7.27.2005

Incident diplomatique avec Israël

[Le Figaro, 27 juillet 2005]

Premier incident diplomatique après cent jours de pontificat. Lundi, Benoît XVI s'est fait épingler par Tel Aviv pour avoir oublié de citer, la veille, Israël parmi les pays touchés par le terrorisme. Le nonce apostolique a été convoqué. Une première depuis cinq ans. Le gouvernement israélien considère qu'une telle lacune «renforce les extrémistes» et «fragilise les modérés».
Le Vatican s'est dit «surpris» de cette réaction et étonné qu'on est trouvé «un prétexte» pour «déformer» les propos du Pape. Agacé le Saint-Siège a répondu que, «évidemment», Benoît XVI dénonçait tous les attentats. Derrière ce malentendu, il y a aussi le lent accouchement de l'accord sur le statut fiscal et juridique de l'Eglise en Terre Sainte. La dernière réunion devait avoir lieu lundi. Elle a été renvoyée.

Le Pape veut promouvoir le dialogue avec l'Islam

H. Y.
[Le Figaro, 27 juillet 2005]

Après les attentats de Londres, le fondamentalisme religieux et la lutte contre le terrorisme apparaissent plus que jamais comme des défis majeurs du nouveau pontificat. Benoît XVI compte sur sa visite d'une mosquée et sa rencontre avec des musulmans, lors de son séjour à Cologne, pour progresser dans cette lutte. Mais il l'a rappelé dimanche, dans ce combat, «l'Europe sans frontières» doit être consciente de son unité spirituelle fondée sur des valeurs chrétiennes, où «la foi et la raison» doivent coopérer avec «un dialogue fécond» pour «l'édification d'une paix authentique».
Lors de la messe d'inauguration de son pontificat quelques jours après son élection, Benoît XVI avait souligné la volonté de l'Eglise catholique de «continuer à construire des ponts d'amitié» entre les religions et avait appelé toutes les traditions religieuses à être des «artisans de paix». Il avait alors salué «les progrès du dialogue entre musulmans et chrétiens» effectués sous Jean-Paul II. Mais ces déclarations n'avaient pas connu de suite immédiate.
Les derniers attentats ont remis cette question sur le devant de la scène. Le Pape n'a pas cessé de dénoncer lors de ses apparitions publiques, aux micros des journalistes ou dans les télégrammes qu'il a adressés à l'Angleterre, à la Turquie et à l'Egypte, ces «actions répugnantes», ces «attentats exécrables» conduits par des «petits groupes de fanatiques». Il a demandé aux terroristes extrémistes islamistes de s'arrêter «au nom de Dieu», car le Pape refuse l'idée d'un «conflit de civilisations» entre l'Occident chrétien et le monde musulman. Les attentats ne sont pas «spécifiquement contre le christianisme». «Le terrorisme est irrationnel», a-t-il expliqué, et le dialogue interreligieux doit être «au moins un élément, une invitation à abandonner le terrorisme». Il faut cependant rechercher dans l'Islam «les meilleurs éléments» pour ce dialogue et l'éradication du fondamentalisme passerait aussi par les choix philosophiques de l'Europe.
En effet, avant son élection, le cardinal Ratzinger n'écartait pas que cette dernière tentée par «une dictature du relativisme» soit un facteur du fondamentalisme. Ainsi, personnellement opposé à l'entrée de la Turquie – «un continent différent, toujours en opposition avec l'Europe» –, dans l'Union européenne, il a combattu l'idée selon laquelle l'Europe devait refuser ses racines chrétiennes par crainte d'offenser les musulmans présents sur son sol. «Ce qui offense l'Islam, avait déclaré le futur Benoît XVI, est l'absence de référence à Dieu, l'arrogance de la raison, qui provoque le fondamentalisme», alors que «la renaissance de l'Islam» est surtout due à «la conscience qu'il est capable d'offrir un fondement spirituel valide, un fondement qui semble avoir échappé des mains de la vieille Europe». Une Europe laïque et relativiste serait donc impuissante face à l'Islam. Et dans le contexte «d'une société multiculturelle», la foi chrétienne demeure un facteur «capable de fournir une force morale et culturelle» aux Européens.

Les vacances studieuses du Saint-Père

Dix-huit jours de pause estivale à la montagne

Les Combres d'Introd (Italie):H. Y.
[Le Figaro, 27 juillet 2005]

Trois mois après son élection, Benoît XVI s'est octroyé 18 jours de vacances studieuses à la montagne. C'est au cours de cette pause estivale «providentielle» que le Pape a préparé sa rentrée.
En matière de vacances, Benoît XVI a suivi Jean-Paul II. Il y a plus de quinze jours, il est arrivé aux Combes d'Introd pour y goûter un repos studieux aux portes du Grand Paradis, le parc naturel du Val d'Aoste. Il s'est installé dans le chalet construit il y a cinq ans pour son prédécesseur sur la propriété des salésiens. Le Plan du Saint-Père, à 1400 mètres d'altitude, ainsi baptisé après les 10 séjours de Jean-Paul II, est un véritable fort retranché. «Sur ma petite commune, il y a un Etat souverain», s'amuse Osvaldo Naudin, le maire des 570 âmes d'Introd.
La route sinueuse qui y mène est bordée de murets de pierres sèches, de petits oratoires aux murs couverts de chaux, de vignes, de feuillus puis de sapins. Mais, en dehors de quelques randonneurs qui coupent les lacets de la route à travers bois, on ne croise que des voitures de police et de gendarmerie. Ils sont deux cents, disséminés un peu partout, à veiller à la tranquillité de Benoît XVI. Une forêt de sapins cache le chalet, au-dessus duquel l'espace aérien est bouclé. Au dernier virage avant les Combes, un terre-plein naturel avec vue imprenable sur la vallée d'Aoste, accueille des camions de télévision hérissés de paraboles. Pour aller plus loin, il faut montrer patte blanche. Des brigades cynophiles fouillent les voitures.
Le hameau des Combes est un repaire de journalistes et de policiers. L'unique troquet vit au rythme des changements de quart. Quelques touristes arrivent tout de même à se faufiler pour visiter ce petit village de montagne qui sent bon le foin et accueille la Maison-Musée Jean-Paul-II.
Mais Benoît XVI est resté discret pendant ses vacances privées. «N'ayez aucun souci, je serai un paroissien obéissant», a-t-il lancé, amusé, au père Paul, le curé de la paroisse. La première semaine, il ne s'est accordé que des promenades dans le parc de sa résidence. Durant la seconde, il a tout de même quitté son ermitage pour quelques randonnées, dont l'une sur le Mont-Blanc.
Le Pape travaille. Il aurait mis à profit ses vacances pour achever l'écriture de son dernier livre, commencée il y a trois ans. Pour se détendre, il joue du piano. Mozart est son compositeur préféré. En dehors de rares visiteurs, il est entouré de familiers, en premier lieu, de son fringant secrétaire particulier, Mgr George Ganswein. Ce Bavarois de 48 ans, sportif, ancien professeur à l'université de l'Opus Dei à Rome, est la coqueluche des médias. Il loge au chalet avec le Pape ainsi que deux laïques consacrés – du mouvement italien Communion et Libération –, et du majordome, qui était aussi celui de Jean-Paul II, Angelo Gugel. Le reste de la suite, dont le porte-parole du Saint-Siège, Joaquin Navarro-Valls, loge à part.
Jeudi, Benoît XVI quittera les Combes pour la résidence d'été des papes, à Castel Gandolfo, au sud de Rome. C'est de là qu'il partira pour Cologne où l'attendent les 2Oes Journées mondiales de la jeunesse.

Cent jours après son élection, Benoît XVI imprime sa marque oecuménique

VATICAN Moins médiatique que son prédécesseur, le nouveau pape est avant tout un «théologien»

Le 19 avril dernier, Joseph Ratzinger était élu 265e pape de l'Eglise catholique, après l'un des conclaves les plus courts de l'histoire. Cent jours se sont écoulés qui ont vu Benoît XVI ouvrir le procès en béatification de son prédécesseur, relancer le dialogue oecuménique, affirmer la doctrine de l'Eglise sur la scène politique et sociale. La visite du Pape dans une synagogue – après un pape polonais, le pape allemand sera le second de l'histoire à mettre les pieds dans un temple juif – et sa rencontre avec des représentants des communautés musulmanes se veulent les signes forts d'un des grands défis du pontificat : la lutte contre le fondamentalisme religieux et le terrorisme.

Le Vatican : Hervé Yannou
[Le Figaro, 27 juillet 2005]

Si, en cent jours de règne, Benoît XVI ne s'est pas encore totalement acquis les faveurs de la presse internationale, il a sans aucun doute gagné celles de nombreux fidèles. Joseph Ratzinger est avant tout un pape «théologien». «Le pape ne doit pas proclamer ses propres idées», a-t-il déclaré au début du mois de mai. Il veut que les fidèles regardent l'essentiel, qui n'est pas sa personne, mais l'Eglise.
La curie voulait un chef moins médiatique que Jean-Paul II. Benoît XVI est un professeur. Il ne faut sans doute pas s'attendre à un changement de cap en matière de morale ou de bioéthique. Ses discours clefs reflètent l'intransigeance du cardinal Ratzinger et le combat sans répit qu'il veut livrer contre le relativisme et le laïcisme de la société occidentale. Avant d'être élu, il avait appelé les catholiques à être une «minorité créative» dans la société. Sur ce terrain, le référendum italien sur la procréation médicalement assistée, la prise de position de l'Eglise contre le mariage homosexuel en Espagne ont été des essais transformés.
Autre signe qui ne trompe pas, Benoît XVI voyagera beaucoup moins. Il choisira, à la manière de Paul VI, des destinations bien ciblées. Après Cologne, il pourrait se rendre à Istanbul le 30 novembre pour y rencontrer le patriarche orthodoxe. Une visite effectuée par Paul VI et Jean-Paul II. Mais pour cette rencontre avec Bartholomé Ier, il faut l'aval d'Ankara, qui n'a sans doute pas oublié que le cardinal Ratzinger était personnellement opposé à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. Un autre voyage fait partie des priorités de Benoît XVI, la Terre Sainte, où l'a invité Ariel Sharon. A plus long terme, le Pape pourrait se rendre en Espagne, au Canada, au Brésil et en Slovaquie. Reste aussi la Pologne et Cracovie.
Le terrain de prédilection de Benoît XVI est l'oecuménisme. «Le troisième millénaire sera celui de l'oecuménisme» avait prophétisé le pape polonais. Les échanges théologiques avec les Eglises orthodoxes, interrompus officiellement depuis cinq ans, devraient reprendre à l'automne, grâce aux efforts du «patriarche de Constantinople» pour rappeler ses coreligionnaires au dialogue. Mais Moscou souffle le chaud et le froid. Alexis II, a assuré jeudi dernier qu'il «n'excluait pas» la visite du Pape en Russie. Un vieux rêve envisageable, «à certaines conditions». Les orthodoxes russes accusent toujours les catholiques de prosélytisme et l'Eglise uniate d'Ukraine joue les trouble-fête.
Cependant, le grand défi du pontificat demeure le dialogue entre les trois religions monothéistes dans la lutte contre le terrorisme. Benoît XVI a multiplié les gestes envers les juifs. Mais le dialogue avec l'Islam reste un point difficile et peu développé.
Benoît XVI est aussi l'héritier de la diplomatie wojtylienne. En Asie, le continent du «Troisième millénaire», il connaît quelques succès. Même si en Chine, les arrestations de religieux se poursuivent. Pour le ministre des Affaires étrangères du Saint-Siège, il n'y a pourtant pas «d'obstacle majeur» à l'établissement de relations diplomatiques. Le Vatican a d'ailleurs cessé de dénoncer systématiquement ces arrestations arbitraires depuis la mort de Jean-Paul II. Autre pays communiste avec qui le dialogue progresse, le Vietnam, où une délégation vaticane devrait se rendre en décembre. Benoît XVI n'oublie pas pour autant l'Afrique. Il a appelé le dernier G 8 à trouver des solutions valables pour y lutter contre la pauvreté et a con firmé la convocation d'un second synode pour l'Afrique.
Pour poursuivre sa politique, il faut au Pape un gouvernement et une administration efficaces. Avant son élection, il s'était exprimé en faveur d'une réforme de la curie, hypertrophiée sous son prédécesseur. L'organigramme devrait ainsi en être simplifié. Au Vatican, beaucoup tablent sur la création d'un «super ministère» pour les laïcs, voire d'un organisme central réunissant les moyens d'information et de communication du Saint-Siège.
Mais la curie, ce sont aussi des cardinaux et des prélats. Tous reconduits dans leurs fonctions, à deux exceptions près. Le Pape a renvoyé en Pologne l'omnipotent secrétaire particulier de Jean-Paul II, Mgr Stanislaw Dziwisz, nommé archevêque de Cracovie. Au poste clef de gardien de la doctrine de l'Eglise, il s'est désigné pour successeur l'archevêque de Chicago, Mgr William Levada. Signe fort vis-à-vis d'une Eglise américaine ébranlée par les scandales pédophiles.
Mais les choses ne devraient pas rester en l'état. Les nouvelles nominations sont attendues avec impatience, tout autant qu'un premier consistoire et la création de nouveaux cardinaux. L'âge du capitaine est avancé, 78 ans, mais celui de ses lieutenants aussi. La gérontocratie menace la curie. Nombreux sont ceux qui ont dépassé ou vont bientôt atteindre l'âge de la retraite, fixé à 75 ans. En premier lieu, le cardinal Angelo Sodano, secrétaire d'Etat depuis quinze ans. En novembre, il aura 78 ans. Au-delà des cardinaux, d'autres charges pourraient changer de titulaire, dont celle de maître des cérémonies liturgiques. Un poste clef pour un Pape qui aime le latin, ce qui ne déplaît pas aux traditionalistes. Dans ce jeu de chaises musicales les pronostics vont bon train et les Italiens entendent ne pas perdre totalement la main sur l'appareil central de l'Eglise.
Après Cologne, le prochain grand rendez-vous de Benoît XVI sera, en octobre, le synode des évêques. Deux cent cinquante d'entre eux participeront à Rome à cet événement voulu par son prédécesseur. Reste à savoir si entre-temps, Benoît XVI aura publié sa première encyclique. Il travaille à ce texte programmatique. Jean-Paul II l'avait publié cinq mois après son élection.
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