4.02.2005

Jean-Paul II est mort ce soir à 21h37

Déclaration du Directeur de la Salle-de-Presse du Saint-Siège, M. Joaquín Navarro-Valls (Samedi, 2 avril 2005):

"Le Saint-Père est décédé à 21 h 37' dans ses Appartements privés du Vatican.
Toutes les procédures prévues par la Constitution apostolique "Universi Dominici gregis", promulguée par Jean-Paul II le 22 février 1996, ont été enclenchées ."

Jean-Paul II, l'émotion et la prière

JEAN-PAUL II Le Souverain Pontife a décidé d'affronter la mort dans sa chambre face à la place Saint-Pierre, où les croyants affluent

[02 avril 2005]

Le pape Jean-Paul II, 84 ans, vivait hier soir ses derniers instants, au soir d'un pontificat exceptionnel.
Le cardinal Camillo Ruini, vicaire de Rome, a appelé les Italiens à prier pour le pape dont la santé n'a cessé de se détériorer, tandis que les fidèles du monde entier se rendaient dans les églises pour offrir leur soutien au Pape.
Le cardinal, à qui revient la charge, selon le droit canon, d'annoncer à la population la mort d'un pape, fait partie des prélats qui ont vu Jean-Paul II hier.
De son côté, le père Konrad Hejmo, responsable des pèlerins polonais au Vatican et généralement bien informé, a estimé que le Pape était «prêt» à mourir, alors que des milliers de fidèles priaient pour lui place Saint-Pierre, sous les fenêtres du Pape.
C'est Jean-Paul II lui-même qui a «exprimé la volonté de demeurer dans sa chambre, où lui sont assurés tous les soins», a indiqué le Vatican. Selon le quotidien italien La Repubblica, Jean-Paul II avait demandé à ne plus être hospitalisé et exigé comme dernière volonté de «mourir dignement en souverain pontife dans (sa) chambre au Vatican devant la place Saint-Pierre».
Le monde politique italien suivait avec anxiété et préoccupation l'agonie du Pape. Les partis politiques ont décidé d'annuler les manifestations prévues hier pour clore la campagne en vue des élections régionales des 3 et 4 avril, en signe de respect pour Jean-Paul II. Les élections se tiendront cependant comme prévu.
L'Eglise catholique a de son côté commencé à préparer les fidèles à sa disparition, et invite un peu partout dans le monde à «prier pour le Pape, qui vit le dernier moment de sa vie».
Si le Pape vient à mourir, des services funèbres seront célébrés pendant neuf jours et il sera inhumé entre le quatrième et le sixième jour suivant son décès, selon les dispositions qu'il a édictées dans sa constitution apostolique de 1996. Le conclave chargé d'élire son successeur doit se réunir dans un délai de quinze à vingt jours après la mort du Pape.
Le document, très précis, édicte les procédures et les interdits après le décès du Pape pour ses funérailles et l'élection de son successeur. Sa mort doit être constatée officiellement par le prélat en charge de la fonction de camerlingue et annoncée au peuple romain par le cardinal vicaire de Rome.
Les cardinaux devront ensuite «fixer le jour, l'heure et de quelle façon le corps du pontife défunt sera porté dans la basilique vaticane pour être exposé à l'hommage des fidèles».
Son inhumation aura lieu en la basilique Saint-Pierre, sauf en cas de dispositions testamentaires contraires.
Selon certains de ses compatriotes, Jean-Paul II aurait souhaité pouvoir être inhumé en Pologne, à Wadowice, près de Cracovie, dans le tombeau de famille. La question sera tranchée si le Pape a laissé un testament.

Un héritage

LE MONDE | 02.04.05 | 14h08 • Mis à jour le 02.04.05 | 14h08

'est un pape véritablement hors du commun qui s'éteint, après un long combat contre la maladie. Un pape qui aura régné sur le monde catholique, mais aussi influencé bien d'autres sphères spirituelles et politiques durant plus d'un quart de siècle. Une longévité exceptionnelle qui lui a permis d'inscrire son action dans la durée. Seul Pie IX (1846-1878) avant lui avait pu bénéficier d'autant de temps pour imprimer sa marque sur une époque de mutations et de convulsions.
Les cardinaux, en choisissant en 1978 un prélat polonais, le premier pape non italien depuis plus de quatre siècles, avaient à juste titre élu un prêtre forgé à l'épreuve des deux totalitarismes : le nazisme et le communisme. Deux idéologies qui ont dominé le XXe siècle, incarnant tour à tour le pouvoir de destruction de l'homme, sa capacité à asservir et à nier son prochain.
Karol Wojtyla, futur Jean Paul II, traversa la nuit noire du nazisme en choisissant en pleine guerre, durant l'occupation de son pays, d'entrer au séminaire clandestin du cardinal Adam Sapieha, haute figure de la résistance polonaise. Cette expérience de "résistance culturelle" le prépara à surmonter les ténèbres communistes qui pesèrent si longtemps sur son pays natal.
L'histoire retiendra comme l'un des traits majeurs de son pontificat son action déterminée en faveur des droits de l'homme, sa lutte pied à pied contre tout viol de la liberté de conscience et de religion. Ce combat-là, cette ruse politique contre l'emprise communiste sur l'Europe de l'Est, participa amplement à la chute du mur de Berlin, en novembre 1989, et à la dislocation d'un empire que l'on aurait pu croire installé pour longtemps.
L'histoire retiendra aussi les gestes sans précédent de Jean Paul II en direction des autres confessions dans une volonté jamais démentie de dialogue interreligieux. C'est vrai en 1985 quand il proclame à l'adresse des jeunes musulmans, à Casablanca : "Nous adorons le même Dieu."
C'est vrai lors de ses rencontres avec les hauts dignitaires hindous, sikhs et bouddhistes. C'est encore vrai en 2000 lorsqu'il formule des demandes de pardon pour l'antijudaïsme historique de l'Eglise catholique. Une repentance qui trouvera son point culminant à Jérusalem, au Mémorial de Yad Vashem et au mur des Lamentations.
La force de la foi, l'énergie vitale du pape, ont à l'évidence été éclipsées ces dernières années par la lente et inexorable maladie qui le minait et les séquelles de l'attentat qui l'avait frappé en 1981. Certains oubliaient alors qu'il fut cet infatigable pèlerin, ce voyageur insatiable et cet "athlète de Dieu" rayonnant, galvanisé par le contact avec les foules, touché par l'écoute des jeunes venant à sa rencontre. Progressivement, une image a recouvert l'autre, de même que le souvenir d'un pape progressiste sur les questions sociales et politiques fut estompé au profit d'un pape intransigeant et conservateur sur la sexualité et la famille. Mais il restera une trace profonde : un héritage.

Article paru dans l'édition du 03.04.05

Le monde entier rend hommage au pape

LE MONDE | 02.04.05 | 14h08 • Mis à jour le 02.04.05 | 14h08
Rome, de notre correspondant

u petit matin, samedi 2 avril, ils étaient encore plusieurs centaines sur la place Saint-Pierre, des jeunes pour l'essentiel, installés dans des sacs de couchage ou des couvertures, les regards tournés vers les fenêtres des appartements de Jean Paul II, restées éclairées toute la nuit. Ils ont encore la force de chanter et de taper dans leurs mains, ces "papa boys", un groupe d'irréductibles qui se refusent à abandonner le pape à sa lente agonie. Ces jeunes de la "génération Jean-Paul II" sont des habitués du lieu, qu'ils ont tant de fois animé par l'exubérance de leur foi, à chacune des apparitions de "leur" pape, à sa fenêtre.

Cette deuxième nuit de veille devant la basilique illuminée était bien différente de la précédente. Jeudi soir, les fidèles étaient accourus dans l'urgence, l'angoisse au coeur, redoutant le pire et le refusant encore. Le lendemain, c'est une foule habitée par le chagrin, mais résignée, comme apaisée par l'inéluctable, qui s'est rassemblée jusqu'à remplir la vaste esplanade. 70 000 personnes, ont compté les forces de police, au plus fort de la soirée. Sans doute bien plus, car les familles qui rentraient se coucher, avec des enfants déjà endormis dans les bras, croisait un flot ininterrompu de nouveaux arrivants.

On ne venait plus prier pour la santé du chef de l'Eglise catholique, mais simplement on allait à la rencontre d'un vieil ami, un parent cher, pour l'accompagner avec douceur. " Quand le père souffre, ses enfants se serrent à ses côtés, quand le père meurt, ils s'agenouillent et lui offrent affection, admiration et gratitude", a dit Mgr Angelo Comastri, le vicaire du pape pour la Cité du Vatican, en conviant la foule à se rapprocher des marches de Saint-Pierre, pour la récitation du rosaire. Plus tard, après le Salve Regina et la litanie des saints qui concluent cette prière à la Vierge, le prélat a invité chacun à rentrer chez soi.

L'ÉCHO D'UN CHANT

Vaine demande, le peuple de Saint-Pierre est resté longtemps, campé dans un silence émouvant, traversé de temps à autre par le murmure d'une prière, reprise de loin en loin, ou l'écho d'un chant. Pierluigi, la trentaine, blouson de motard jaune et noir, un casque entre les pieds, triture un gros chapelet. Il est venu de Frosinone, à une centaine de kilomètres au sud de Rome : "Je ne me voyais pas vivre ce moment devant ma télé." Rosa et Giancarlo, un couple de Romains, "pas spécialement croyants" sont venus respirer l'atmosphère d'un "événement historique et universel". Jeunes mariés, ils avaient assisté à l'intronisation, ici même, de Karol Wojtyla.

Certains marchent lentement, les bras croisés, le regard au sol. D'autres, des femmes surtout, restent figés une bougie à la main : "Jean Paul II a éclairé notre chemin, c'était un pape d'amour et de paix", confie une étudiante américaine.

Pedro, fonctionnaire des Nations unies en poste à Rome, en costume et cravate, son attaché case à la main, est venu en sortant du bureau. A 1 heure du matin, il n'arrive toujours pas à quitter des yeux les fenêtres qui brillent au 3e étage du palais apostolique : " Personne n'a fait autant que lui pour la paix entre les peuples et le rapprochement entre les religions, en particulier avec les juifs." Sur la place, on croise des séminaristes et des religieuses de tous les pays. Mais l'ambiance est moins cosmopolite que l'après-midi. Plus recueillie aussi, car dans la tiédeur d'une journée sans nuage, la basilique avait été prise d'assaut par les habituelles files de touristes. La moyenne d'âge est jeune. Assis en tailleur à même le pavé, formant de petits cercles, que se disent-ils ces adolescents qui parlent à mi-voix ?

Des badauds s'agglutinent dans la lumière des projecteurs des télévisions, entourent le journaliste qui prépare son "direct", cherchent à happer des bribes d'informations. A quoi bon ? les nouvelles sont mauvaises, forcément. "Ce soir ou cette nuit, le Christ ouvrira largement les portes au pape et, à la porte, il y aura certainement Marie à laquelle le souverain pontife s'est dévoué entièrement", avait prévenu Mgr Comastri, au moment de conduire le rosaire.

Quelques heures plus tôt, au cours d'une messe solennelle à Saint-Jean de Latran, devant le président de la République, Carlo Azeglio Ciampi, et le président du Conseil, Silvio Berlusconi, le cardinal Camillo Ruini, vicaire du diocèse de Rome, avait affirmé dans son homélie que Jean Paul II "voit déjà et touche déjà le Seigneur".

Le déroulement de la journée avait préparé les coeurs à une issue fatale. Les trois bulletins officiels publiés par le Vatican aux heures des repas proposaient une ration d'espoir de plus en plus congrue.

"Très grave" à 6 h 30, l'état de santé du pape était confirmé d'un " évidente gravité" à 12 h 30, puis " encore aggravé" à 18 h 30. Joaquin Navarro-Valls, le porte-parole, décrivait "un tableau clinique d'insuffisance cardio-vasculaire et rénale" et "des paramètres biologiques sérieusement compromis". Entre-temps, la Ville éternelle avait été parcourue de rumeurs, toujours démenties, sur "le coma", "l'encéphalogramme plat", voire "la mort" de Jean-Paul II. Dans les kiosques à journaux, près de l'entrée du Vatican, l'édition de l'après-midi de l'Osservatore Romano titrait sur la seule information vraiment confirmée : "Le monde prie pour le pape".

Ailleurs dans la ville, au Palais du Viminal, siège du ministère de l'intérieur, ou à la mairie de Rome, les réunions succédaient aux réunions pour faire face à l'événement. Finalement, les élections régionales, prévues dimanche 3 et lundi 4 avril, ont été maintenues, mais tous les partis sont rapidement convenus de suspendre la campagne électorale. Les compétitions sportives du week-end pourraient être annulées en cas de décès de Jean-Paul II, avait déclaré le président du Comité olympique national italien. Y compris les matches de la 30e journée de championnat de football, le Calcio, cette seconde religion du pays.

Jean-Jacques Bozonnet
"Tout était blanc, son regard souriait"

Jean Paul II est installé dans un grand lit tout recouvert de blanc, placé au milieu de sa chambre, a raconté, samedi matin 2 avril, le cardinal italien Mario Francesco Pomppedda au quotidien La Repubblica. Le prélat a précisé avoir été admis à voir Jean Paul II, vendredi vers midi."Le pape reposait adossé à de grands coussins, un peu tourné sur le flanc droit. Son secrétaire, Mgr Dziwisz, et une religieuse étaient assis sur des fauteuils face à lui, a-t-il ajouté. Il a tourné les yeux vers moi. Ses yeux étaient un peu fermés, mais il n'était pas endormi et lorsque mon nom a été prononcé, il les a ouverts... J'ai été saisi par la beauté de ce regard souriant. Il voulait clairement que je comprenne qu'il me reconnaissait. (...) J'ai vu qu'il voulait me saluer et dire quelque chose, mais il n'a pas réussi à le faire. Il ne montrait aucun signe de souffrance, même si sa respiration était difficile. Il ne râlait pas, je n'ai pas eu le sentiment de voir un agonisant." ­ (AFP.)


Les participants au conclave

117 ou 118 électeurs ? Les cardinaux étrangers arrivent déjà nombreux à Rome. La liste des cardinaux de moins de 80 ans qui devront élire le successeur ­ dans un délai pouvant aller jusqu'à vingt jours après la mort du pape ­ compte 117 noms, mais le conclave pourrait en rassembler 118, si le nom du cardinal gardé secret par le pape,depuis son dernier consistoire de création de cardinaux en octobre 2003, était révélé avant sa mort.Le cardinal "in pectore" (dans son coeur) est celui dont l'identité n'est connue que du pape. Or, selon le droit canon, une fois son nom publié, il jouit des mêmes droits que les autres, notamment celui de participer au conclave s'il a moins de 80 ans.Selon les experts, ce cardinal "in pectore" pourrait être un Chinois, mais pas, comme on l'a dit, son secrétaire particulier, le Polonais Mgr Stanislaw Dziwisz.

Article paru dans l'édition du 03.04.05

Le pape Jean Paul II reste dans un état "gravissime"

Sat April 2, 2005 1:44 PM CEST

par Philip Pullella et Robin Pomeroy

CITE DU VATICAN (Reuters) - Le pape Jean Paul II, victime de pertes de connaissance temporaires, est toujours dans un état "gravissime" mais n'est pas plongé dans le coma, annonce le Vatican dans son dernier bulletin de santé diffusé à la mi-journée.
A travers le monde, les quelque 1,1 milliard de catholiques se sont unis dans une "veillée funèbre" pour accompagner l'agonie du Saint-Père, âgé de 84 ans, dont le pontificat de plus de 26 ans restera comme l'un des plus longs de l'histoire.
"L'état de santé général et les conditions cardio-respiratoires du Saint-Père sont fondamentalement inchangés et sont par conséquent gravissimes", a déclaré à la mi-journée le porte-parole de la cité pontificale, Joaquin Navarro-Valls.
"Ce matin à l'aube a été constaté le début d'un état de perte de conscience, ce qui ne veut pas dire que l'on puisse parler de coma", a-t-il ajouté. "Il semble parfois dormir, se reposer, ne pas réagir immédiatement mais cela exclut techniquement un état comateux."
Navarro-Valls, qui communique régulièrement sur la santé du pape, a précisé qu'une messe avait été célébrée à 7h30 "en présence du pape". La veille, toujours selon le Vatican, le Saint-Père avait "concélébré" la messe du matin, et la nuance est significative de la dégradation de la santé du pape ces vingt-quatre dernières heures.
Jean Paul II, qui est âgé de 84 ans, a été victime dans la nuit de jeudi à vendredi d'un arrêt cardiaque et d'une septicémie mais a refusé de se faire hospitaliser, une décision interprétée par les observateurs comme sa volonté de vivre ses dernières heures dans ses appartements privés du Vatican.

"CONSCIENT DE SE RAPPROCHER DU SEIGNEUR"

Des ecclésiastiques de haut rang ne font plus mystère de l'imminence de sa mort, et plusieurs cardinaux du monde entier commencent à arriver à Rome dans la perspective du conclave qui désignera son successeur sur le trône de Saint-Pierre.
"Le successeur de Pierre, le pêcheur, est en train de mourir", a déclaré à Chicago le cardinal américain Francis George tandis que le cardinal sud-africain Wilfred Napier confiait: "Il semble qu'il vive ses dernières heures."
Le cardinal allemand Joseph Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, a pour sa part déclaré que le pape était "conscient de se rapprocher du Seigneur".
Selon la police, environ 70.000 personnes se trouvaient à l'aube sur la place Saint-Pierre, pour passer ces derniers instants à ses côtés. Certains, munis de couvertures pour se prémunir contre la fraîcheur de la nuit, jouaient d'instruments de musique, ou priaient.
Dans son dernier communiqué, Navarro-Valls a livré que le pape avait probablement, la nuit dernière, "eu à l'esprit les jeunes qu'il a rencontrés dans le monde entier durant son pontificat".
"En fait, a-t-il dit, il a semblé leur faire allusion lorsque, dans ses mots et à plusieurs reprises, il a semblé dire la phrase que l'on pourrait reconstituer de la manière suivante: 'Je vous ai cherchés, maintenant vous êtes venus à moi et je vous en remercie.'"
Les journaux italiens affichaient samedi en une des photos du pape polonais, qu'après 26 années de pontificat l'Italie considère comme l'un des siens, accompagnées de titres tels que "Au revoir, vieux pape", et "Merci, Wojtyla."

"PLUS PERSONNE POUR NOUS GUIDER"

Malgré la soudaine aggravation de son état de santé, Jean Paul II a refusé jeudi soir une nouvelle hospitalisation après deux séjours, en février et mars, à la polyclinique Gemelli de Rome, où il avait été admis pour des problèmes respiratoires, subissant notamment une trachéotomie le 24 février dernier.
Des cardinaux ont été conviés à présenter leurs hommages au pape, un homme autrefois athlétique qui n'a pas ménagé ses efforts pour répandre le message de l'Eglise en se rendant dans 129 pays et territoires lors de 104 voyages hors d'Italie.
Dans La Repubblica, le cardinal Mario Francesco Pompedda raconte cette rencontre, peut-être la dernière: "J'ai vu qu'il voulait me saluer et qu'il a tenté de dire quelques mots, mais il en a été incapable."
A Varsovie, les églises sont restées ouvertes toute la nuit et les Polonais, qui voient en Jean Paul II l'homme qui les a délivrés de 40 années de domination soviétique, ont prié dans les rues, formant l'espoir d'un miracle.
"S'il venait à nous quitter, nous n'aurions plus personne pour nous guider, pour nous aider à comprendre le monde", estimait Maria Danecka, venue dans la basilique de Wadowice, ville où Karol Wojtyla est né en 1920.
Au Brésil, le plus grand pays catholique du monde, les fidèles ont pris part à des messes spéciales et le Notre père a résonné dans l'enceinte du Sénat.
Même les régimes communistes de Chine et de Cuba, où l'archevêque de La Havane Jaime Ortega a été exceptionnellement autorisé à s'exprimer sur l'antenne de la télévision publique, se sont associés à cette "veillée funèbre planétaire".

CONCLAVE

Wojtyla devenait pape le 16 octobre 1978, à la surprise générale, son prédécesseur, Jean Paul Ier, étant décédé un mois seulement après son élection.
Si son rôle dans l'effondrement des régimes communistes d'Europe de l'Est est généralement portée à son crédit, son orthodoxie stricte lui a attiré l'inimitié de catholiques libéraux lui reprochant sa rigidité sur des questions telles que la contraception, l'avortement, le mariage des prêtres et le clergé féminin.
A Washington, un porte-parole de George Bush a déclaré que "les effusions d'amour sur toute la planète sont un témoignage de la grandeur du pape". Pour la secrétaire d'Etat, Condoleezza Rice, le pape fut "l'un des plus grands acteurs" de la chute du communisme en Europe.
Après le décès de Jean Paul II, les cardinaux électeurs du monde entier se réuniront en conclave au Vatican pour élire son successeur. Aucun favori ne se dégage a priori, entre les tenants d'un "pontificat court" et les avocats du "parti internationaliste" qui souhaite placer sur le trône de Saint-Pierre un pape issu d'un pays en voie de développement - l'Amérique latine, qui représente environ la moitié des catholiques, ou l'Asie.

George Bush salue en Jean Paul II "une source d'inspiration"

Reuters 02.04.05 | 13h21

WASHINGTON (Reuters) - Le pape Jean Paul II, qui semble à l'article de la mort, est source d'inspiration pour des millions d'Américains et le président George Bush prie pour lui, a fait savoir vendredi la Maison blanche.
Scott McClellan, porte-parole de la présidence américaine, a indiqué que l'administration présidentielle était en contact étroit avec le Vatican sur l'évolution de la santé du chef de l'Eglise catholique.
Andrew Card, secrétaire général de la Maison blanche, tient le président informé de son état de santé. "Le président et Mme Bush se joignent à tous ceux qui prient de par le monde pour le Saint-Père. Il est dans nos pensées et dans nos prières", a ajouté McClellan.
George Bush a été reçu à deux reprises en audience au Vatican par Jean Paul II, qui lui avait notamment exprimé son opposition à la guerre en Irak.
"Les effusions d'amour sur toute la planète sont un témoignage de la grandeur du pape. Le pape est source d'inspiration pour des millions d'Américains et pour les peuples de la planète tout entière par son leadership moral", a souligné le porte-parole de la Maison blanche.
Priée d'évoquer l'héritage du souverain pontife, la secrétaire d'Etat, Condoleezza Rice, a salué sa contribution à la chute du communisme en Pologne, et ailleurs en Europe.
"Au moment où le communisme était en train de vaciller, enfin, et où il fallait des personnalités fortes capables d'en écarter les derniers blocs et de rendre possible la fin de la tyrannie en Europe, le pape a été (...) l'un des plus grands acteurs de ce grand (événement)", a déclaré Rice aux journalistes.
"Si vous regardez ce qui s'est passé en 1989, 1990 et 1991, vous ne pouvez que constater l'énorme contribution du pape Jean Paul II à ces événements dramatiques et, par conséquent, à la liberté", a-t-elle poursuivi.
"Et il ne s'est pas arrêté là. Il a continué à donner une voix aux opprimés, à ceux qui cherchent la liberté."

Le pape s'éteint

«Le Christ ouvre ses portes à Jean-Paul II»

Guillaume Bourgault-Côté
Édition du Devoir (Qyébec) du samedi 2 et du dimanche 3 avril 2005

Le pape Jean-Paul II se trouvait toujours entre la vie et la mort au moment de mettre sous presse, hier, vers minuit. Après avoir annoncé jeudi l'aggravation de son état de santé, le Vatican a été forcé de confirmer au cours de la journée d'hier une nouvelle détérioration sérieuse de sa condition physique, indiquant ainsi clairement que le pape vivait ses dernières heures et qu'il s'éteignait peu à peu. Selon le vicaire du pontife, le cardinal Camillo Ruini, qui sera chargé d'annoncer aux Romains le décès de Jean-Paul II, le pape «voit et touche déjà le Seigneur». Le vicaire du pape pour la Cité du Vatican, Mgr Angelo Comastri, a pour sa part mentionné lors d'une homélie prononcée à l'occasion d'une veillée spéciale, place Saint-Pierre, que «ce soir ou cette nuit [hier soir], le Christ ouvrira largement ses portes au pape».

(02.04.2005)

En fin d'avant-midi hier au Québec (vers 18h30 à Rome), le Vatican a fait savoir que l'état général et les conditions cardio-respiratoires du pape de 84 ans s'étaient «encore aggravés» depuis la veille. Le bulletin médical émis à ce moment indiquait qu'une «aggravation progressive de l'hypotension artérielle a été notée» et que «la respiration est devenue superficielle», très faible. Il ajoutait que «le tableau clinique indique une insuffisance rénale et cardio-circulatoire» et que «les paramètres biologiques sont notablement compromis».
De la part du Vatican, ordinairement très rassurant quant à la santé du pape malgré des signes physiques évidents du contraire, le ton de cette annonce ne laisse plus planer aucun doute sur la gravité de la situation et l'imminence du décès du pape, lâché par son coeur, ses poumons, ses reins. Le cardinal mexicain Javier Lozano Barragan, ministre de la Santé du Vatican, a d'ailleurs déclaré sur la chaîne mexicaine Televisa que le pape «est sur le point de mourir. J'ai parlé au docteurs et ils m'ont dit qu'il n'y a plus d'espoir.»
C'étaient là, en fin de soirée hier (et en début de matinée aujourd'hui à Rome) les dernières informations officielles disponibles. Mais des rumeurs colportées par divers médias (et reprises entre autres par CNN) allaient plus loin et évoquaient un état comateux, voire même la mort du pape : néanmoins, rien de tout cela n'avait été confirmé au moment de boucler cette édition.
Reflet de l'énervement qui a agité toute la journée les fils de presse internationaux, un média italien avait annoncé que l'électroencéphalogramme du pape était plat en après-midi, mais l'agence Ansa a plus tard infirmé la nouvelle en mentionnant que l'appartement du pape au Vatican ne disposait pas d'un appareil pour enregistrer les électroencéphalogrammes.
Attendant pour leur part une confirmation officielle du décès de Karol Wojtyla, des dizaines de milliers de fidèles sont restés massés tout au long de la journée et de la soirée d'hier place Saint-Pierre pour tenir une vigile, accompagnés de centaines de caméras de télévision du monde entier qui ont alimenté en images tous les grands réseaux présents en direct et en continu.
Sur la place Saint-Pierre, dans la nuit froide, les fidèles étaient environ 70 000 à prier et à scruter les fenêtres des appartements pontificaux demeurées éclairées. Et la foule continuait toujours d'arriver sur la place, malgré l'heure tardive. Ce fut une veillée silencieuse et émotive, celle d'une communauté disant lentement au revoir à celui qui a été son chef spirituel pendant 26 ans, ce qui constitue le troisième plus long pontificat de l'histoire. «Avant, on venait sur la place pour prier pour la santé du Saint Père. Maintenant, on prie pour qu'il passe de ce monde-là au royaume de Dieu», confiait un prêtre français de Montpellier, Guy Tardivy.
Partout à travers l'Église catholique et son milliard de fidèles, des messes spéciales ont été prononcées pour le pape globe-trotteur. À Montréal, New Delhi, Cologne, Paris, Moscou, Bethléem, Bagdad, New York, Sydney, Nairobi, Abidjan, entre autres, les gens se sont recueillis.
À Wadowice, la ville natale du pape en Pologne, jeunes et moins jeunes ont abandonné écoles et occupations professionnelles pour prier dans l'église principale. L'ancien président polonais et Prix Nobel de la paix Lech Walesa, dont le syndicat Solidarnosc avait été grandement aidé par le pape dans sa lutte contre le régime communiste, a appelé la population «à prier pour que le Bon Dieu garde le Saint Père sur cette terre, à l'époque de la mondialisation et du chaos». Le premier ministre Paul Martin et le président américain George W. Bush ont aussi offert leurs prières au pontife, imité en ce geste par des dizaines d'autres leaders du monde. Même la Chine, qui n'autorise pas ses catholiques à reconnaître l'autorité du Vatican, a exprimé sa préoccupation quant à la santé de Jean Paul II et lui a souhaité de «retrouver la santé».

Crise cardiaque

C'est dans la nuit de jeudi à hier (heure du Québec) que la santé du pape s'est le plus gravement détériorée. Après que le Vatican eut confirmé que Jean-Paul II -- souffrant du Parkinson et convalescent d'une trachéotomie subie le 24 février -- faisait une forte fièvre due à une infection urinaire, son état de santé a empiré. Au matin, le porte-parole du Vatican, Joaquin Navarro-Valls, a dû émettre un autre bulletin de santé (le deuxième en moins de 24 heures) qui venait contredire quelques informations faisant état d'une amélioration de la condition du pape et d'une bonne réaction au traitement reçu.
M. Navarro-Valls a alors parlé de conditions de santé «critiques» : «Après qu'il eut souffert hier soir d'une infection urinaire, une septicémie [infection générale, d'autant plus dangereuse lorsque le patient souffre du Parkinson] s'est déclarée et il a eu un arrêt cardiaque. Le Saint Père a été immédiatement secouru par l'équipe de médecins de garde dans son appartement privé.»
Selon M. Navarro-Valls, le pape était au matin «lucide, serein et conscient». La matinée du pape, telle que l'a rapportée à la mi-journée le porte-parole du Vatican, a été celle d'un croyant et d'un chef spirituel qui désire mettre ses affaires en ordre avant de rendre l'âme. À 6h, le pape a concélébré la messe. À 7h15, «se souvenant que l'on était vendredi», il a demandé qu'on lui lise les 14 stations du chemin de croix, le récit de la Passion et de la mort du Christ, «faisant le signe de croix à chaque station». Puis, Jean-Paul II «a reçu plusieurs collaborateurs».
Le cardinal Marcio Francesco Pompedda, qui était du nombre, a affirmé que le souverain pontife avait ouvert les yeux et souri. «J'ai compris qu'il me reconnaissait. C'était un merveilleux sourire, je m'en souviendrai pour toujours, a-t-il dit à la télévision italienne. Ce qui m'a impressionné le plus était son expression de sérénité.»
Le porte-parole du Vatican a aussi confirmé hier que le sacrement des malades avait bel et bien été administré à Karol Wojtyla jeudi à 19h17 (heure locale). Généralement impassible, M. Navarro-Valls semblait cette fois très ému au moment de livrer ce bulletin de santé, sa voix se cassant.
epuis le début de ce qui sera l'ultime combat de Jean-Paul II, un transport à la polyclinique Gemelli, surnommée «Vatican III» parce que le pape y a séjourné souvent depuis l'attentat dont il a été victime en 1981, a toujours été exclu par le pontife lui-même, qui aurait selon diverses sources exigé «de mourir dignement en souverain pontife dans sa chambre au Vatican, devant la place Saint-Pierre», où il pourra s'éteindre tranquillement, veillé par des milliers de fidèles venus le supporter dans cette agonie.

D'après l'Agence France-Presse, Associated Press, Reuters et Le Monde

Jean-Paul II, l'émotion et la prière

JEAN-PAUL II Le Souverain Pontife a décidé d'affronter la mort dans sa chambre face à la place Saint-Pierre, où les croyants affluent

[02 avril 2005]

Le pape Jean-Paul II, 84 ans, vivait hier soir ses derniers instants, au soir d'un pontificat exceptionnel.
Le cardinal Camillo Ruini, vicaire de Rome, a appelé les Italiens à prier pour le pape dont la santé n'a cessé de se détériorer, tandis que les fidèles du monde entier se rendaient dans les églises pour offrir leur soutien au Pape.
Le cardinal, à qui revient la charge, selon le droit canon, d'annoncer à la population la mort d'un pape, fait partie des prélats qui ont vu Jean-Paul II hier.
De son côté, le père Konrad Hejmo, responsable des pèlerins polonais au Vatican et généralement bien informé, a estimé que le Pape était «prêt» à mourir, alors que des milliers de fidèles priaient pour lui place Saint-Pierre, sous les fenêtres du Pape.
C'est Jean-Paul II lui-même qui a «exprimé la volonté de demeurer dans sa chambre, où lui sont assurés tous les soins», a indiqué le Vatican. Selon le quotidien italien La Repubblica, Jean-Paul II avait demandé à ne plus être hospitalisé et exigé comme dernière volonté de «mourir dignement en souverain pontife dans (sa) chambre au Vatican devant la place Saint-Pierre».
Le monde politique italien suivait avec anxiété et préoccupation l'agonie du Pape. Les partis politiques ont décidé d'annuler les manifestations prévues hier pour clore la campagne en vue des élections régionales des 3 et 4 avril, en signe de respect pour Jean-Paul II. Les élections se tiendront cependant comme prévu.
L'Eglise catholique a de son côté commencé à préparer les fidèles à sa disparition, et invite un peu partout dans le monde à «prier pour le Pape, qui vit le dernier moment de sa vie».
Si le Pape vient à mourir, des services funèbres seront célébrés pendant neuf jours et il sera inhumé entre le quatrième et le sixième jour suivant son décès, selon les dispositions qu'il a édictées dans sa constitution apostolique de 1996. Le conclave chargé d'élire son successeur doit se réunir dans un délai de quinze à vingt jours après la mort du Pape.
Le document, très précis, édicte les procédures et les interdits après le décès du Pape pour ses funérailles et l'élection de son successeur. Sa mort doit être constatée officiellement par le prélat en charge de la fonction de camerlingue et annoncée au peuple romain par le cardinal vicaire de Rome.
Les cardinaux devront ensuite «fixer le jour, l'heure et de quelle façon le corps du pontife défunt sera porté dans la basilique vaticane pour être exposé à l'hommage des fidèles».
Son inhumation aura lieu en la basilique Saint-Pierre, sauf en cas de dispositions testamentaires contraires.
Selon certains de ses compatriotes, Jean-Paul II aurait souhaité pouvoir être inhumé en Pologne, à Wadowice, près de Cracovie, dans le tombeau de famille. La question sera tranchée si le Pape a laissé un testament.

La presse française dresse le bilan du "pape d'un siècle"

Samedi 2 avril - TF1 : 10h31

La grande majorité des quotidiens français consacraient samedi matin leur Une et des cahiers spéciaux à Jean-Paul II. Pendant que les catholiques veillent sur le pape, les journalistes dressent un premier bilan du pontificat.

L'heure est au bilan du pontificat de Jean Paul II pour les grands quotidiens français qui, à l'exception du journal communiste L'Humanité, consacrent leur Une et des cahiers spéciaux au souverain pontife mourant, "le pape d'un siècle".

Le Figaro (droite) titre sur "la fin de Jean Paul II" et revient, dans un dossier spécial de 32 pages, sur la jeunesse, la personnalité et le parcours du pape polonais "jailli d'une Europe cadenassée". Il analyse longuement le "testament spirituel laissé aux hommes", le corps de doctrine de celui qui s'était fait l'apôtre d'une "nouvelle évangélisation" à l'heure de la mondialisation. Le Figaro reprend aussi le texte d'une conférence donnée par l'ancien archevêque de Paris, le cardinal Jean-Marie Lustiger, où celui-ci affirme que "Jean Paul II a exercé parmi les nations la compassion de l'Eglise, proclamée lors du (concile) Vatican II".

Comme dans la plupart des journaux, des photos intimes et joyeuses du jeune Karol Wojtyla, en randonnée, à bicyclette ou au ski, contrastent avec celles montrant le vieux pape malade. Tout en voyant dans Jean Paul II "le pape d'un siècle", la "dernière figure marquante du siècle avec Castro", Libération (gauche) souligne non sans ironie le statut d'icône planétaire de Jean Paul II, dans un éditorial intitulé "star system". Par sa maîtrise des outils de communication, son "quart d'heure de célébrité a duré un quart de siècle", estime-t-il. Dans un cahier spécial de huit pages qui s'ouvre sur une photo montrant le pape recueilli, les yeux fermés et affrontant un vent qui pourrait être celui de l'Histoire, le journal retrace la vie du "militant de Dieu".

Comme d'autres quotidiens, Libération rappelle au moyen d'une carte du monde ses voyages effectués dans plus d'une centaine de pays en 27 ans de pontificat et décrit un pape "conservateur" en matière idéologique. Plus anecdotique et amusant, le quotidien dessine sur une page un portrait du pape à travers une série d'objets et de photos : Vierge noire, papamobile et... couvre-chefs ("Jean Paul II a été immortalisé avec tous les couvre-chefs possibles").

Aujourd'hui/Le Parisien, qui consacre une dizaine de pages à "l'adieu" à Karol Wojtyla, a choisi aussi de présenter le pape en infatigable voyageur, évoquant ses visites en France et notamment les Journées mondiales de la jeunesse de Paris en août 1997.

L'Humanité Hebdo titre, sans pages spéciales, sur "la longue agonie du pape", au-dessus d'une photo montrant les fidèles rassemblés place Saint-Pierre dans l'attente de nouvelles de la santé de Jean Paul II. Lyrique, France-Soir annonce "l'envol d'un homme de paix", évoqué dans un cahier spécial de 15 pages riche en photos dont celle, reprise par presque tous les quotidiens, du pape s'entretenant avec le Turc Mehmet Ali Agca, qui avait tenté de l'assassiner en 1981.

Le cahier spécial de La Croix, quotidien de référence de l'actualité religieuse, n'était pas encore disponible en kiosque samedi à 05H30.

L'agonie du pape à la Une de la presse française

AP | 02.04.05 | 09:26


PARIS (AP) -- «La messe est dite», «La fin du pape», «L'adieu» ou encore «L'agonie du pape», «L'ultime voyage», «Le monde prie pour Jean Paul II»: la Une des quotidiens français était consacrée samedi aux dernières heures de la vie de Jean Paul II, au lendemain de la diffusion de communiqués alarmants préparant la communauté catholique à la disparition du souverain pontife.
«Le procès en béatification de Karol Wojtyla commencera à la minute même où sa vie finira», estimait Gérard Dupuy dans «Libération», qui affichait en Une «La messe est dite», avec le visage du pape semblant peu à peu disparaître derrière la fenêtre de ses appartements, encadré de voilages blancs. «Lui qui a fait des saints à tour de bras a mérité comme peu d'entre eux cette marque de gratitude de l'Eglise catholique pour ceux qui l'ont bien servie», soulignait l'éditorialiste en parlant de «Star system».
«Le Figaro» affichait lui une photo pleine page du pape, le visage baissé, en Une d'un cahier spécial de 32 pages illustré de nombreuses photos, consacré au pontificat de Jean Paul II, au «testament spirituel laissé aux hommes par Karol Wojtyla», à ses éventuels successeurs ou encore à l'émotion considérable suscitée par son agonie.
Un Jean Paul II de profil apparaissait également pleine page en Une du «Parisien», souligné de ce simple mot: «L'adieu», avec 12 pages sur Jean Paul II. «France Soir» titrait lui sur «L'envol d'un homme de paix».
Du côté de la presse régionale, «Ouest France» titrait en première page «L'agonie de Jean Paul II». «Aujourd'hui, notre émotion est grande mais notre gratitude l'est encore plus pour ce serviteur des serviteurs de Dieu qui avec tant de force, d'audace et de courage a su mener le bon combat», considérait François Régis Hutin, dans un éditorial intitulé «Serviteur fidèle».
«Le dernier combat», titrait «L'Est Républicain» en consacrant six pages spéciales au souverain pontife, alors que Pierre Taribo parlait d»'Un géant» dans l'éditorial. «Il y a quelque chose de poignant et de pathétique dans ce long combat que certains jugent contraire à la dignité humaine. Mais ce pape qui marquera l'Histoire, cet homme qui a choisi la voie de l'exigence, n'a jamais pu se résigner à guider la barque du Vatican vers des eaux plus tranquilles», soulignait Pierre Taribo.
«Du Saint-Père, on retient aussi son insatiable goût pour les voyages. Animé par l'esprit du rassemblement, porté par l'accueil qu'il a reçu partout, Jean Paul II restera le plus grand pèlerin de l'Eglise (...). Au point qu'il a parfois accordé plus de soin et d'attention à son message universel qu'au fonctionnement de la Curie où les jeux d'influence et les guerres de clans se sont réveillés ces derniers mois sur fond de succession».
«La Montagne» elle évoquait en Une «L'ultime voyage», avec une photo du pape semblant faire un geste d'adieu.
Avec «Le monde prie pour Jean Paul II», «Le Bien Public» mettait pour sa part l'accent en Une sur l'émotion des fidèles et leur ferveur qui ont accompagné le pape.
«Adieu Jean Paul II», écrivait «l'Union» en montrant en première page les dizaines de milliers de fidèles rassemblés dans la nuit place Saint-Pierre de Rome, pour accompagner le souverain pontife dans son ultime combat. «L'Ardennais» évoquait lui «Les dernières heures», avec une photo sur le recueillement des catholiques.
«La Provence» évoquait de son côté «L'homme face à Dieu», «L'homme de conviction», «L'homme des rencontres» ou encore «des voyages» dans un «Spécial Jean Paul II». AP

Trop catholique pour un pape

Le Temps.ch

Bernard Guetta
Samedi 2 avril 2005

On ne voulait pas entendre. Même quand ce pape, il y a trois ans, retournait en Pologne pour le dire, on ne voulait pas entendre qu'il aura été l'un des premiers et des plus constants critiques du triomphe libéral, de ce laisser-faire qui écrase les plus faibles et menace les cohésions sociales.
La page soviétique n'était pas tournée, sa première bataille était à peine gagnée, que Jean Paul II martelait que l'homme n'est pas fait pour l'économie mais l'économie pour l'homme, que le triomphe du capitalisme ne devait pas faire oublier l'impératif social, que l'Eglise défendait et défendrait la solidarité, son enseignement, contre la seule loi du profit.
Sept mois avant la fin de l'URSS, il le proclamait par une encyclique. Ce pape qui avait fait tanguer le communisme bien avant qu'il ne sombre appelait les catholiques à rejeter le modèle américain. Cela aurait dû faire sensation, susciter le débat, mais Centesimus annus ne fit pas de gros titres, malgré toutes les homélies qui l'ont suivie, sur tous les continents.
Même lancé de Cracovie en 2002, de la ville même où il avait, en 1979, rassemblé cette Pologne qui allait bientôt donner le signal de l'effondrement soviétique, le propos n'avait pas été reçu.
C'est tout juste si l'on avait mentionné sa condamnation, dès l'arrivée de son ancien évêché, de la «bruyante propagande du libéralisme», d'un «système qui aspire, disait-il, à gouverner le monde avec une conception matérialiste de l'homme». «Il n'y a pas, avait-il lancé, d'avenir positif à construire sur l'appauvrissement de l'homme, l'injustice et la souffrance» mais les libéraux s'étaient bien gardés de relever le gant et la gauche de saluer cette convergence.

Ce pape gênait.

Il gênait d'autant plus que, d'un même souffle, avec autant de force et d'entêtement, il pourfendait aussi les manipulations génétiques, l'euthanasie, le divorce, l'avortement, le recul de la famille, la prétention de l'homme à se faire Dieu.

Ça ne faisait pas moderne.

Ça ne l'était pas. Cela faisait même tellement archaïque que Jean Paul II hérissait autant les progressistes qu'il faisait peur aux libéraux. Dès l'écroulement du mur de Berlin, on avait, donc, préféré l'enterrer avec le communisme mais son interrogation sur les nouvelles frontières de la science n'était pas seulement légitime. Elle était aussi nécessaire, tout comme son rigorisme aurait appelé une autre réaction que la dérision.
Si désuets qu'aient pu paraître son intransigeance sur la sexualité et son évident effroi de la chair, si excessive qu'ait été cette bataille pontificale, il n'en est en effet pas moins vrai que la fin des tabous et la libération sexuelle ont encore à inventer leur morale, à concilier liberté individuelle et responsabilité commune.
Pas plus que l'époque, Jean Paul II n'aura su trouver les mots pour le dire. Sans doute ne le pouvait-il pas car il sera resté un homme d'interdits, car la foi demeurait, pour lui, une soumission à Dieu, pas une tension vers l'achèvement individuel et social; mais plutôt que de rejeter les questions qu'il lui a posées, la liberté devrait se soucier d'y répondre.
Il y faudra du temps, ce siècle au moins, et comment ne pas s'incliner devant ce Polonais sorti, tout en muscles, du silence de l'Europe communiste pour lancer au monde son: «N'ayez pas peur!»; devant ce pape qui était revenu chez lui sous l'état de guerre pour citer la Bible à sa descente d'avion: «J'étais en prison et vous m'avez visité...»; devant ce pourfendeur de la dictature de l'argent et cet avocat des laissés-pour-compte; devant cet homme de courage et de convictions?
Les catholiques ne l'aimaient guère. Ce père leur posait trop de problèmes. Mais un athée, étranger à la foi de Jean Paul II et, plus encore, à sa morale sexuelle, peut le dire: il fut un grand homme, l'un des plus grands du siècle passé.

© Le Temps, 2005 . Droits de reproduction et de diffusion réservés.

Parmi les «papabile», les Italiens sont favoris

JEAN-PAUL II Plus du tiers des électeurs, qui se réuniront le moment venu en conclave pour nommer le 265 e pape de l'histoire, ont été choisis par le Pape

Sophie de Ravinel
[Le Figaro, 02 avril 2005]

Sur les 117 cardinaux qui entreront en conclave pour élire le 265e pape de l'histoire, 114 ont été choisis et créés cardinaux par Jean-Paul II, les trois autres par Paul VI. Parmi ces derniers se trouve le cardinal Joseph Ratzinger, doyen du Sacré Collège et préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Le cardinal allemand a donc une certaine expérience derrière lui en matière de conclave. Son influence doctrinale et spirituelle sur l'Eglise catholique a été essentielle depuis son arrivée au Vatican, en 1981.
Certains voient en lui un éventuel successeur, mais cette probabilité est très faible. Son rôle essentiel sera sans doute l'exhortation spirituelle. Il veillera pourtant probablement à ce que les cardinaux soient bien conscients des défis devant lesquels se trouve l'Eglise et qui, pour lui, sont essentiellement la sécularisation ou la perte de la foi en Occident, le respect de la culture de la vie – un des piliers de l'actuel pontificat – ainsi que le maintien d'une tradition doctrinale vivante telle que Jean-Paul II la concevait.
L'élection de Jean-Paul II, polonais, a créé un choc considérable en 1978. Pour la première fois depuis 1522, un non-Italien n'avait pas été élu pape. Or, un certain nombre de cardinaux ont laissé entendre ces derniers temps qu'il serait peut-être bon de revenir aux Italiens, en particulier pour les qualités qu'on leur prête en matière de gouvernement, à la fois souples, habiles et déterminés.

Le 23 mars dernier, dans une interview accordée au quotidien argentin La Nacion, le cardinal archevêque de Varsovie et primat de Pologne, Jozef Glemp, a affirmé ouvertement ce que certains pensent tout bas : «J'y suis très favorable (NDLR : à l'élection d'un Italien) parce que parmi eux il y a vraiment des hommes très habiles, qui savent ce qu'ils font.» Parmi les vingt cardinaux italiens qui entreront en conclave, deux sont particulièrement placés sous l'oeil des caméras et l'oeil observateur des autres cardinaux : le cardinal archevêque de Venise, Angelo Scola, et le cardinal archevêque de Milan, Dionigio Tettamanzi. Angelo Scola est âgé de 64 ans. Cette figure incontournable de l'épiscopat italien est un universitaire formé à Fribourg qui a parcouru le monde dans le cadre de la fondation des Instituts Jean-Paul II, consacrés à la famille. Ancien recteur de l'université pontificale du Latran, il est connu pour son franc parler. Son engagement doctrinal se situe dans la droite ligne de l'enseignement de Jean-Paul II et il est particulièrement engagé dans le dialogue entre l'Orient et l'Occident. Quant à l'archevêque de Milan, âgé de 71 ans, il a été ordonné prêtre par le futur pape Paul VI. Le successeur du cardinal Carlo Maria Martini – qui pourrait jouer un rôle de poids au conclave afin d'unir les voix italiennes – est connu pour son engagement pastoral dynamique, son caractère rond et habile. Il a écrit de nombreux ouvrages de théologie morale et évolue aussi bien dans la sphère ecclésiale qu'économique ou politique.
Pourtant, ces rumeurs concernant un retour en force des Italiens peuvent aussi masquer les inquiétudes des cardinaux en matière de choix dans un collège électeur qui n'a jamais été aussi international. Revenir à l'Italie pourrait aussi être une solution de «repli». Les 117 électeurs sont en effet originaires de 67 pays différents et 77 d'entre eux sont actuellement à la tête d'un diocèse, ce qui ne favorise pas l'homogénéité ou tout simplement la connaissance mutuelle.

Malgré tout, l'Amérique du Sud devrait aussi jouer un rôle de poids avec des candidats qui font une forte impression dans le collège et dans leurs Eglises locales. Parmi eux se trouvent le Brésilien Claudio Hummes, archevêque de Sao Paulo ; le Hondurien Oscar Andrés Rogriguez Maradiaga, archevêque de Tegucigalpa ; mais aussi l'Argentin
Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires, cela malgré une polémique récemment relancée dans son pays sur son rôle et ses positions politiques durant la dictature militaire. Un autre cardinal, moins connu à l'extérieur du collège des cardinaux, est le Chilien Francisco Javier Errazuriz Ossa, archevêque de Santiago du Chili.

Enfin, le continent asiatique étant «le continent du troisième millénaire», une figure est à observer de très près, il s'agit de l'Indien Ivan Dias, archevêque de Bombay.
Ce polyglotte a effectué une très grande partie de sa carrière dans la diplomatie pontificale. Proche des charismatiques et rigoureux en matière doctrinale, il a parcouru le monde avant de s'ancrer dans son diocèse. Les figures qui sortent du lot ne sont pas très nombreuses, mais le collège est très vaste. Les analyses sur les successions ont souvent été imprécises dans l'histoire. Les cardinaux font confiance à l'Esprit saint et ils affirment que ses vues ne sont pas toujours celles des hommes.

Les cardinaux se préparent au conclave

Le processus d'élection débutera entre quinze et vingt jours après le décès du Souverain Pontife

[02 avril 2005]

Le processus de l'élection débutera officiellement dans les quinze à vingt jours suivant la mort de Jean-Paul II, mais le monde catholique entier bruisse déjà des pronostics concernant la succession de l'apôtre Pierre. Jusqu'ici, les cardinaux – à quelques exceptions près – ont toujours été rétifs à l'exercice de la prévision pontificale. Pour eux, cette question ne devait être abordée entre eux ou devant les médias qu'à l'heure de la mort de Jean-Paul II. Alors seulement leur esprit pourra se consacrer pleinement à cette lourde tâche, avant tout spirituelle.
Selon la volonté de Jean-Paul II exprimée dans la constitution apostolique Universi dominici gregis, deux ecclésiastiques seront choisis «pour leur doctrine, leur sagesse, leur autorité morale» afin de proposer d'ici au conclave «deux méditations approfondies sur les problèmes de l'Eglise (...) et sur le choix éclairé du nouveau pontife».
Nul doute que depuis bien longtemps les cardinaux ont commencé à réfléchir sur ces questions, mais les jours précédant le conclave seront précieux et leur permettront d'échanger entre eux les impressions et les attentes. Ces réflexions auront lieu aussi bien au cours des réunions quotidiennes qu'au cours de leurs rencontres avec des personnes extérieures au Sacré Collège. En effet, jusqu'à l'ouverture du conclave, les cardinaux sont libres de circuler dans Rome et de choisir leur lieu de résidence.
Ce n'est que le jour du début des opérations de vote – dans les quinze à vingt jours suivant le décès, selon les textes officiels – que les électeurs devront avoir intégré les murs de la maison Sainte-Marthe, située derrière la basilique Saint-Pierre. C'est dans cette demeure confortable qu'ils logeront tout au long du conclave, entourés par un nombre très restreint de personnes, prêtres, religieux ou laïcs. Ces derniers auront fait le serment de ne rien divulguer des informations circulant dans la maison durant cette période.
De leur côté, aux cours des premières réunions quotidiennes faisant suite à la mort du Pape, les cardinaux auront juré sur les évangiles et devant Dieu «d'observer exactement et fidèlement toutes les normes contenues dans la constitution apostolique Universi Dominici Gregis (...) et de maintenir scrupuleusement le secret sur tout ce qui a rapport de quelque manière que ce soit avec l'élection du Pontife romain, ou qui, de par sa nature, pendant la vacance du siège apostolique, demande le même secret».
Le matin du jour prévu pour l'ouverture du conclave, le Sacré Collège se retrouvera dans la basilique Saint-Pierre pour une messe solennelle dite pro eligendo Papa, ouverte aux fidèles. Ensuite, dans l'après-midi, ils se réuniront dans la chapelle Pauline du Palais apostolique et rejoindront en procession la chapelle Sixtine. Après les rites officiels de la fermeture des portes, les électeurs se retrouveront entre eux et pourront débuter les opérations de vote. Le nouveau souverain pontife devra être élu avec les deux tiers des voix, plus une si le nombre n'est pas divisible par trois. Si les 117 cardinaux électeurs sont entrés en conclave, le pape devra donc être élu avec 78 voix.
Au cours du XXe siècle, les conclaves n'ont pas duré plus de cinq jours, mais étant donné l'internationalisation du collège des cardinaux, tout est possible. Or, en 1996, Jean-Paul II a introduit une nouvelle règle très importante. Si au bout d'une dizaine de jours et d'environ 23 scrutins – entrecoupés de pauses – les cardinaux ne sont pas parvenus à élire un pape, ils devront alors choisir de désigner le successeur de Pierre soit à la majorité absolue des suffrages sur l'ensemble des électeurs, soit à la majorité absolue sur les deux cardinaux ayant obtenu le plus de voix lors du dernier scrutin.


S. R.

Une procédure très formelle pour vérifier la mort

(Reuter.)
[02 avril 2005]

Le Vatican dispose d'une procédure clairement établie pour vérifier la mort d'un pape. Le père Thomas Reese, rédacteur en chef d'America, une revue catholique, et auteur d'un ouvrage sur les arcanes du Vatican, en a décrit les étapes.
Dès que le Pape aura rendu l'âme, le préfet de la Maison pontificale, Mgr James Harvey, informera le «camerlingue», le cardinal Eduardo Martinez Somalo. C'est lui qui certifiera la mort du Souverain Pontife. Cette vérification ne peut se dérouler qu'en présence du maître des cérémonies pontificales, MgrPiero Marini, des prêtres et du secrétaire de la chambre apostolique. Ce dernier signe alors le certificat de décès.
Le camerlingue prévient ensuite le vicaire de Rome, le cardinal Camillo Ruini, qui se charge d'annoncer la nouvelle au peuple de la Ville éternelle.
Dans le même temps, le préfet de la Maison pontificale alerte le doyen du collège des cardinaux, le cardinal Joseph Ratzinger, qui à son tour prévient les cardinaux, les ambassadeurs accrédités auprès du Saint-Siège puis les chefs d'Etat.
Cette procédure est désormais purement formelle. La majorité des fidèles apprendront en effet la nouvelle par les médias.
Jusqu'en 1903, lors du décès de Léon XIII, la mort était vérifiée à l'aide d'un coup porté sur le front du Souverain Pontife avec un marteau d'argent. Selon certains, cette tradition très ancienne n'a néanmoins été totalement abandonnée qu'après la mort de Jean XXIII en 1963.

L'agonie du Saint-Père en direct

Selon le Vatican, le Pape était hier dans un état de santé d'une «gravité évidente»
Le Vatican : de notre correspondant Hervé Yannou
[Le Figaro, 02 avril 2005]

Son souffle était devenu hier soir «superficiel» selon Le Vatican. Jean-Paul II, «conscient» et «très serein», a passé la journée entre la vie et la mort dans sa chambre du palais apostolique au Vatican. Sa lente agonie se fait sous l'oeil des journalistes et des caméras du monde entier, qui tissent un lien matériel entre Rome et les 1,7 milliard de catholiques qui accompagnent par la prière leur pape.
Hier à midi, le porte-parole du Saint-Siège jugeait l'état de santé de Jean-Paul II «stationnaire», mais «d'une gravité évidente». Il évolue d'heure en heure. La pression artérielle était «instable» et les paramètres biologiques «altérés», a rapporté Joaquin Navarro Valls devant un parterre de centaines de journalistes. «C'est une image que je n'avais jamais vue en vingt-sept ans de pontificat, il est lucide, extrêmement serein, avec la volonté d'aller jusqu'au bout», a conclu l'Espagnol, ému jusqu'aux larmes. Cette émotion n'est pas de coutume chez cet homme, au service de Jean-Paul II depuis plus de vingt ans et habitué à affronter les journalistes. Elle révèle le climat dramatique qui a saisi le Vatican.
Le Saint-Père a été victime, dans l'après-midi de mercredi, d'une infection urinaire, d'une septicémie, «et a été victime d'un arrêt cardiaque», avait révélé au petit matin, dans un communiqué, le porte-parole du Saint-Siège. Le chef de l'Eglise catholique a été immédiatement secouru par l'équipe de médecins de garde dans son appartement privé et il a été placé «sous assistance cardio-respiratoire». Une stabilisation de son état de santé s'en est suivie. Elle a été de courte durée. A 19 h 17, mercredi, alors que nul ne connaissait encore la situation dramatique, le Pape a reçu le sacrement des malades, l'extrême-onction. Le septième et dernier sacrement de l'Eglise catholique.
Jean-Paul II meurt doucement en pape et en simple prêtre. Informé de la gravité de son état de santé, il a refusé toute nouvelle hospitalisation. Il a souhaité demeurer chez lui, au Vatican, accompagné de son médecin personnel, Renato Buzzonetti. Deux médecins réanimateurs de l'hôpital Gemelli, où il a été hospitalisé à deux reprises au mois de février, un cardiologue et un otorino-laryngologiste font aussi partie de cette équipe médicale qui entoure le Pape. Son fidèle secrétaire particulier, Mgr Stanislaw Dziwisz, est comme toujours à ses côtés, ainsi que les religieuses polonaises qui le servent depuis le début de son pontificat, il y a vingt-six ans.
Dans les couloirs de la secrétairerie d'Etat, l'atmosphère est lourde. On se prépare à la disparition du Pape. Ainsi, dans la tourmente de ces dernières heures, le Saint-Siège a publié une série de vingt-deux nominations ou de renonciations d'évêques, d'archevêques et de nonces. Des décrets que le Pape a en grande partie signés au cours du mois de mars. S'ils n'avaient pas été rendus publiques et en cas de disparition du Souverain Pontife, ils n'auraient pu être effectifs.
Plusieurs de ses plus proches collaborateurs et des hommes clefs du Vatican se sont aussi succédé au chevet de Jean-Paul II dans la matinée d'hier. Le numéro deux du Vatican, le cardinal Angelo Sodano, le cardinal Joseph Ratzinger, «gardien de la doctrine de l'Eglise» et surtout doyen des cardinaux qui seront appelés à élire le successeur de Jean-Paul II ont peut-être pour la dernière fois rencontré le Pape. Le cardinal Camillo Ruini, vicaire de Rome et le cardinal Edmund Szoka, gouverneur de la Cité du Vatican, l'ont aussi vu. Mgr Leonardo Sandri, le substitut de la secrétairerie d'Etat qui ces dernières semaines était le porte-voix du Pape, Mgr Giovanni Lajolo, «ministre des Affaires étrangères» du Vatican, leur ont succédé. Enfin, c'est Mgr Paolo Sardi qui est monté dans les appartements pontificaux. C'est le bras droit du cardinal camerlingue Eduardo Marinez Somalo. C'est ce dernier qui devra constater la mort de Jean-Paul II. Il aura ensuite la lourde charge de conduire les affaires courantes de l'Eglise jusqu'à l'élection du 265e successeur de Pierre.
Tout semble ainsi prêt pour le dernier voyage de Jean-Paul II. «L'athlète de Dieu» ne lutte plus pour la vie. Il se prépare à se présenter devant celui dont il est le vicaire sur terre. Du fond de son lit, il aurait concélébré la messe hier matin, puis demandé qu'en ce vendredi lui soient lues les quatorze stations du chemin de croix du Christ. Il aurait fait le signe de croix à chacune de ces lectures. Ensuite, il aurait voulu suivre la liturgie des Heures, comme n'importe quel prêtre et religieux catholique. C'est la prière de l'Eglise au fil des heures, une façon de se joindre au Christ. Enfin, il aurait demandé que lui soit faite la lecture de passages de la Bible.
Au-delà des murs du palais apostolique, l'heure est aussi au recueillement. Si les touristes déambulent sur l'avenue fermée à la circulation qui conduit à la place Saint-Pierre, de nombreux fidèles et surtout des jeunes, dont Jean-Paul II a été si proche tout au long de son règne, se sont recueillis, agenouillés en prière, les yeux emplis de larmes, devant les fenêtres du Pape. Autour d'eux, des centaines de journalistes suivent dans la confusion le dernier acte public de Jean-Paul II. La salle de presse du Saint-Siège est désormais ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elle est engorgée de correspondants de presse du monde entier.
Cette ruche est à l'affût de la moindre information, de la moindre rumeur, qui pourrait venir percer l'intimité de la mort de Jean-Paul II, le pape le plus médiatique de tous les temps. Dans cette véritable course à l'information, tout au long de la journée d'hier, des bruits n'ont cessé de courir sur l'évolution de l'état de santé du Pape. On a ainsi annoncé qu'il était dans le coma. Un bruit rapidement démenti par le Vatican. D'autres sources faisaient état de l'annonce imminente de sa mort. Une seule chose est certaine, ce sont les derniers instants de Jean-Paul II. Ce n'est plus qu'une question de temps, avant que toutes les cloches de Rome sonnent le glas.

Une septicémie compliquée d'un choc infectieux

Catherine Petitnicolas
[Le Figaro, 02 avril 2005]

Le Pape était hier en train de livrer sa dernière bataille face aux innombrables maux qui l'assaillaient et contre lesquels il se bat depuis deux mois. Hier, en milieu de journée, le Vatican a fait savoir qu'il était toujours conscient mais restait dans un état «très grave», après des rumeurs démenties selon lesquelles il était tombé dans le coma.
Selon le porte-parole du Vatican, Joaquin Navarro Valls, Jean-Paul II était hier encore «lucide» et attendait la mort «avec sérénité», après avoir reçu jeudi 31 mars en début de soirée les derniers sacrements tant son état s'était dégradé.
A la suite d'une grave infection des voies urinaires, le Souverain Pontife a en effet été victime jeudi 31 mars d'un choc septique, probablement consécutif à une septicémie (dissémination d'une infection bactérienne dans le sang) qui s'est compliquée d'un choc infectieux avec arrêt cardiaque dans la nuit de jeudi à vendredi.
Une équipe de réanimateurs est immédiatement intervenue pour le placer sous assistance cardio-respiratoire dans ses appartements,
Car, toujours selon le porte-parole, le Pape, informé dès le premier moment de la gravité de sa situation, aurait choisi de rester au Vatican, où lui est assurée une assistance sanitaire complète et efficace, au lieu de devoir une fois de plus être réhospitalisé à l'hôpital Gemelli. Le Saint-Père était assisté par son médecin personnel, le docteur Renato Buzzati, par deux médecins réanimateurs, par un cardiologue, un spécialiste en ORL ainsi que par deux infirmiers.
«Tard dans l'après-midi de jeudi, il a été possible d'obtenir une stabilisation temporaire du tableau clinique qui a cependant évolué de manière négative dans les heures suivantes», a souligné le porte-parole, ajoutant hier en fin de matinée que «les conditions d'une gravité évidente demeurent – pression artérielle instable et paramètres biologiques altérés». Un pessimisme qui tranche avec les communiqués habituellement marqués d'une tonalité toujours optimiste de Joaquin Navarro Valls.
Affaibli depuis une dizaine d'années par une grave maladie de Parkinson, le «Pape Courage», âgé de 84 ans, avait dû être hospitalisé à deux reprises depuis début février du fait de sévères complications d'une mauvaise grippe et en particulier de très fortes difficultés respiratoires aggravées par des spasmes répétés du larynx. Pour y surseoir, il avait dû subir le 24 février dernier une trachéotomie qui l'avait depuis cette date privé de parole. Depuis quelque temps, l'illustre patient supportait de plus en plus mal les interventions destinées à nettoyer et à aseptiser la canule de la trachéotomie. Il avait aussi énormément maigri depuis cette dernière intervention.
Le jour de Pâques, dimanche dernier, devant une foule bouleversée, le Souverain Pontife n'est pas parvenu à prononcer le message qu'il s'était pourtant longuement entraîné à dire avec l'aide d'un orthophoniste. «Rien de pire n'aurait pu lui arriver à la fin de sa vie, à lui qui se servait de la parole pour sa mission», a souligné une amie, Danuta Michalowska, 77 ans, comédienne au Théâtre rhapsodique, dont Karol Wojtyla avait fait partie dans sa jeunesse.

L'agonie de Jean Paul II, le recueillement des fidèles

LEMONDE.FR | 01.04.05 | 07h58 • Mis à jour le 02.04.05 | 08h30

Le pape Jean Paul II semblait vivre ses derniers instants vendredi 1er avril au soir, après une nouvelle aggravation de son état de santé qui a plongé dans l'angoisse des dizaines de milliers de fidèles rassemblés sur la place Saint-Pierre.
"Ce soir ou cette nuit, le Christ ouvrira largement ses portes au pape", a déclaré Mgr Angelo Comastri, vicaire du pape pour la Cité du Vatican, au cours de l'homélie prononcée à l'occasion de la veillée pour le pape place Saint-Pierre à laquelle participaient quelque 30 000 personnes.
"Le pape voit et touche déjà le Seigneur", a déclaré de son côté, au cours d'une messe, le cardinal Camillo Ruini, vicaire du pape, qui sera chargé d'annoncer aux Romains le décès du souverain pontife.

"LE PAPE VOIT ET TOUCHE DÉJÀ LE SEIGNEUR"

Une source médicale citée par l'agence de presse italienne Ansa affirmait qu'il "n'y avait plus d'espoir".
Des sources vaticanes ont cependant dû démentir dans la soirée des informations de presse qui avaient commencé à circuler affirmant que le pape était déja décédé.
Un média italien avait ainsi annoncé que l'électroencéphalogramme du pape était plat, avant que l'agence Ansa n'indique que l'appartement du pape au Vatican ne dispose pas d'un appareil pour enregistrer les électroencéphalogrammes.
Un peu plus tôt le porte-parole du Vatican avait publié un bulletin médical qui ne laissait guère d'espoir sur les chances de récupération du pape polonais, âgé de 84 ans. Il annonçait que l'état de Jean Paul II s'était "encore aggravé".
Sa tension était baisse, et il respirait mal. Le Saint-Siège évoquait aussi des insuffisances cardiaque et rénale.
Victime dans la soirée de jeudi d'une brusque poussée de fièvre consécutive à une infection urinaire, Jean Paul II a refusé une nouvelle hospitalisation après deux séjours en février et en mars à la polyclinique Gemelli de Rome, où il avait été admis à deux reprises pour des problèmes respiratoires.
En milieu de journée, le bulletin de santé publié par le Vatican parlait d'un état très grave stabilisé.
Le porte-parole avait alors ajouté que le pape avait reçu dans la matinée plusieurs de ses collaborateurs et qu'il avait demandé la lecture des textes ayant accompagné le dernier chemin de croix du vendredi saint, auquel Jean Paul II n'a pas participé pour la première fois de son pontificat. "Il a fait le signe de croix lors de chacune des quatorze stations du chemin de croix", a déclaré M. Navarro-Valls. Le porte-parole a indiqué qu'en raison de l'état de santé du souverain pontife, la salle de presse du Vatican resterait exceptionnellement ouverte toute la nuit. De jeudi soir à vendredi vers 10 h 30 (heure française), les nouvelles semblaient plus alarmantes. Jeudi soir, l'état de santé du pape s'était aggravé. Il avait reçu les sacrements du malade après une brusque dégradation de sa santé. Vendredi matin, son état a été jugé "critique" après un arrêt cardiaque, a annoncé le Vatican.
Vendredi matin, l'inquiétude est cependant montée d'un cran, lorsque le cardinal italien Camillo Ruini, vicaire de Rome et chargé selon le droit canon d'annoncer la mort du pape, est arrivé au Vatican.

"INFECTION DRAMATIQUE"

Dans une déclaration urgente vendredi matin très tôt, le porte-parole du Vatican, Joaquin Navarro-Valls, a précisé : "Ce matin, les conditions de santé du pape sont critiques. Après qu'il a souffert hier soir d'une infection urinaire, une septicémie s'est déclarée et il a eu un arrêt cardiaque." "Le Saint Père a été immédiatement secouru par l'équipe de médecins de garde dans son appartement privé", a-t-il ajouté. "Le Saint-Père est lucide, conscient et serein", a-t-il précisé. Le porte-parole du Vatican a néanmoins confirmé que Jean Paul II avait reçu le sacrement des malades jeudi à 19 h 17. Il a également précisé que "le Saint Père a exprimé la volonté de demeurer dans sa chambre, où lui sont donnés tous les soins".
Jean Paul II a été victime, jeudi soir, d'une forte fièvre due à une infection urinaire, puis il a été immédiatement pris en charge par l'équipe médicale qui le veille jour et nuit depuis son retour au Vatican le 13 mars après sa deuxième hospitalisation de l'année et une trachéotomie pour l'aider à respirer. Cette infection est dramatique pour une personne atteinte de la maladie de Parkinson, comme le pape, qui est en outre très affaibli. Elle est la conséquence des problèmes de déglutition éprouvés par Jean Paul II, qui ont entraîné une déshydratation et provoqué probablement une cystite, a commenté vendredi le neurologue italien Stefano Ruggieri dans le Corriere della sera.
Selon la chaîne d'informations en continu Sky Italia, l'état de santé du pape demeure "préoccupant", et "les prochaines vingt-quatre heures seront déterminantes". Mais "ce n'est pas un état critique", soutient l'agence catholique polonaise KAI, citant "une personne du plus proche entourage du pape". Tous les collaborateurs de Jean Paul II sont polonais.

MOURIR DIGNEMENT

Une nouvelle hospitalisation a été écartée pour le moment en raison de la faiblesse de Jean Paul II. Tout est néanmoins prêt pour une admission d'urgence à la polyclinique Gemelli, où un appartement lui est réservé en permanence. Mais selon le vaticaniste du quotidien italien La Repubblica, Jean Paul II a demandé à ne plus être hospitalisé et exigé comme dernière volonté "de mourir dignement en souverain pontife dans sa chambre au Vatican devant la place Saint-Pierre".
Les médecins redoutent une septicémie, risque d'évolution d'une infection urinaire, a expliqué jeudi soir un spécialiste italien, le professeur Dante Bassetti. Le pape Paul VI est mort en 1978 à l'âge de 81 ans des suites d'une infection urinaire, rappelle vendredi le Corriere della sera. Jean Paul II lui a succédé après le très bref règne - 33 jours - de Jean Paul Ier.
L'Eglise catholique a commencé à préparer les fidèles à sa disparition, et invite un peu partout dans le monde à "prier pour le pape, qui vit le dernier moment de sa vie". Les cardinaux ne sont pas informés de l'évolution de la santé du Saint-Père. "Si les sources pontificales donnent ces nouvelles, cela veut dire qu'elles ont très peur et qu'elles veulent peut-être nous préparer au pire", a commenté vendredi au quotidien La Repubblica le cardinal Achille Silvestrini, 81 ans, ancien préfet de la Congrégation pour les Eglises orientales.
Le Vatican avait admis, mercredi, que la convalescence de Jean Paul II était "lente" et annoncé la pose d'une sonde naso-gastrique pour "améliorer l'apport calorique et favoriser une bonne récupération de ses forces".

IL A PERDU DIX-NEUF KILOS

Alimenté seulement par perfusion, "le pape a perdu près de dix-neuf kilos depuis son opération", avait déclaré jeudi à l'AFP une source vaticane informée. "C'est pour cette raison qu'une sonde naso-gastrique lui a été mise mercredi", avait-elle précisé. L'entourage du pape est "très inquiet quant à ses capacités de récupération", avait-elle ajouté.
Jean Paul II avait été contraint de déléguer à des cardinaux la présidence de toutes les célébrations pascales. Il est apparu à la fenêtre de son bureau pendant une quinzaine de minutes dimanche après la messe de Pâques, mais malgré ses efforts, il n'a pas pu prononcer la bénédiction "urbi et orbi".
Si le pape vient à mourir, des services funèbres seront célébrés pendant neuf jours, et il sera inhumé entre le quatrième et le sixième jour suivant son décès, selon les dispositions qu'il a édictées dans sa Constitution apostolique de 1996. Le document, très précis, édicte les procédures et les interdits après le décès du pape pour ses funérailles et l'élection de son successeur.
Sa mort doit être constatée officiellement par le prélat en charge de la fonction de camerlingue et annoncée au peuple romain par le cardinal vicaire de Rome.
Les cardinaux devront ensuite "fixer le jour, l'heure et de quelle façon le corps du pontife défunt sera porté dans la basilique vaticane pour être exposé à l'hommage des fidèles". Son inhumation aura lieu en la basilique Saint-Pierre, sauf en cas de dispositions testamentaires contraires.
Selon certains de ses compatriotes, Jean Paul II aurait souhaité pouvoir être inhumé en Pologne dans le tombeau de famille à Wadowice, près de Cracovie. La question sera tranchée si le pape a laissé un testament.


Avec AFP et Reuters

Des dizaines de milliers de Romains ont prié place Saint-Pierre

AFP
[samedi 02 avril 2005 - 08h11]

CITE DU VATICAN (AFP) - Près de 70.000 Romains, rejoints par d'autres fidèles émus et attristés, ont convergé jusqu'à une heure avancée de la nuit de vendredi à samedi place Saint-Pierre, sous les fenêtres du pape, pour accompagner Jean Paul II mourant par des prières égrenées avec ferveur.
L'immense place, où Jean Paul II a présidé tant de célébrations, a accueilli une foule aussi diverse que la ville, avec ses cohortes de séminaristes, de prêtres, de religieuses venues de tous les continents pour parfaire à Rome leur formation théologique, mais aussi des familles entières, des couples d'amoureux, des notables en costume sombre.
Une étudiante en théologie originaire de New York, Marijane, 21 ans, venue avec deux amies portant des bougies, confie son espoir ténu que le pape puisse encore se rétablir: "Un miracle est toujours possible mais que la volonté de Dieu soit faite", dit-elle, un rosaire à la main.
La conférence épiscopale italienne avait appelé la population à venir réciter la prière du rosaire pour le pape, alors que le dernier bulletin de santé laissait prévoir sa fin proche.
La foule, et parmi elle de très nombreux jeunes et adolescents, est arrivée une demi-heure avant la prière et beaucoup sont restés ou sont venus après, malgré un ciel menaçant et la fraîcheur de la nuit.
Des petits groupes déplient des couvertures et des duvets, d'autres s'asseoient en cercle pour chanter, et tous sont visiblement décidés à vivre au plus près les derniers moments de vie du vieux pape polonais.
"Quand le père souffre, ses enfants se serrent à ses côtés, quand le père meurt, ils s'agenouillent et lui offrent affection, admiration et gratitude", a déclaré en introduction Mgr Angelo Comastri, vicaire du pape pour la Cité du Vatican.
"Avant, on venait sur la place pour prier pour la santé du Saint-Père, maintenant on prie pour qu'il passe de ce monde-là au royaume de Dieu", confie un prêtre français de Montpellier, Guy Tardivy.
A 21h00 (19h00 GMT), quelque 30.000 personnes ont envahi l'esplanade, et l'atmosphère retenue était tout autre que celle encore décontractée de l'après-midi, lorsque touristes et curieux se mêlaient aux petits groupes de fidèles. Vers minuit, la police avançait le chiffre de près de 50.000 à 70.000 personnes massées devant la basilique symbole du catholicisme.
Certains, venus en moto, ont le casque sous le bras, d'autres gardent le téléphone portable à l'oreille, des enfants courent, mais peu à peu le recueillement gagne l'assistance.
Pourtant, malgré l'invitation à se rapprocher du parvis de la basilique Saint-Pierre dominant la place, où plusieurs dizaines de prélats debout entourent Mgr Comastri, la plupart préfèrent rester sous les fenêtres des appartements du pape dont les rectangles lumineux se découpent dans la nuit.
"La fenêtre de sa chambre est celle où la lumière est faible", croit savoir soeur Julia, une religieuse franciscaine de la région de Naples, "elle attire tous nos regards".
Sous la conduite du prélat, la foule égrène à mi-voix des "Je vous salue Marie", la prière à la Sainte Vierge à qui Jean Paul II voue un culte fervent. Des célébrants lisent des extraits des Evangiles et de discours de Jean Paul II, dont l'un, qu'il n'avait pu lui-même prononcer, datant du dimanche des Rameaux, le 21 mars.
Le rosaire s'achève par le Salve Regina, une autre prière à la Vierge, et par la litanie des saints. Certains suivent l'invitation de Mgr Comastri à rentrer chez eux mais beaucoup préfèrent rester et attendre.
Ephrem, 31 ans, un étudiant en théologie africain, se dit "heureux de voir un tel soutien au pape. C'est le signe qu'il est très aimé de tous les chrétiens".

Le pape Jean Paul II semble vivre ses derniers instants

AFP
[samedi 02 avril 2005 - 07h55]

CITE DU VATICAN (AFP) - Le pape Jean Paul II luttait contre la mort dans la nuit de vendredi à samedi, alors que des dizaines de milliers de fidèles rassemblés sur la place Saint-Pierre priaient pour lui, tout comme des millions d'autres à travers le monde.
Certains s'accrochaient encore à l'espoir d'un rétablissement. "Un miracle est toujours possible mais que la volonté de Dieu soit faite", disait, un rosaire à la main, une étudiante en théologie originaire de New York, Marijane, 21 ans, venue à Saint-Pierre avec deux amies portant des bougies.
La foule de fidèles, Romains et touristes, rassemblée sous les fenêtres du pape, a atteint près de 70.000 personnes selon la police.
Ils ont égrené des prières, certains ont chanté "Reste avec nous", un refrain souvent entendu dans le passé lors des veillées de jeunes animées par le pape, et qui cette nuit, prenait un sens tout différent.
La plupart semblaient résignés à la disparition de Jean Paul II, y compris les hiérarques de son Eglise.
"Ce soir ou cette nuit, le Christ ouvrira largement ses portes au pape", a déclaré vendredi Mgr Angelo Comastri, vicaire du pape pour la Cité du Vatican, au cours de l'homélie prononcée à l'occasion de la veillée pour le pape place Saint-Pierre.
"Le pape voit et touche déjà le Seigneur", a déclaré pour sa part au cours d'une messe le cardinal Camillo Ruini, vicaire du pape, qui sera chargé d'annoncer aux Romains le décès du souverain pontife.
"Je vous invite à vous rendre par la pensée au troisième étage du palais papal, dans la chambre où le pape est en train de vivre son agonie, pour lui apporter la prière et la consolation", a exhorté également le cardinal Severino Poletto durant une messe à Turin (nord de l'Italie).
Une source médicale citée par l'agence de presse italienne Ansa affirmait de son côté qu'il n'y avait "plus d'espoir".
Mais le Vatican a dû démentir dans la soirée des informations de presse qui avaient commencé à circuler affirmant que le pape était déjà décédé.
Un média italien avait ainsi annoncé que l'encéphalogramme du pape serait plat, avant que l'agence Ansa n'indique que l'appartement du pape au Vatican ne dispose pas d'un appareil pour surveiller l'activité cérébrale.
Un peu plus tôt, le porte-parole du Vatican avait publié un bulletin médical qui ne laissait guère d'espoir sur les chances de récupération du pape polonais, âgé de 84 ans.
Il annonçait que l'état de Jean Paul II s'était "encore aggravé".
"Un tableau clinique d'insuffisance cardiovasculaire et rénale s'est installé. Les paramètres biologiques sont sérieusement compromis", selon le bulletin.
Jean Paul II avait reçu jeudi soir le "Saint Viatique", la communion qui est donnée aux malades proches de la mort.
Pour beaucoup, il est évident que l'on est en train d'assister à l'agonie de Jean Paul II.
Le père Konrad Hejmo, responsable des pèlerins polonais au Vatican et généralement bien informé, estimait vendredi dans la matinée que le pape était "prêt" à mourir, alors que des milliers de fidèles priaient déjà pour lui place Saint-Pierre, sous ses fenêtres.
C'est Jean Paul II lui-même qui a "exprimé la volonté de demeurer dans sa chambre, où lui sont assurés tous les soins", a indiqué son porte-parole Joaquin Navarro-Valls.
L'Eglise catholique a commencé à préparer les fidèles à sa disparition, et invitait à "prier pour le pape qui vit les derniers moments de sa vie".
Des messes et des veillées de prière se tenaient un peu partout dans le monde, de sa ville de Cracovie, en Pologne, dont il avait longtemps été archevêque, aux villes argentines, brésiliennes, américaines ou canadiennes.
A la mort du pape, des services funèbres seront célébrés pendant neuf jours, et il sera inhumé entre le quatrième et le sixième jour suivant son décès, selon les dispositions qu'il a édictées dans sa Constitution apostolique de 1996. Le conclave chargé d'élire son successeur doit se réunir dans un délai de 15 à 20 jours après la mort du pape.
Le document, très précis, édicte les procédures et les interdits après le décès du pape pour ses funérailles et l'élection de son successeur.
Sa mort doit être constatée officiellement par le prélat chargé de la fonction de camerlingue et annoncée au peuple romain par le cardinal vicaire de Rome.
Les cardinaux devront ensuite "fixer le jour, l'heure et de quelle façon le corps du Pontife défunt sera porté dans la basilique vaticane pour être exposé à l'hommage des fidèles".
Son inhumation aura lieu dans la Basilique Saint-Pierre, sauf en cas de dispositions testamentaires contraires.
Selon certains de ses compatriotes, Jean Paul II aurait souhaité pouvoir être inhumé en Pologne dans le tombeau de famille à Wadowice, près de Cracovie.

Chrétiens, juifs ou musulmans: des millions de prières pour le pape agonisant

AFP
[samedi 02 avril 2005 - 07h48]

PARIS (AFP) - De la Pologne aux Philippines, du Kenya au Pérou, qu'ils soient chrétiens fervents, juifs ou musulmans, des millions d'hommes et de femmes de tous horizons continuaient de prier samedi pour Jean Paul II, salué pour son courage et son action.
Victime d'une défaillance cardiaque et d'une septicémie jeudi, le pape luttait toujours contre la mort dans la nuit de vendredi à samedi mais le Vatican ne laissait plus d'espoir sur les chances de récupération du pape polonais, âgé de 84 ans.
Dans les grandes villes et les lieux de pèlerinage catholiques, des messes et des prières spéciales ont été dites: à New Delhi, Cologne, Paris, Moscou, Bethléem, Bagdad, New York, Sydney, Nairobi, Abidjan... mais aussi à Fatima (Portugal), Lourdes (France) ou Czestochowa (Pologne), où la basilique du monastère de Jasna Gora abrite l'icône de la Vierge noire, vénérée par le pape.
Sur l'île indonésienne de Nias, ravagée lundi par un séisme qui a tué 1.300 personnes, la cathédrale Sainte-Marie de Gunung Sitoli a été transformée en morgue, mais un office spécial devait avoir lieu "pour Sa Sainteté".
Aux Etats-Unis, le porte-parole de la Maison Blanche Scott MacClellan a indiqué que "le président (George W. Bush) et Mme Bush se joignaient à tous ceux qui dans le monde prient pour le Saint-Père".
De Chicago à Dallas ou dans le quartier italien de San Diego (ouest), des fidèles sont venus allumer des bougies dans les églises. A Boston, où il avait effectué sa première visite américaine, en 1979, des portraits de Jean Paul II ont été accrochés dans la basilique.
Au Portugal, en Irlande, en Slovaquie, en Croatie, et dans les pays latino-américains, évêques, archevêques et cardinaux ont appelé les fidèles à prier avec ardeur.
Mais sans attendre ces appels, les catholiques ont afflué spontanément par milliers vers les églises dès l'annonce de l'aggravation de la santé du pape, comme en Lituanie, où 75% de la population est catholique, ou aux Philippines.
Au Québec, la plus catholique des provinces canadiennes, ils étaient des centaines à prier dans les églises et notamment à l'Oratoire Saint-Joseph, le plus imposant édifice religieux de Montréal, dont le fondateur, le Frère André, avait été béatifié par Jean-Paul II en 1982.
L'Amérique latine, qui rassemble la moitié des catholiques du monde, suivait avec angoisse et ferveur l'agonie de Jean Paul II, priant sans discontinuer.
En Colombie, le président Alvaro Uribe a souligné la force spirituelle de Karol Woytila estimant que le pape est un "exemple de sérénité" et de "détermination de fer" qui doit inspirer les Colombiens.
Au Brésil, le plus grand pays catholique du monde, le cardinal Claudio Hummes, archevêque de Sao Paulo, pressenti comme possible successeur du pape, a appelé toute la population à prier pour Jean Paul II "afin que Dieu l'assiste et le réconforte".
Au Mexique, l'angoisse était tellement forte que le président du Sénat Diego Fernandez de Cevallos avait même annoncé le décès de Jean Paul II imposant une minute de silence avant de s'apercevoir de son erreur.
Toute la Pologne, pays natal de Jean Paul II, s'était unie vendredi dans la même ferveur de prières et de messes, dont l'une célébrée par un proche du pape, le cardinal Franciszek Macharski de Cracovie, a été retransmise en direct par la télévision.
Plus tôt, le Premier ministre Marek Belka avait exprimé sa tristesse et sa "douleur" face aux nouvelles de Rome et à son "impuissance" à "aider" et "protéger" l'enfant chéri du pays.
Les habitants de Cracovie, ville dont Karol Wojtyla a été l'archevêque avant d'être pape, se sont massés devant une fenêtre du palais des évêques, où Jean Paul II apparaissait lors de ses pèlerinages.
L'ancien président polonais et Prix Nobel de la Paix, Lech Walesa, a appelé la population à prier pour celui qui a été selon lui "le Saint Pierre de notre temps". "Sans le Pape, le communisme serait tombé dans le sang", a affirmé samedi Lech Walesa dans une interview au journal français Le Figaro.
Les juifs polonais devaient également réciter une prière spéciale au cours du sabbat à la synagogue de Varsovie. "Depuis deux mille ans, personne n'a fait autant que Jean Paul II pour la réconciliation entre les juifs et les catholiques", a souligné le Grand rabbin de Pologne Michael Schudrich.
La prière du vendredi a aussi donné le coup d'envoi de cérémonies spéciales pour le pape dans toutes les mosquées du pays, qui compte quelque 7.000 musulmans.
"Toutes nos prières vont vers le pape", a déclaré en France le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Dalil Boubakeur, rendant hommage à "la dimension exceptionnelle de ce serviteur de Dieu" qui a "reçu une grande sympathie de la part des musulmans".
Mehmet Ali Agca, le Turc qui avait tenté d'assassiner Jean Paul II en 1981, priait lui aussi dans sa prison d'Istanbul.
En Italie, les partis politiques ont annulé les manifestations prévues pour la fin de la campagne électorale pour les régionales des 3 et 4 avril, en signe de respect.
Sur la place Saint-Pierre de Rome, des dizaines de milliers de fidèles ont veillé une partie de la nuit sous les fenêtres du pape, et à l'aube, ils étaient encore des centaines, déterminés à l'accompagner, par leurs chants et prières, jusqu'au bout de son agonie.
A Jérusalem et Bethléem, les Palestiniens chrétiens suivaient les nouvelles avec angoisse. Jean Paul II avait été accueilli en sauveur le 22 mars 2000 par les réfugiés palestiniens du camp de Dheicheh, près de Bethléem, d'où il avait appelé à une aide internationale pour mettre fin à leurs souffrances.
Qu'ils émanent de religieux ou d'hommes d'Etat, de croyants ou de non croyants, les hommages se multipliaient pour saluer le travail accompli par Jean Paul II pendant son pontificat.
"Exemple moral" pour le monde entier, selon le chef de l'Eglise catholique d'Angleterre et du Pays de Galles, Cormac Murphy-O'Connor. "Grand Européen" et "homme de paix" qui a contribué à faire de l'Europe "une terre réunifiée", selon le ministre français de l'Intérieur Dominique de Villepin.
En Russie, le Polonais Igor Kovalevski, secrétaire exécutif de la Conférence des évêques catholiques de Russie, a insisté sur "le rôle immense joué par le pape dans l'établissement de la démocratie dans les pays de l'Europe de l'Est et en Europe centrale".
Le président ukrainien Viktor Iouchtchenko, lui-même orthodoxe, s'est déclaré fier que "la vie du pape soit liée à l'Ukraine". Le pape a visité l'Ukraine en 2001 et y a célébré plusieurs messes, partiellement en ukrainien.
La Chine, qui n'entretient pas de relations avec le Vatican, a officiellement souhaité que le pape puisse se "rétablir rapidement".

La lutte finale de Jean Paul II

Vendredi soir, le souverain pontife âgé de 84 ans a perdu conscience. Les fidèles se sont rassemblés par milliers sur la place Saint-Pierre.

Par Eric JOZSEF

samedi 02 avril 2005 (Liberation - 06:00)
Rome de notre correspondant

Eemus et bouleversés, plusieurs dizaines de milliers de pèlerins priaient vendredi soir sur la place Saint-Pierre à Rome, sous les fenêtres du pape Jean Paul II à l'agonie. «Le pape voit déjà et touche déjà le Seigneur», a affirmé au cours d'une messe le cardinal Camillo Ruini, vicaire du pape, qui sera chargé d'annoncer aux Romains le décès du souverain pontife. Il a appellé les fidèles à venir sur la place où ont été installés des écrans géants. Peu avant, le porte-parole du Vatican, Joaquin Navarro-Valls reconnaissait que «l'état du pape s'était encore aggravé». En fin de matinée, déjà, le Vatican admettait la gravité de l'état de santé du pape avec «une pression artérielle instable et des paramètres biologiques altérés». Plus tôt encore, le porte-parole avait déjà précisé que «les conditions de santé du pape sont critiques. Après qu'il eut souffert vendredi d'une infection urinaire, une septicémie s'est déclarée et il a eu un arrêt cardiaque».
Agé de 84 ans, atteint depuis des années de la maladie de Parkinson, Jean Paul II, qui avait subi une trachéotomie le 24 février dernier, ne réagissait plus à la thérapie d'antibiotiques qui lui avait été administrée en urgence jeudi soir pour faire front à l'infection des voies urinaires. Jean Paul II avait reçu dès jeudi en fin d'après-midi l'extrême-onction, aujourd'hui rebaptisée le saint-viatique, l'Eucharistie donnée aux malades agonisants. L'information avait été aussitôt diffusée par de nombreux organes de presse, obligeant le porte-parole du Vatican à intervenir publiquement dans la nuit. Sous la pression des médias et des fuites alimentées par des sources internes ou médicales, le Vatican a été contraint de réagir pratiquement en temps réel. Vendredi matin, la télévision italienne SkyItalia annonçait par exemple que le pape était tombé dans le coma. Joaquin Navarro-Valls avait été contraint de commenter la nouvelle et de démentir l'information. Jean Paul II est «toujours conscient», avait-il affirmé, ajoutant qu'il était aussi «lucide et extrêmement serein» et que le pape avait vendredi matin concélébré la messe, demandant à ses collaborateurs de lui lire les textes du Chemin de croix : «Il s'est signé lors de chacune des 14 stations.»
Selon son porte-parole, Jean Paul II aurait refusé de retourner à la polyclinique Gemelli : «Le Saint Père a exprimé la volonté de demeurer dans sa chambre où lui sont assurés tous les soins.» D'après certains journaux italiens, la faiblesse du souverain pontife aurait de toute manière empêché un nouveau transfert à l'hôpital. Dès vendredi matin, la chambre du pape a été l'objet d'un inhabituel défilé de prélats laissant clairement entendre que le Vatican se préparait à l'organisation de l'après-Jean Paul II.
Outre le secrétaire d'Etat Angelo Sodano, Premier ministre du Saint-Siège et l'archevêque Leonardo Sandri, substitut de la secrétairerie d'Etat, le cardinal Camillo Ruini est venu au chevet du pape. C'est à lui, en tant que vicaire de Rome, qu'il revient d'annoncer publiquement le décès du souverain pontife. Le cardinal Joseph Ratzinger, qui en tant que doyen du collège des cardinaux présidera le futur conclave, le cardinal Edmund Szoka, président du gouvernorat de la cité du Vatican et l'archevêque Giovanni Lajolo, qui fait office de ministre des Affaires étrangères, lui ont aussi rendu visite. Le camerlingue Eduardo Martinez Somalo, qui sera chargé de gérer l'interrègne a, quant à lui, dépêché son adjoint, monseigneur Sardi.
Tout est donc en place pour la disparition de Jean Paul II après vingt-sept ans de pontificat. A la hâte, le Vatican a même communiqué vendredi la nomination de onze nouveaux évêques et de deux nonces apostoliques que Jean Paul II avait signée avant l'aggravation de son état de santé. «Si les sources pontificales donnent ces nouvelles, cela veut dire qu'elles ont très peur et qu'elles veulent peut-être nous préparer au pire», avait prévenu vendredi matin le cardinal Achille Silvestrini, ancien préfet de la Congrégation pour les églises orientales.
Toute la journée, des milliers de fidèles se sont rassemblés et les télévisions italiennes ont multiplié les éditions spéciales. Devant l'aggravation des conditions de santé de Jean Paul II, les partis politiques italiens ont décidé d'annuler toutes les manifestations prévues à l'occasion de la dernière journée de campagne pour les importantes élections régionales de dimanche et lundi. Un peu après 20 heures, une agence italienne annonçait même : «L'électroencéphalogramme du pape est plat.» Une affirmation immédiatement démentie par le Vatican. Mais moins d'une heure plus tard, monseigneur Angelo Comastri débutait la veillée de prière place Saint-Pierre en lâchant : «Ce soir ou cette nuit, le Christ ouvrira tout grand ses portes au pape.»

Jean-Paul II, l'émotion et la prière

JEAN-PAUL II Le Souverain Pontife a décidé d'affronter la mort dans sa chambre face à la place Saint-Pierre, où les croyants affluent

[02 avril 2005]

Le pape Jean-Paul II, 84 ans, vivait hier soir ses derniers instants, au soir d'un pontificat exceptionnel.
Le cardinal Camillo Ruini, vicaire de Rome, a appelé les Italiens à prier pour le pape dont la santé n'a cessé de se détériorer, tandis que les fidèles du monde entier se rendaient dans les églises pour offrir leur soutien au Pape.
Le cardinal, à qui revient la charge, selon le droit canon, d'annoncer à la population la mort d'un pape, fait partie des prélats qui ont vu Jean-Paul II hier.
De son côté, le père Konrad Hejmo, responsable des pèlerins polonais au Vatican et généralement bien informé, a estimé que le Pape était «prêt» à mourir, alors que des milliers de fidèles priaient pour lui place Saint-Pierre, sous les fenêtres du Pape.
C'est Jean-Paul II lui-même qui a «exprimé la volonté de demeurer dans sa chambre, où lui sont assurés tous les soins», a indiqué le Vatican. Selon le quotidien italien La Repubblica, Jean-Paul II avait demandé à ne plus être hospitalisé et exigé comme dernière volonté de «mourir dignement en souverain pontife dans (sa) chambre au Vatican devant la place Saint-Pierre».
Le monde politique italien suivait avec anxiété et préoccupation l'agonie du Pape. Les partis politiques ont décidé d'annuler les manifestations prévues hier pour clore la campagne en vue des élections régionales des 3 et 4 avril, en signe de respect pour Jean-Paul II. Les élections se tiendront cependant comme prévu.
L'Eglise catholique a de son côté commencé à préparer les fidèles à sa disparition, et invite un peu partout dans le monde à «prier pour le Pape, qui vit le dernier moment de sa vie».
Si le Pape vient à mourir, des services funèbres seront célébrés pendant neuf jours et il sera inhumé entre le quatrième et le sixième jour suivant son décès, selon les dispositions qu'il a édictées dans sa constitution apostolique de 1996. Le conclave chargé d'élire son successeur doit se réunir dans un délai de quinze à vingt jours après la mort du Pape.
Le document, très précis, édicte les procédures et les interdits après le décès du Pape pour ses funérailles et l'élection de son successeur. Sa mort doit être constatée officiellement par le prélat en charge de la fonction de camerlingue et annoncée au peuple romain par le cardinal vicaire de Rome.
Les cardinaux devront ensuite «fixer le jour, l'heure et de quelle façon le corps du pontife défunt sera porté dans la basilique vaticane pour être exposé à l'hommage des fidèles».
Son inhumation aura lieu en la basilique Saint-Pierre, sauf en cas de dispositions testamentaires contraires.
Selon certains de ses compatriotes, Jean-Paul II aurait souhaité pouvoir être inhumé en Pologne, à Wadowice, près de Cracovie, dans le tombeau de famille. La question sera tranchée si le Pape a laissé un testament.

4.01.2005

Jean-Paul II entre la vie et la mort

«L'état de santé du pape est très grave», a annoncé le porte-parole du Vatican ce matin. «Après qu'il ait souffert hier soir d'une infection urinaire, une septicémie s'est déclarée avec un arrêt cardiaque», a précisé Joaquin Navarro-Valls dans une déclaration urgente. Son entourage redoute une issue fatale, alors que Jean Paul II, 84 ans, a reçu hier soir les sacrements du malade. Un nouveau communiqué officiel, qui pourrait être le dernier, est attendu vers 12 h 45.

(Avec AFP.)
[01 avril 2005]

Le pape Jean Paul II, 84 ans, était ce matin dans un état «critique» après un arrêt cardiaque et a reçu les sacrements du malade hier soir après une brusque dégradation de sa santé, a annoncé le Vatican.
Le cardinal Camillo Ruini, vicaire de Rome, à qui revient la charge, selon le droit canon, d'annoncer à la population la mort d'un pape, s'est rendu au Vatican dans la matinée, et a appelé les Italiens à prier pour Jean Paul II dont la santé «s'aggrave».
Et le père Konrad Hejmo, responsable des pèlerins polonais au Vatican et généralement bien informé, a estimé que le pape était prêt à mourir.
«Le pape comprend que la situation est très difficile mais il est serein. Il a concélébré la messe, il a pris la communion comme viatique, en fait il est prêt» à mourir, a dit le religieux polonais, alors que quelques centaines de fidèles se trouvaient rassemblés sur la Place Saint-Pierre, après avoir entendu les informations sur le chef de l'Eglise catholique.
Le Vatican a toutefois démenti dans la matinée que Jean Paul II soit dans le coma comme l'avait indiqué quelques instants plus tôt la chaîne d'information en continu Sky Italia.
Le pape «n'est pas dans le coma», a déclaré une source autorisée vaticane.
Une nouvelle déclaration du Vatican sur l'état du pape devait être rendue publique en fin de matinée.
Quelques heures plus tôt, le porte-parole du Vatican avait annoncé dans une déclaration que le pape était dans un état critique. «Après qu'il eut souffert hier soir d'une infection urinaire, une septicémie s'est déclarée et il a eu un arrêt cardiaque», avait-il précisé.
«Le Saint Père a été immédiatement secouru par l'équipe de médecins de garde dans son appartement privé» et il a été placé «sous assistance cardio-respiratoire», a-t-il ajouté.
«Le Saint Père est lucide et conscient et serein», a-t-il précisé. Le porte-parole du Vatican a néanmoins confirmé que Jean Paul II avait reçu «le Saint Viatique jeudi à 19H17 (17H17 GMT)». Le Saint Viatique est l'eucharistie (la communion) qui est donnée aux malades proches de la mort, ce qui était auparavant appelé extrême-onction.
M. Navarro-Valls a également précisé que «le Saint Père a exprimé la volonté de demeurer dans sa chambre où lui sont assurés tous les soins».
Selon le vaticaniste du quotidien italien la Repubblica, Jean Paul II avait demandé à ne plus être hospitalisé et exigé comme dernière volonté «de mourir dignement en souverain pontife dans sa chambre au Vatican devant la Place Saint Pierre».
L'infection urinaire est dramatique pour un malade du Parkinson comme le pape, qui est en outre très affaibli. Elle est la conséquence des problèmes de déglutition éprouvés par Jean Paul II qui ont entraîné une déshydratation et provoqué probablement une cistite, a commenté vendredi le neurologue italien Stefano Ruggieri dans le Corriere della Sera.
Les médecins redoutaient la septicémie qui s'est déclarée vendredi.
L'Eglise catholique a commencé à préparer les fidèles à sa disparition, et invite un peu partout dans le monde à «prier pour le pape qui vit le dernier moment de sa vie».
Jean Paul II avait été contraint de déléguer à des cardinaux la présidence de toutes les célébrations pascales. Il est apparu à la fenêtre de son bureau pendant une quinzaine de minutes dimanche dernier après la messe de Pâques, mais malgré ses efforts, il n'a pas pu prononcer la bénédiction «urbi et orbi».
Si le pape vient à mourir, des services funèbres seront célébrés pendant neuf jours et il sera inhumé entre le quatrième et le sixième jour suivant son décès, selon les dispositions qu'il a édictées dans sa Constitution apostolique de 1996. Le conclave chargé d'élire son successeur doit se réunir dans un délai de 15 à 20 jours après la mort du pape.
Le document, très précis, édicte les procédures et les interdits après le décès du pape pour ses funérailles et l'élection de son successeur.
Sa mort doit être constatée officiellement par le prélat en charge de la fonction de Camerlingue et annoncée au peuple romain par le cardinal vicaire de Rome.
Les cardinaux devront ensuite «fixer le jour, l'heure et de quelle façon le corps du Pontife défunt sera porté dans la basilique vaticane pour être exposé à l'hommage des fidèles».
Son inhumation aura lieu en la Basilique Saint Pierre, sauf en cas de dispositions testamentaires contraires.
Selon certains de ses compatriotes, Jean Paul II aurait souhaité pouvoir être inhumé en Pologne dans le tombeau de famille à Wadowice, près de Cracovie.
La question sera tranchée si le pape a laissé un testament.
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