.

Par Odile BENYAHIA-KOUIDER
mercredi 29 juin 2005


Traunstein, Ratisbonne (Allemagne) envoyée spéciale

Les rues de Traunstein sont étonnamment dépouillées. Aucun signe papal à l'horizon. Pas de poster géant, ni de tee-shirt à l'effigie de Benoît XVI, alias cardinal Joseph Ratzinger, comme on en trouve dans les villes de pèlerinage. Pas de «gelée papale» ou de « bière Ratzinger» comme à Marktl am Inn, la ville natale du souverain pontife. Pourtant, de toutes les communes bavaroises où Ratzinger a passé son enfance, Traunstein est la plus emblématique. C'est dans cette petite ville de Haute-Bavière, située à trente kilomètres de Salzbourg (Autriche), qu'il a fait ses débuts au séminaire. C'est là qu'il a vécu la guerre. Et c'est là aussi qu'il est entré aux Jeunesses hitlériennes.
Soixante ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Vatican a élu un pape allemand. La presse britannique l'a aussitôt qualifié de «Panzer Papa», «Gottes Rottweiler» (le rottweiler de Dieu), et de «Kraut», c'est-à-dire «chou», légume que les Anglais associent à Hitler. Benoît XVI, un nazi ? De fait, comme tous les enfants de sa génération, le futur pape a été enrôlé dans le mouvement de jeunesse fondé par Hitler en 1922. Dans deux de ses ouvrages, le Sel de la terre et Ma Vie : souvenirs, celui qui n'était alors que le cardinal Ratzinger a évoqué son appartenance aux «HJ» (Hitler Jugend). Mais l'engagement ne fut pas volontaire, et à Traunstein, historiens, archivistes, prêtres, amis d'enfance, jugent l'accusation «absurde».

Un père très catholique et antinazi

Né le 16 avril 1927 par un samedi saint glacial, Joseph Ratzinger junior est le troisième et dernier enfant de Maria et Joseph Ratzinger. Quand Adolf Hitler, originaire du village autrichien tout proche de Braunau am Inn, arrive au pouvoir en 1933, les frères Ratzinger - Georg, également prêtre, qui dirigera pendant trente ans les choeurs de la cathédrale de Ratisbonne, et Joseph - ont 8 et 5 ans. Dans cette famille très religieuse, la politique païenne du Führer passe mal. Le père lit Der gerade Weg, un journal antinazi, rempli de caricatures de Hitler, écrit le cardinal Ratzinger dans le Sel de la terre. Quasiment en fin de carrière - il est gendarme -, Joseph Ratzinger senior aurait, selon ses fils, très mal vécu la montée en puissance du NSDAP (le parti nazi), et se serait mis en congé maladie pour éviter de mettre sa famille en danger. A l'abri de sa maison au crépi rose, au pied de la cathédrale de Ratisbonne, Georg Ratzinger, 81 ans, se rappelle aujourd'hui que leur père «avait réussi à acheter une petite radio pour écouter les informations libres diffusées depuis Katowice et Londres».
«Le nazisme allait contre les convictions de catholique très pratiquant de Joseph Ratzinger, confirme Fritz Haselbeck, archiviste de la commune de Traunstein. Non seulement il allait à la messe en semaine mais il y allait aussi trois fois le dimanche. Ce qui même dans la très catholique Bavière était un régime sévère.» Du côté maternel, pas de prêtres. Mais le grand-père a oeuvré à la construction d'une église à Rimsting, sur le lac bavarois de Chiemsee. Du côté paternel, la généalogie regorge d'ecclésiastiques. Le plus célèbre étant Georg Ratzinger, grand-oncle du pape, député du Parlement régional de Bavière et du Reichstag qui, au XIXe siècle, a défendu les droits des paysans bavarois et s'est battu contre le travail des enfants. Chez les Ratzinger, on ne compte ni communiste, ni résistant, ni prêtres réfractaires à l'ordre nazi au point d'être expédié à Dachau.

Deux hauts faits à Traunstein

Dans son dernier film, le Neuvième Jour, Volker Schlöndorff a montré ce que certains de ces prêtres allemands avaient enduré. Traunstein a vécu l'un de ces épisodes traumatiques. En 1934, Josef Stelzle, le curé de la paroisse, fut arrêté pour avoir refusé de faire le salut hitlérien et avoir osé contrer les idées nazies en prêchant l'égalité des hommes devant le Christ. En signe de protestation, les habitants décrochèrent le battant de l'église Saint-Oswald pour empêcher les cloches de sonner. Le curé put revenir, mais pas officier. L'autre épisode glorieux de la ville se situe en 1941, quand les femmes de Traunstein manifestèrent parce que le NSDAP voulait retirer toutes les croix des écoles.
Car, si dans les grandes villes de Bavière, comme Munich, le mouvement national-socialiste a séduit d'emblée une partie du prolétariat touché par le chômage, les paysans et propriétaires terriens de la Haute-Bavière ont eu une attitude plus mitigée, alors même que Hitler avait installé son nid d'aigle à Berchtesgaden, à 60 km au sud de Traunstein. «Au début des années 20, ils ont vu en Hitler un conservateur nationaliste anti-SPD, anti-KPD (communistes, ndlr) et antiprussien, explique l'historien local Gerd Evers. Mais ensuite ils ont été rebutés par ses valeurs antichrétiennes, de sorte qu'aux élections législatives du 5 mars 1933, le NSDAP n'a pas obtenu la majorité absolue à Traunstein.» Le parti de Hitler a recueilli 31,3 % des voix contre 46 % au niveau national, devancé par le Parti populaire bavarois (BVP), ancêtre de la CSU.

«Jeunesse hitlérienne obligatoire»

En 1939, Joseph Ratzinger a 12 ans. Il est décidé qu'il ira au séminaire, avec son frère aîné. Levés à 5 heures, les séminaristes vont à la messe, puis à l'étude, avant de petit-déjeuner et d'entamer leur journée à l'école communale avec les autres enfants de Traunstein. Le 25 mars de cette même année, l'Etat nazi promulgue une loi obligeant tous les enfants de 10 à 18 ans à rentrer dans les Jeunesses hitlériennes sous peine d'emprisonnement pour les parents récalcitrants. Le séminaire de Traunstein, qui jusque-là avait refusé d'envoyer ses ouailles servir le régime, obtempère. Les élèves qui se destinent à passer le baccalauréat sont très surveillés. «Les HJ étaient l'une des six branches du NSDAP», explique l'historien Michael Buddrus, qui a consacré une volumineuse étude au sujet (1). «L'objectif était de former les esprits dès l'enfance pour construire un Etat totalement SS, car les nazis savaient qu'ils ne pouvaient pas emporter l'adhésion totale chez les plus âgés.»
La première génération de HJ, celle qui s'était engagée volontairement à partir de 1933 et formait des cadres pour les SA et les SS, était qualifiée de Stamm HJ, c'est-à-dire les «Jeunesses hitlériennes de souche». Tandis que la Pflicht HJ, la Jeunesse hitlérienne obligatoire - celle de Joseph Ratzinger - comprenait tous ceux qui ne s'étaient pas encore inscrits. Ces derniers n'étaient pas obligés de se faire confectionner un uniforme car leur «service» était beaucoup plus limité que celui des «vraies» Jeunesses hitlériennes. «On leur demandait juste d'aider à ramasser du bois dans la forêt, ou autre tâche subalterne», raconte Herbert Kaiser, 76 ans, qui a connu le pape dans la cour de récréation. «Ils ne participaient pas aux parades, aux marches hebdomadaires, ils n'avaient pas de cours de formation dans les secteurs de la marine, de l'aviation ou de l'information.» Il ne s'agissait pas de se mettre à dos la population, mais au contraire de la convaincre des bienfaits de l'idéologie nazie. «D'abord il y avait un appel interminable, se souvient Georg Ratzinger. Puis nous marchions pendant des heures dans la forêt, par rangées de trois, en chantant des chansons nazies. Ensuite nous revenions en ville, et c'était fini.»

Pas de traces de révolte enfantine

Dans ses écrits, le pape dit être entré dans les HJ en 1941, à l'âge de 14 ans. Au terme de la loi, il aurait déjà dû être membre des Jungvolk. Mais le groupe des «10-14 ans» n'avait pas d'appel, de sorte que les contrôles étaient plus lâches. A partir de 14 ans, en revanche, la formation, qui comprenait aussi des cours sur les races, devenait plus intensive. Selon le dernier chiffre disponible, les HJ comprenaient en mai 1939 8,7 millions de jeunes Allemands, soit 85,1 % de la population de 10 à 18 ans. Parmi les 15% restants se trouvaient les non-inscrits, les apprentis dispensés en raison de leurs horaires de travail, ceux qui se faisaient porter malade, et ceux que le Reich n'estimait pas assez forts. «Dans les grandes villes, on pouvait peut-être passer entre les gouttes, estime Alfred Staller, 75 ans. Mais à Traunstein, tout le monde se connaissait. Et l'organisation était assez souple.» Le cardinal Ratzinger raconte que son professeur de maths, qui était pourtant nazi, lui a conseillé d'y aller une fois ou deux, pour être tranquille. En 1943, le séminaire a été transformé en hôpital militaire, et le futur pape n'a plus remis un pied aux HJ.
Sur ses sentiments, sur ses pensées, Joseph Ratzinger n'a pas écrit grand-chose. Aucune mention du sort fait aux Juifs. Pas de trace de révolte enfantine ou de nausée comme celle décrite par l'écrivain autrichien Thomas Bernhard (qui a passé lui aussi son enfance à Traunstein) dans son roman autobiographique Un enfant. Le garçon de 9 ans poussé par sa famille à entrer en 1939 dans les Jungvolk marquait son opposition en n'exécutant pas correctement le salut nazi, ce qui lui valait des châtiments corporels. Considérés comme très réservés et très fermés sur leur famille, les frères Ratzinger, d'après leurs camarades de l'époque, avaient adopté une attitude en public «neutre». De sorte que ni eux, ni leur famille n'ont jamais été inquiétés.
En 1943, comme tous les élèves de sa classe, Joseph Ratzinger a été incorporé d'office comme auxiliaire de la DCA (défense antiaérienne) à Munich. En septembre 1944, il entre dans la Wehrmacht sous les ordres de la légion autrichienne qu'il qualifie dans ses écrits de «vieux nazis» et d'«idéologues fanatiques qui [les] tyrannisaient fortement». Un jour, ils le sortirent de son lit pour lui demander de se porter volontaire pour entrer dans les SS. Après avoir expliqué qu'il voulait devenir prêtre, il dit avoir été «congédié à coups d'insultes et de moqueries (...) mais ces insultes avaient bon goût, car elles nous libéraient de la menace de nous porter soi-disant volontaires et de toutes les conséquences que cela impliquait.» Ce sont ses seuls commentaires critiques sur la période nazie.
Profitant du chaos qui règne dans les troupes à l'approche des Alliés, Joseph Ratzinger, 18 ans, quitte l'armée et rentre chez lui début mai 1945. Identifié comme soldat, les Américains l'internent dans un camp avant de le libérer le 19 juin 1945. Egalement fait prisonnier, son frère Georg revient un mois plus tard. Les frères Ratzinger n'étaient certainement pas des nazis. Mais, comme les millions d'Allemands nés avant 1930, ils ont servi le IIIe Reich.

(1) Michael Buddrus, Totale Erziehung für den Krieg. Hitlerjugend und nationalsozialistische Jugendpolitik, Munich, K.G. Saur Verlag, 2003.

 http://www.liberation.fr/page.php?Article=307454

6.28.2005

Le procès en béatification de Jean-Paul II s'ouvre ce soir

VATICAN Le vicaire de Rome, Camillo Ruini, célébrera le début officiel de la procédure en la basilique Saint-Jean de Latran

Le Vatican : Hervé Yannou
[Le Figaro, 28 juin 2005]

Benoît XVI avait annoncé que pout Jean-Paul II il dérogerait à la règle selon laquelle un procès de ce type ne peut débuter que cinq ans après la mort d'un individu. 

«Santo subito», criaient les fidèles place Saint-Pierre lors des funérailles de Jean-Paul II. Ce soir, dans la basilique Saint-Jean de Latran, le cardinal Camillo Ruini, vicaire de Rome, ouvrira officiellement la phase diocésaine de son procès en béatification. Le 13 mai dernier, jour anniversaire de l'attentat de 1981 qui faillit coûter la vie à son prédécesseur, Benoît XVI annonçait qu'il dérogeait à la règle selon laquelle un procès de ce type ne peut débuter que cinq ans après la mort d'un individu. Seuls 85 jours auront été nécessaires pour que l'enquête débute. Un record dans l'histoire moderne de l'Eglise catholique, auparavant détenu par Mère Teresa, béatifiée en 2003. Son procès s'était ouvert en 1998, un an après sa mort.
Pour Salwomir Oder, prêtre polonais de Rome nommé postulateur de la cause – une sorte de juge d'instruction –, il est «absolument impossible» d'estimer combien de temps durera le procès. Le processus est long et tenu par le secret que jureront d'observer ce soir les avocats canonistes et les notaires apostoliques chargés de l'enquête. Ces juges incorruptibles – ils ne peuvent accepter aucune forme de don – doivent garder jalousement le nombre et l'identité des personnes appelées à témoigner de la vie et du gouvernement de Jean-Paul II. Cardinaux et laïcs, non-catholiques, hommes politiques et amis du pape seront nombreux à se succéder à la barre. Leur interrogatoire à huis clos pourrait commencer dès septembre. L'un des premiers témoins sera Mgr Stanislas Dziwisz, nouvel archevêque de Cracovie et secrétaire particulier de Jean-Paul II durant près de quarante ans. Il y a quelques semaines, il a avoué avoir conservé des papiers privés du pontife. Il est prêt à les remettre aux enquêteurs, ainsi que le journal qu'il a rédigé. Quant à Benoît XVI, qui a servi Karol Wojtyla durant vingt-quatre ans, il ne peut être à la fois juge et témoin.
Dans ce procès, tout le monde aura le droit à la parole. Le 18 mai dernier, jour du 85e anniversaire de Karol Wojtyla, le cardinal Ruini avait signé un édit appelant à faire connaître tous les témoignages et les écrits favorables, ou défavorables, à la «réputation de sainteté» de Jean-Paul II. Un site Internet a été créé pour participer au procès et faire connaître les «grâces reçues» du pape *. 22 000 personnes sont déjà venues le visiter. Une souscription est aussi ouverte, car le procès coûtera cher.
En plus des témoins, près de 630 documents seraient d'ores et déjà réunis. Il revient aux enquêteurs romains de les compiler et de les adresser au Vatican. La Congrégation pour la cause des saints consultera à son tour des collèges et des commissions de théologiens, d'historiens et de médecins pour le miracle posthume nécessaire à toute béatification. Ceux accomplis par Jean-Paul II de son vivant ne suffisent pas. Enfin, la décision finale reviendra au Pape. Il décidera si le plus grand «faiseur de saints» de l'histoire rejoindra sur les autels les 1 342 béatifiés et les 483 canonisés de son pontificat.


* www.beatificazionegiovannipaoloII.org

6.27.2005

Benoît XVI : Désinformation et AFP

Le Salon Beige, Blog quotidien d'actualité par des laïcs catholiques le 27 juin 2005
06:46

Le Compendium, résumé du catéchisme de l'Eglise catholique, est l'objet aujourd'hui d'une dépêche AFP, relayée par La Croix, sous le titre : "Benoît XVI présente le résumé des interdits de l'Eglise pour les JMJ".
Dans un premier temps, le Compendium est annoncé depuis longtemps, puisque le travail a été initié par Jean-Paul II qui, en 2002, en avait fixé la parution à la Fête de Saint Pierre et Saint Paul (29 juin) 2005 : il n'a pas été fait par Benoît XVI pour les JMJ, comme c'est sous-entendu dans l'article.
Ensuite, le compendium n'est pas — au même titre que le catéchisme — un ramassis d'interdits, mais l'enseignement de l'Eglise composé essentiellement de "oui" à l'amour de Dieu par une pensée et des actes conformes à Sa volonté et à la nature qu'il a créée.
"Homosexualité, union libre, masturbation, fornication, adultère, pédophilie, prostitution, condamnés au titre des dix commandements, sont quelques-uns des nombreux interdits repris dans ce résumé de l'enseignement du dogme catholique." Voulant sans doute choquer les obsédés sexuels par cette phrase, l'auteur de l'AFP a l'air de découvrir une infime partie de ce que l'Eglise a toujours enseigné et en est encore à vanter les slogans ringards des soixanthuitards : "il est interdit d'interdire", "mort au père", derniers sursauts d'une idéologie totalement discréditée et qui n'intéresse plus personne.
Enfin, le clou de l'intox se trouve dans la subversion de cette phrase : "Benoît XVI a souhaité que ce document soit placé dans les sacs à dos des 850.000 participants attendus pour les Journées mondiales de la jeunesse organisées du 15 au 21 août à Cologne, en Allemagne, son pays natal, a-t-on appris de source vaticane." Autrement dit : de manière autoritaire, le Pape impose sa doctrine à leur insu aux pauvres jeunes venus en Allemange en août.
Seul commentaire car nous serions ravis, nous, de revenir des JMj avec ce beau cadeau de Benoît XVI qui comme chef de l'Eglise, Une et Sainte, nous offrirait "ce Compendium (qui) constitue un moyen de répondre à la faim de vérité de tant d'hommes (VIS)", qu'ils soient croyants ou pas, journalistes ou pas!

Lahire

Benoît XVI présentera mardi le résumé des interdits de l'Eglise

Bron: Belga

27/6/2005 18:34

ROME 27/06 (BELGA/AG) = Le pape Benoît XVI rendra public mardi le résumé du catéchisme de Jean Paul II, synthèse de la doctrine et de tous les interdits de l'Eglise, afin d'en munir les participants des prochaines Journées mondiales de la Jeunesse. Homosexualité, union libre, masturbation, fornication, adultère, pédophilie, prostitution, condamnés au titre des dix commandements, sont quelques-uns des nombreux interdits repris dans ce résumé de l'enseignement du dogme catholique. Benoît XVI a souhaité que ce document soit placé dans les sacs à dos des 850.000 participants attendus pour les Journées mondiales de la jeunesse organisée du 15 au 21 août à Cologne, en Allemagne, son pays natal, a-t-on appris de source vaticane. Le pape présidera la publication de ce résumé du catéchisme au cours d'une cérémonie au Vatican mardi à 11h00 et il remettra personnellement un exemplaire du document à "quinze représentants du peuple de Dieu": un cardinal, l'Autrichien Cristoph Schönborn, un évêque, un prêtre, un diacre, un ecclésiastique, une religieuse, une famille italienne de trois personnes, deux jeunes, deux enfants, trois catéchistes et un laïc. (GFR)

Jean-Paul II, la béatification est engagée

La Croix, 28-06-2005

Mardi 28 juin, à Rome, moins de trois mois après son décès, doit débuter l’enquête diocésaine sur la réputation de sainteté de Karol Wojtyla. La route vers la béatification pourrait être longue, malgré les impatiences exprimées lors de ses obsèques
Le doyen des cardinaux avait centré son homélie sur les «oui» successifs de Karol Wojtyla à l’appel du Christ à Simon-Pierre : «Suis-moi !» Pas de doute, ajoutait-il, «notre pape bien-aimé est maintenant à la fenêtre de la maison du Père, il nous voit et il nous bénit».
Puis, comme une conséquence naturelle des mots du cardinal Joseph Ratzinger, des banderoles ont surgi entre les bras de la colonnade du Bernin et sur tous les sites de Rome où l’on suivait sur écrans géants les obsèques de Jean-Paul II : «Santo subito», saint tout de suite !
Toutes les mêmes, toutes écrites de la même façon. Le cri n’était pas tout à fait spontané, mais ce vendredi 8 avril l’émotion étreignait Rome et les catholiques réunis pour prier à travers le monde, et l’appel organisé par les Focolari rencontrait un réel acquiescement populaire.
Le long applaudissement qui avait marqué l’arrivée sur la place du cercueil de cyprès revenait, cette fois, comme une approbation et l’on entendait scander «Santo, santo». Dans une presse italienne qui fait le lendemain matin ses gros titres avec ce «Santo subito», plusieurs cardinaux s’enflamment.
Le cardinal Francesco Marchisano notamment : l’archiprêtre de la basilique vaticane affirme tout de go qu’il a été guéri d’une tumeur à la gorge après avoir été touché par Jean-Paul II. Les miracles supposés ne manquent d’ailleurs pas : un adolescent africain prétend avoir été guéri d’une tumeur après avoir prié avec un chapelet béni par le pape lors d’une audience ; une femme aurait retrouvé la vue après avoir baisé la main de Jean-Paul II lors d’une autre audience.
Même le secrétaire du pape s’en mêle : Mgr Dziwisz parle de la guérison en 2002 de quelqu’un ayant reçu la communion des mains du pape. Mais on est toujours sous le coup de l’émotion : pour être reconnu valide à l’appui d’une cause de béatification, le fameux miracle doit avoir eu lieu après la mort du serviteur de Dieu.

Une pétition signée par de nombreux cardinaux

Plus significative, sans doute, est la pétition qu’ont signée de nombreux cardinaux pendant la période des congrégations générales avant le conclave. Certes 170 des 183 cardinaux vivants à l’ouverture du conclave ont été créés par Jean-Paul II. Mais une telle démarche groupée de cardinaux est tout de même très inhabituelle.
Il y a bien longtemps que l’Église a mis fin aux canonisations populaires du haut Moyen Âge et enquête précautionneusement avant d’autoriser le culte d’un saint. Cela évite emballements et manipulations éventuelles. On est donc quelque peu surpris d’entendre le préfet de la Congrégation des causes des saints lui-même dire au soir de l’annonce de l’ouverture de la cause de béatification de Jean-Paul II : «Vox populi vox dei. Quand le peuple considère qu’une personne est sainte, cela veut dire qu’elle l’est vraiment.»
Le cardinal José Saraiva Martins ajoute même qu’il a ressenti, en regardant parmi les innombrables lettres et e-mails reçus par sa congrégation – «vraiment l’expression d’un sens commun», dit-il – la même impression que pour Mère Teresa.
On y trouve des demandes de nombreux non-croyants ou de croyants d’autres religions qui ne connaissent pas le vocabulaire chrétien, mais demandent quelque chose d’équivalent à la proclamation de la sainteté pour Jean-Paul II.
Le cardinal portugais garde d’ailleurs très bien ses secrets. Le 2 mai, à l’occasion de la présentation d’un livre consacré à «Jean-Paul II et les saints», il dit avoir été heureusement surpris du mouvement populaire pour la cause du pape défunt, mais rappelle qu’il faut «attendre cinq ans après la mort à moins que le pape Benoît XVI dispense de ce délai pour l’ouverture du procès», dispense qui ne changerait d’ailleurs rien au cheminement lui-même de la cause.
«Il faut respecter les temps, dit-il à l’agence de presse Zénith, rechercher toute la documentation et faire les choses pas à pas.» Or, la dispense, il sait parfaitement que le pape va la donner. Le cardinal Camille Ruini, qui en tant que vicaire du pape pour le diocèse de Rome sera chargé d’ouvrir officiellement la cause ce mardi 28 juin à Saint-Jean-de-Latran, est venu la demander lors de sa première audience chez le nouveau pape le 28 avril.

Jamais aucune cause n’a été ouverte aussi vite

«Je voudrais vous donner une information…» Benoît XVI vient de terminer son discours au clergé de Rome réuni le vendredi 13 mai dans Saint-Jean-de-Latran, sa cathédrale diocésaine, pour une première rencontre avec son nouvel évêque. Et le pape commence à lire un texte en latin qui déclenche un tonnerre d’applaudissements. «Je vois que vous savez le latin», plaisante Benoît XVI. Ils le savent suffisamment pour avoir reconnu ce dont il s’agit à travers les mots serviteur de Dieu, Jean-Paul II, béatification et canonisation. Le pape vient d’autoriser l’ouverture du procès diocésain pour la béatification du pape défunt.
Formellement, il s’agit d’un rescrit (réponse à une supplique) du cardinal Saraiva Martins adressé au cardinal Ruini, par lequel il l’informe que «considérant le contexte particulier», le pape «a dispensé du délai de cinq ans après la mort du Serviteur de Dieu Jean-Paul II (Karol Wojtyla), Souverain Pontife, de sorte que la cause de béatification et de canonisation peut s’ouvrir aussitôt».
Antoine de Padoue avait certes été canonisé un an après sa mort, mais depuis que Sixte Quint avait instauré, en 1588, la procédure moderne de canonisation, jamais aucune cause n’a été ouverte aussi vite.
Dans les normes publiées en 1983 à la suite de la constitution apostolique Divinus perfectionis magister, Jean-Paul II avait ramené de trente ans (code de droit canonique de 1917) à cinq ans après la mort du candidat le délai requis pour l’ouverture d’une cause. Mais il avait lui-même transgressé cette règle en autorisant en 1999 le procès diocésain deux ans seulement après la mort de Mère Teresa.
Ouvert officiellement par le cardinal Ruini mardi 28 juin à Saint-Jean-de-Latran, le procès en béatification de Jean-Paul II devrait cependant, s’il est conduit dans les règles, prendre du temps. La procédure, très détaillée et très formelle, prévoit en effet, et dans cet ordre, l’examen de tous les écrits publiés, puis l’audition de tous les témoins susceptibles d’apporter les informations nécessaires.
Les seuls écrits officiels de Jean-Paul II représentent 55 volumes d’actes du Saint-Siège auxquels il faut ajouter ses écrits personnels publiés et sans doute des milliers de lettres et documents privés divers. La Croix pourra ainsi fournir le texte de l’entretien que le pape lui avait accordée en 1997 à la veille des JMJ de Paris.
Mgr Stanislas Dziwisz a, lui, déjà fait savoir qu’il n’avait pas brûlé les papiers personnels du pape, comme celui-ci l’avait souhaité, considérant qu’ils intéressaient tous les fidèles.
Quant aux témoins, le premier d’entre eux sera Benoît XVI lui-même, au titre des vingt-quatre années pendant lesquelles il fut l’un de ses plus proches collaborateurs. Son audition sera sans doute une première. Mais la liste des personnes à entendre pourrait être longue. On la connaîtra mardi 28 juin puisqu’elle sera présentée lors de la cérémonie d’ouverture de la cause, en même temps que sera dite pour la première fois la prière «pour implorer des grâces par l’intercession du serviteur de Dieu, le pape Jean-Paul II».
Celui-ci, qui avait voulu donner aux hommes de ce temps des figures de référence pour mener une vie la plus proche possible de l’Évangile, sera bientôt honoré comme l’une d’elles, lui dont toute la vie, jusque dans sa mort, a été à l’image de ce qu’il enseignait.

Yves Pitette, à Rome
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