9.02.2005

Sant'Egidio, la rencontre des religions

La Croix

La 19e rencontre internationale « Hommes et religions » se tiendra du 11 au13 septembre à Lyon. C’est la première fois que la communauté Sant'Egidio organise ce grand rendez-vous interreligieux en France. Portrait de cette communauté, qui allie présence auprès des pauvres et action pour la paix.
Une information peu banale attire l’attention, le 4 octobre 1992, sur une communauté catholique romaine encore peu connue hors de la Ville éternelle : le gouvernement mozambicain et la guérilla qui le combat, la Renamo, viennent de signer à Rome, au siège de la communauté de Sant ’Egidio, un accord de paix. Il allait permettre à cette ancienne colonie portugaise, ravagée depuis l’indépendance par une guerre civile qui a fait plus d’un million de morts, de passer d’un conflit armé à un conflit politique.
Un tel défi exigeait, de la part du parti unique marxiste, l’acceptation d’une opposition, et, de la part de la guérilla, de se transformer en opposition politique. Une belle histoire, fruit d’un travail patient de « diplomatie populaire », dira le secrétaire général des Nations unies, Boutros Boutros-Ghali, qui va contribuer à bâtir la réputation d’expertise en négociations de paix d’une communauté dont ce n’était pas l’objectif de départ.
Sant'Egidio – Saint-Gilles, en italien –, c’est le nom d’une petite église du XVIIe siècle et de la petite place du Trastevere, quartier populaire devenu touristique de la rive droite du Tibre, où cette communauté a élu domicile en 1973, dans un ancien couvent de carmélites. C’est aujourd’hui le siège et le centre nerveux de l’activité d’une communauté qui s’est progressivement internationalisée, jusqu’à compter plus de 40 000 membres.

En 1968, un lycéen de 18 ans...

Au départ, en février 1968, un lycéen de 18 ans, Andrea Riccardi, rassemble un groupe de jeunes du lycée Virgile, avec pour ambition de vivre l’Évangile dans leur ville, Rome. « Nous nous sommes demandé : que veut dire être chrétien dans la vie de la cité ? », raconte le fondateur de Sant'Egidio, qui précise : « Nous ne parlions pas de sécularisation, mais de cette façon de croire, de prier, d’écouter dans la ville. »
Cette volonté va d’abord conduire les jeunes lycéens dans la périphérie de Rome, à la rencontre de tous les immigrés du sud de l’Italie qui s’entassent encore à cette époque dans des bidonvilles, notamment à proximité immédiate de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs ou à Primavalle, à l’ouest de la ville. Là, dans un monde dur, violent même, souvent gangrené par la petite criminalité, les jeunes étudiants mettent en place une écoute, un service et un lien d’amitié, en même temps qu’ils viennent faire l’école après les cours.
La méthode portera si bien ses fruits qu’elle est reproduite, sous le nom d’« École de la paix », dans bien des communautés de Sant'Egidio dans le monde, notamment en Afrique. Le modèle de ces pionniers, c’est la communauté chrétienne primitive, telle qu’on la découvre dans les Actes des Apôtres, et saint François d’Assise, « parce qu’il se voulait laïc, vivant au milieu de tous, dans l’humilité ».

Une présence aux quartiers défavorisés

Les jeunes membres de la communauté naissante, venus de quartiers plutôt favorisés, vont ainsi développer leurs activités à l’extérieur de Rome, là où se trouvent les plus pauvres. Pendant quatre ans, on vit travailler anonymement parmi eux le recteur de l’Institut biblique de l’université grégorienne, futur cardinal et archevêque de Milan, Carlo Maria Martini. Sant'Egidio, écrira-t-il, « c’est l’Église qui commence vraiment par le début. C’est la demande insistante, de l’intérieur, du profond du cœur : où vit-on aujourd’hui l’Évangile de la manière la plus authentique ? »
Aujourd’hui, bien plus peut-être que l’activité internationale – pourtant débordante – de Sant'Egidio , c’est dans cette présence perpétuée auprès des plus pauvres que l’on peut découvrir l’essentiel de la vie de la communauté de Rome, et la réalité de celle des petites communautés réparties dans une soixantaine de pays.
C’est à Sant'Egidio qu’il faut par exemple s’adresser si l’on s’intéresse aux SDF romains. La communauté a même obtenu de la mairie que ces exclus disposent d’une domiciliation virtuelle dans une rue virtuelle, la « via Modesta-Valenti », du nom d’une femme morte en 1983 après un malaise dans l’indifférence générale, parmi les clochards de la gare Termini avec lesquels elle vivait. Chaque année, lors de la messe anniversaire de la communauté, les SDF sont là, nombreux, dans le fond de la nef de la basilique Saint-Jean-de-Latran, à bonne distance des personnalités qui se pressent aux premiers rangs.

Une prière de type monastique, un bref commentaire par un laïc

Mais le ressort principal de la vie de Sant'Egidio , c’est le soir qu’il se donne à découvrir, au moment de la prière quotidienne, dans la basilique Santa-Maria-in-Trastevere comme dans toutes les communautés du monde qui lui sont rattachées. La prière et la communication de l’Évangile à travers le service des pauvres, tels sont les deux piliers de Sant'Egidio. Une prière de type monastique, à travers le chant des psaumes, conclue par un bref commentaire de l’Écriture habituellement effectué par un laïc de la communauté.
Chaque soir, la basilique est pleine, faisant voisiner des membres de Sant'Egidio venus de toute la ville, des gens qui travaillent avec eux et de nombreux touristes qui viennent s’associer à la prière commune, qui devient aussi un moment d’accueil. Le visiteur étranger peut bénéficier d’écouteurs et de la traduction simultanée.
Cette découverte de Sant ’Egidio à l’occasion d’un voyage à Rome a largement contribué à l’essaimage de la communauté à travers le monde. Celui-ci n’a pas été calculé, prévu, et il n’y a pas eu de fondations comme c’est la tradition des congrégations religieuses. Le plus souvent, les communautés ont démarré sur l’initiative d’individus ou de petits groupes qui s’étaient imprégnés de l’esprit de Sant'Egidio lors de séjours romains, par exemple dans les universités pontificales. Ce fut le cas en Italie et en Europe, puis, plus tard, en Amérique centrale et en Afrique.

Le succès au Mozambique, des difficultés en Algérie

Dans les années 1980, des membres de Sant'Egidio en coopération au Mozambique se rendent compte que le développement n’est pas possible sans la paix. La communauté va alors déployer tous ses efforts pour rendre la négociation possible entre les deux camps. Sur son initiative, toute une série de partenaires – gouvernement italien et Église mozambicaine compris – vont s’allier pour amener peu à peu les intéressés à trouver un terrain d’entente. Jusqu’à l’accord du 4 avril 1992 – jour de la Saint-François d’Assise, ce qui n’est sans doute pas un hasard. Aujourd’hui, Sant'Egidio est toujours actif au Mozambique, où son programme Dream tente d’organiser les soins apportés aux malades du sida.
La réputation de Sant'Egidio grandit, et la communauté va se trouver engagée dans différents processus de paix, souvent dans la plus grande discrétion, mais avec un succès inégal. Présente de longue date en Côte-d’Ivoire, Sant'Egidio a participé par exemple à la rencontre de Marcoussis et continue de jouer dans ce pays un rôle pacificateur. De même, dans la crise des Balkans, de l’Albanie au Kosovo, la communauté a notamment tenté de renouer les fils avec les Églises orthodoxes locales. Un combat qui rejoint ceux qu’elle mène par ailleurs de longue date, contre la peine de mort, et pour la mémoire des martyrs de toutes confessions.
L’initiative de faire se rencontrer en 1994 à Rome les représentants de toutes les tendances politiques algériennes, au plus fort de l’affrontement entre pouvoir et islamistes, aura moins de réussite. Le gouvernement algérien refusa de discuter avec l’ensemble des partis d’opposition, parmi lesquels le FIS. Sant'Egidio sera même montré du doigt par certains pour avoir en quelque sorte valorisé le FIS, alors interdit en Algérie. Pourtant, le dialogue reprendra cinq ans plus tard en Algérie, après l’élection du président Bouteflika.
L’autre grand événement qui a orienté la vie de la communauté de Sant'Egidio , c’est bien sûr la rencontre interreligieuse d’Assise de 1986. Andrea Riccardi et les siens, qui avaient trouvé auprès de Jean-Paul II un soutien immédiat dès 1978, vont entretenir l’esprit d’Assise avec l’appui explicite du pape, à travers la réunion interreligieuse annuelle « Hommes et religions » – celle-là même qui va se tenir pour la première fois en France dans une semaine à Lyon.

Oecuménisme et esprit d'Assise

Un engagement important, alors que l’initiative du pape n’avait pas recueilli que des approbations dans la curie. Le cardinal Ratzinger notamment, alors qu’il n’était pas encore Benoît XVI, est toujours resté réservé vis-à-vis de ce type de réunion. Mais il a respecté, le 25 août dernier, l’usage de son prédécesseur recevant les responsables de la communauté avant chacun de ces rassemblements.
Tous ces contacts ont permis à Sant'Egidio de jouer également un rôle éminent sur le plan œcuménique, singulièrement avec les orthodoxes, jamais très à l’aise avec la hiérarchie catholique. Ainsi est-ce l’excellent déroulement de la rencontre « Hommes et religions » de Bucarest, en septembre 1998, qui ouvrit la voie à une visite de Jean-Paul II en Roumanie six mois plus tard, la première dans un pays majoritairement orthodoxe, en plein accord avec le patriarche Teoctist. Ce fut comme un grand dégel.
Les lycéens du lycée Virgile ont aujourd’hui un peu vieilli, et de nouvelles générations sont venues renforcer Sant'Egidio, dans le même esprit, avec la même confiance dans la prière et cette « force faible qui se refuse à la violence mais ne se résigne pas à l’impuissance ». « Notre communauté, dit Andrea Riccardi, ce sont tout simplement deux ou trois hommes ou femmes qui se retrouvent pour prier, qui se sentent amis, qui vivent la compassion pour les pauvres. »
Encore peu implantée et mal connue en France, Sant'Egidio va s’y présenter pour la première fois au grand public. L’exemple de fraternité et de dialogue interreligieux de ces rencontres sera, à l’évidence, son meilleur passeport.

Yves PITETTE

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Pour mieux connaître et comprendre Sant ’Egidio
La communauté fondée par Andrea Riccardi compte aujourd’hui plus de 50 000 membres et est présente en groupes locaux dans 70 pays de tous continents, particulièrement dans les grandes villes pour y vivre la prière et la solidarité avec les plus pauvres. Les membres de la communauté ne prononcent pas de vœux et ne vivent pas sous le même toit, mais sont unis par le lien de la fraternité, de la prière et des engagements communs.

Pour la contacter

À Rome : Comunità di Sant ’Egidio, Piazza Sant ’Egidio 3A, I-00156 Roma.
Tél. : 00.39.06.58.56.61.
Site : www.santegidio.org
Courriel : info@santegidio.org

En France : Communauté Sant ’Egidio , 8, rue Bernard-de-Clairvaux, 75003 Paris.
Tél. : 01.40.29.97.70.
Fax : 01.40.29.97.82.
Courriel : santegidio@aol.com

À lire

Sant'Egidio, Rome et le monde, entretiens d’Andrea Riccardi avec Jean-Dominique Durand et Régis Ladous. (Beauchesne 1996, 191 p.)


L’Église catholique vers le IIIe millénaire. Entre intransigeance et modernité, d’Andrea Riccardi. (Desclée de Brouwer 1998, 153 p.)


Sant'Egidio. L’Évangile au-delà des frontières, entretiens d’Andrea Riccardi avec Dominique Chivot. (Bayard 2001, 169 p., 19 euros.)


La Parole de Dieu chaque jour, de Don Vincenzo Paglia. (Parole et Silence 2005, 423 p., 16 euros.)


L’Esprit d’Assise. Discours et messages de Jean-Paul II à la Communauté de Sant'Egidio, de Jean-Dominique Durand. (Cerf 2005, 203 p., 25 euros.)


L’étonnante modernité du christianisme, d’Andrea Riccardi (Presses de la Renaissance, 2005, 285 p., 18 euros.)

À paraître

La Paix préventive, d’Andrea Riccardi, en librairies le 12 septembre. (Salvator, 200 p., 19 euros.)

9.01.2005

Bagdad : Benoît XVI espère « le retour de la concorde sur cette terre martyre »

ROME, Jeudi 1 septembre 2005 (ZENIT.org) - Le pape Benoît XVI espère, en Irak, « que tous les croyants dans le Dieu Unique puissent s’unir pour déplorer toute violence et pour collaborer au retour de la concorde sur cette terre martyre ».
Le pape Benoît XVI a exprimé ses condoléances, dans un télégramme adressé au nom du pape par le cardinal Secrétaire d’Etat Angelo Sodano à Mgr Fernando Filoni, nonce apostolique en Irak, à la suite d’une bousculade meurtrière qui a eu lieu à Bagdad le 31 août, lors d’une procession religieuse chiite.
La foule franchissait le pont al Aimah sur le Tigre lorsque la peur d’un attentat terroriste a provoqué une bousculade qui a entraîné la mort de plusieurs centaines de personnes. De très nombreuses victimes ont péri noyées dans le Tigre. On déplore, selon un bilan provisoire, plus de neuf cents victimes.
« Profondément touché par le grave accident advenu hier près de la mosquée chiite de Al Kazimiyah, qui a causé de très nombreuses victimes parmi les pèlerins rassemblés pour une cérémonie religieuse, le Saint-Père vous charge d’exprimer ses plus vives condoléances aux autorités civiles et religieuses, ainsi qu’aux familles des défunts et blessés, ainsi qu’à la population tout entière », indique le télégramme.
Il ajoute : « Confiant à la Divine miséricorde les personnes mortes si dramatiquement, le Pape prie pour que s’instaure enfin en Irak la réconciliation et la confiance. Il espère que tous les croyants dans le Dieu Unique pourront s’unir pour déplorer toute violence et pour collaborer au retour de la concorde sur cette terre martyre ».

1506-2006 : 500 ans de présence suisse au Vatican

ROME, Jeudi 1 septembre 2005 (ZENIT.org) - L’année 2006 sera l’année des 500 ans de la Garde suisse pontificale. Le site de la garde présente les événements de ce jubilé exceptionnel, à commencer, les 24 et 25 septembre 2005, par des manifestations organisées à Lucerne pour célébrer le départ du premier contingent (cf. http://212.77.1.245/roman_curia/swiss_guard/index_fr.htm).
La petite armée de l’Etat de la Cité du Vatican compte 110 recrues suisses, de religion catholique.
Le site rappelle que la Garde a été fondée par le pape Jules II della Rovere.
Durant le sac de Rome par les lansquenets de Charles Quint, le 6 mai 1527, ce sont 147 des 189 gardes qui seront massacrés pour défendre la vie du pape Clément VII qui pourra se réfugier au Château Saint-Ange par le fameux « passetto ». Parmi les victimes, on compte de nombreux ressortissants de la ville de Zurich.
Le 6 mai est aujourd’hui la journée commémorative annuelle durant laquelle les nouvelles recrues prêtent serment.
En 1970, lorsque le pape Paul VI a aboli tous les corps militaires pontificaux, seule la Garde suisse est restée en service.
L’uniforme des gardes est attribué de façon erronée à Michel Ange, car il a été dessiné par le commandant Jules Repond (1910-1921) qui s’est inspiré des fresques de Raphaël.
Lucerne va célébrer le départ du premier contingent. En effet, dans une lettre datée du 21 juin 1505, le pape Jules II demande à la Diète helvétique de lui fournir d’urgence un contingent de 200 hommes pour assurer sa garde personnelle. Le recrutement commence à la fin du mois d’octobre 1505, principalement dans les cantons de Lucerne et de Zurich.
Un premier contingent de 150 hommes part en plein hiver, empruntant le col du Saint-Gothard. Il fait son entrée à Rome le 22 janvier 1506 et prend immédiatement son service. Dès lors, ce jour est considéré comme la date officielle de la création de la Garde Suisse Pontificale.

8.30.2005

Benoît XVI entrouvre la porte aux intégristes

RELIGION M gr Fellay a été reçu pendant une demi-heure par le Pape à Castel Gandolfo

Le Vatican : Hervé Yannou
[Le Figaro, 30 août 2005]

Benoît XVI a ouvert la porte aux négociations avec les catholiques intégristes. Un pas en avant après les atermoiements du pontificat de Jean-Paul II. Le Pape et leur chef de file, Mgr Bernard Fellay, se sont rencontrés hier. «Conscients des difficultés», ils ont manifesté «leur volonté de procéder par étapes et dans des délais raisonnables» pour parvenir à la réintégration dans l’Eglise de la Fraternité schismatique Saint-Pie X, a indiqué le porte-parole du Saint-Siège, Joaquin Navarro-Valls. «Nous sommes arrivés à un consensus» pour résoudre les problèmes, a déclaré au diapason Mgr Fellay. Et d’espérer que Benoît XVI «trouve la force de mettre fin à la crise dans l’Eglise».
La rencontre d’une demi-heure s’est déroulée à la demande des intégristes et aurait dû rester secrète. Mais l’un des évêques de la Fraternité, le Britannique Richard Williamson, opposé à tout compromis avec le Vatican, avait vendu la mèche en début de semaine dernière. Pour autant, le Vatican est resté très discret. Sur l’agenda officiel du Pape n’apparaissaient hier que les audiences du nouvel ambassadeur d’Equateur et d’un évêque mexicain. Mgr Fellay est entré par la petite porte au palais de Castel Gandolfo.
Le rendez-vous, auquel participait également le cardinal Dario Castrillon Hoyos, chargé par Jean-Paul II de travailler à la réconciliation, s’est déroulé «dans un climat d’amour pour l’Eglise et de désir d’arriver à la pleine communion». Pour y parvenir, la Fraternité Saint-Pie X invoque la «liberté» de la messe selon le rite abandonné depuis le concile Vatican II. Aujourd’hui, Benoît XVI pourrait assouplir les possibilités pour célébrer la messe selon le rite tridentin.
Mais pour les intégristes, il y a une condition préalable à l’avancée du dialogue : la levée de l’excommunication relative à l’ordination de quatre évêques, dont Mgr Fellay, par Mgr Marcel Lefebvre en 1988. Au Vatican, la question est délicate. Si les évêques ordonnés sans l’autorisation de Rome rentraient dans le giron de l’Eglise, ils devraient normalement y retrouver leur ancienne place de prêtre.
Benoît XVI est bien placé pour conduire les discussions avec la fraternité schismatique. Cardinal, il ne jugeait pas illégitimes les mouvements traditionalistes dans lesquels il jouit d’une bonne image. Il y a trois ans, il a correspondu avec Mgr Fellay pour une reprise du dialogue sur des questions théologiques. Le Pape sait que le mouvement est loin d’être marginal. La fraternité Saint-Pie X compte officiellement près de 450 prêtres dans 59 pays, 200 religieuses, 6 séminaires, 180 maisons, 260 chapelles et 200 autres lieux de culte et deux instituts universitaires. La messe préconciliaire est célébrée régulièrement dans environ 650 églises.
Aucun calendrier et aucune modalité n’ont encore été avancés pour ces négociations. Au Vatican, on espère parvenir à ce que de nombreux membres de la Fraternité Saint-Pie X retrouvent le chemin de Rome. Mais on doute aussi, en raison de leurs divisions internes, que tous puissent un jour être réunis autour du Pape.

Benoît XVI tente de se concilier les intégristes catholiques

Monde

Par Catherine COROLLER
mardi 30 août 2005

Les catholiques intégristes de retour dans le giron de Rome ? Hier, Benoît XVI a reçu en audience privée Mgr Fellay, supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X. C'est la première rencontre officielle depuis 1988 entre un pape et le chef de file de la branche la plus intransigeante du catholicisme, qui refuse depuis quarante ans les réformes du concile Vatican II — dont la messe en français —, ce qui lui a valu d'être excommuniée par Jean Paul II. L'élection du conservateur Joseph Ratzinger avait été saluée avec espoir par les intégristes.
Benoît XVI s'étant déclaré favorable au latin, les responsables de la Fraternité Saint-Pie X avaient émis le voeu de le rencontrer. Selon Mgr Fellay, les deux parties sont convenues de «procéder par étapes dans la résolution des divergences».

http://www.liberation.fr/page.php?Article=319964

Mourir avant l’offense

Rebonds

L’annonce de la distribution d’indulgences aux participants des JMJ aurait heurté le prieur de Taizé.

mardi 30 août 2005

Par Germain LATOUR avocat au barreau de Paris.

Une folle, une illuminée, une désespérée a porté la mort au coeur de la prière, et dans le dos de celui qui conviait depuis si longtemps, sans tapage, jeunes et moins jeunes à l’humilité de la foi. Le frère Roger, prieur de Taizé, est mort en plein office de trois coups de couteau qui lui ont été portés. Il n’a pu finir sa prière ni dire amen, ainsi soit-il. Ainsi il fut, ainsi il sera pour l’éternité de son souvenir et la tristesse de notre présent. Cette mort, imbécile entre toutes, nous a laissés sans voix, démunis et déchirés de part en part.
Ce pasteur — au sens littéral du terme, celui qui conduit —, dans la violence paisible de sa foi, dans la certitude fragile du don de soi, avait ouvert une route pour le cœur des hommes et des femmes vers cette fraternité fondamentale : celle d’aimer et de recevoir l’autre. Il a voulu être ce passeur de frontières, celui qui donne la main — celle qui efface les différences qui font injure à Dieu. Fondamentalement chrétien, protestant de culture, il ne se résolvait pas à ce que catholiques et protestants se tiennent de part et d’autre d’un même fleuve d’abondance, chacun attaché à sa rive comme s’il fallait donner un sens à une rivalité que Dieu ni Christ ne pouvaient ni justifier ni comprendre. Cette lucidité farouche de croyant, ce courage de pauvre et cette puissance de samaritain avaient fait de lui, durant plus de cinquante ans, plus qu’un symbole, un témoin. On a envie d’écrire, un apôtre. Des générations sont allées à Taizé, elles en sont revenues plus fortes et plus exigeantes, elles ont mis leurs pas dans ceux de celui qui cheminait pour ouvrir une route plus longue et plus belle. Sans fracas ni tambour, sans jeunisme ni médias, il était un homme de Dieu au milieu d’autres hommes.
On ne peut manquer d’être frappé par les circonstances de cette mort, et le temps où elle est venue s’inscrire. Frère Roger est mort la veille de l’ouverture des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), voulues par Rome cette année à Cologne, au pays de Luther. JMJ troublantes dans leur ordonnancement puisque nous avons appris deux faits d’importance. Le premier, d’apparence mineure, est hautement symbolique : le pape Benoît XVI (Allemand de naissance) se rendrait à la synagogue de la ville de Cologne, mais n’avait prévu aucune visite de temple évangélique dans la patrie de Luther. Au cas où ce symbole n’aurait pas été assez parlant, notamment pour les protestants (qui, en Allemagne, sont aussi nombreux que les catholiques), le Vatican a fait savoir, dès le 8 août, que le pape Benoît XVI accorderait des «indulgences spéciales» aux participants des JMJ de Cologne. Il était ajouté dans le même communiqué que des indulgences «partielles» seraient accordées à ceux qui ne pourraient se rendre à Cologne mais demanderaient à Dieu que les jeunes mûrissent «dans la foi et le respect pour leurs parents» et «s’engagent à vivre en conformité avec les saintes normes de l’Evangile et de l’Eglise». C’est la première fois qu’une telle initiative est prise lors de JMJ, et qu’une telle publicité officielle (décret signé du «grand pénitencier» du Vatican) entoure la renaissance d’une pratique détestable et aux fondements théologiques plus qu’incertains.
A ceux qui les ignoreraient, ou à ceux qui les auraient oubliés, il convient de rappeler deux détails de l’histoire religieuse. Les indulgences sont, ou étaient, «censées épargner au pécheur, après sa mort, les peines de l’enfer ou réduire son temps de purgatoire». Le Christ «remettait» les péchés au pécheur (en un mot, pardonnait), et il n’est pas à notre connaissance qu’il «émettait», en outre, des «bons à valoir» en enfer ou au purgatoire. Pas plus qu’il n’est à notre connaissance - de simple pécheur - que le Christ ait confié à Pierre un pouvoir d’indulgence au lieu de celui du pardon des péchés hinc et nunc (ici et maintenant). Comment, dès lors, un successeur lointain de Pierre a-t-il pu imaginer un «pardon différé» ou un pardon «à faire valoir» ultérieurement ? La question reste entière, et à ce jour sans réponse satisfaite ni satisfaisante. Voilà pour le premier détail.
Le second, qui lui est intimement lié et qui nous renvoie à l’actualité, est à la naissance même de la division entre catholiques et protestants. A la fin du Moyen Age, les indulgences, «ces bons à valoir du pardon» comparables en tout point à des bons du Trésor pour l’au-delà, étaient achetées par les fidèles fortunés contre paiement d’une somme d’argent. On ne méritait plus l’indulgence, on l’achetait purement et simplement. Les sommes ainsi «offertes», pour le «rachat» des fautes, ont atteint des montants très importants qui ont permis à différents papes d’entretenir «leurs» palais, et même de financer intégralement la construction et la décoration de la basilique Saint-Pierre de Rome... Michel-Ange était déjà à l’époque un peintre très coté et donc cher ! C’est ce trafic des indulgences, notamment, qui provoquera en 1517 la rupture du moine Martin Luther avec le pape Léon X. Le moine étant révolté que l’on puisse ainsi - littéralement - acheter son salut avec de l’argent.
Quelle est donc, et que cherche-t-elle, cette Eglise qui, en 2005, dans la patrie de Luther, vient «offrir» à la jeunesse mondiale qu’elle convoque des indulgences, comme Pif dans notre enfance nous offrait un gadget ? Pourquoi après avoir — difficilement — renoncé à la culture du mépris (formule forte et juste de Jules Isaac) à l’égard des juifs, fallait-il initier celle de l’affront à l’égard des protestants en «réinventant» les indulgences dans les terres de Martin Luther ? Vivre, comme l’a fait frère Roger de Taizé dans la patience de Dieu et l’humble impatience de son désir, méritait-il une telle méprise ou affront de Rome ? Vivre, comme le fit frère Roger, debout au milieu du doute et dans la tempête de l’espérance, vivre avec son prochain dans cette proximité qui invalide les différences, vivre parce que les jours vous poussent, c’était déjà beaucoup pour un homme. «Cependant l’être est un miracle plus surprenant que le non-être, c’est devant ceux qui vivent, si l’on y réfléchit, qu’il faudrait se découvrir et s’agenouiller comme devant un autel», écrivait Marguerite Yourcenar. Alors mourir à la veille de l’offense qui devait être consommée à Cologne, mourir néanmoins en prière dans la joie des jours qui devaient venir, ne peut que nous laisser en désarroi car frère Roger nous a confié tant à faire. Voilà pourquoi mourir avant l’offense était une grâce et tout à la fois un testament.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=319898

8.29.2005

Le pape accepte de reprendre le dialogue avec les intégristes

AFP 29.08.05 | 14h16

Le pape Benoît XVI a accepté lundi de reprendre le dialogue avec les catholiques intégristes de la Fraternité Saint-Pie X, lors d'une rencontre avec leur supérieur Mgr Bernard Fellay à Castelgandolfo, sa résidence d'été.
Un communiqué du porte-parole du Vatican Joaquin Navarro-Valls a indiqué lundi que le pape a reçu lundi matin Mgr Fellay "qui en avait fait la demande".
Cette rencontre, à laquelle participait également le cardinal Dario Castrillon Hoyos, membre de la Curie, s'est déroulée "dans un climat d'amour pour l'Eglise et de désir d'arriver à la pleine communion", relève le communiqué.
Il précise que Benoît XVI et le chef de file des catholiques intégristes ont manifesté "leur volonté de procéder par étapes et dans des délais raisonnables", "conscients des difficultés" pour parvenir à la réintégration dans l'Eglise des fidèles de la Fraternité, excommuniée par Jean Paul II en 1988.
La Fraternité Saint-Pie X réclame le retour de la messe en latin selon l'ancien rite abandonné depuis le concile Vatican II et refuse les enseignements de ce concile, notamment l'oecuménisme et le dialogue interreligieux.
L'archevêque français Marcel Lefebvre, alors chef de file de la Fraternité Saint Pie X, avait été excommunié par Jean Paul II pour avoir procédé lui-même à des ordinations d'évêques.

Le pape Benoît XVI reçoit pour la première fois depuis le schisme le chef de file des traditionalistes

LE MONDE | 29.08.05 | 13h10 • Mis à jour le 29.08.05 | 13h10

Le pape Benoît XVI devait recevoir pour la première fois, lundi 29 août, à Castel Gandolfo, sa résidence d’été, Mgr Bernard Fellay, évêque excommunié, supérieur de la fraternité sacerdotale Saint-Pie X et chef de file des catholiques traditionalistes. Ceux-ci sont estimés à 200 000, dont la moitié en France.
Mgr Fellay, un Suisse de 48 ans, est le successeur de Mgr Marcel Lefebvre, évêque français dissident du concile Vatican II (1962-1965), excommunié en 1988, en même temps que les quatre évêques - dont Mgr Fellay - qu’il avait consacrés à Ecône (Suisse) malgré l’interdiction de Jean Paul II. Mgr Lefebvre est décédé en 1991.
Depuis longtemps, Mgr Fellay tentait de forcer la porte du pape. Il avait été brièvement reçu, sans protocole, par Jean Paul II, le 30 décembre 1999. En septembre 2000, il avait déclaré : "Si le pape m’appelle, j’y cours, par obéissance filiale envers le chef de l’Eglise." Le 19 avril 2005, les traditionalistes s’étaient bruyamment réjouis de l’élection du cardinal Ratzinger, considéré comme la personnalité du Vatican la plus proche d’eux.
A la tête de la congrégation pour la doctrine, le cardinal Ratzinger s’était interposé en vain pour éviter le schisme, en 1988. Depuis, il avait multiplié les contacts officieux. Chargée de négocier avec les traditionalistes, la commission Ecclesia Dei du Vatican s’était engagée dans une voie de compromis qui avait permis, en janvier 2002, le ralliement des traditionalistes brésiliens du diocèse de Campos.
Sur la lancée, le cardinal colombien Castrillon-Hoyos, président de cette commission, qui devait assister à l’entretien entre Benoît XVI et Mgr Fellay, avait choqué les catholiques progressistes en célébrant une messe selon le rite préconciliaire (en latin, selon le rite de saint Pie V) dans l’une des quatre basiliques majeures de Rome.
En recevant Mgr Fellay, Benoît XVI fait plus qu’un geste d’apaisement. Il engage un processus de réconciliation et de réintégration de la Fraternité Saint-Pie X — 440 prêtres et 6 séminaires dans 59 pays — dans le giron de l’Eglise. Mais sur quelle base ? Et à quel prix ? Mgr Fellay entend réclamer au pape la levée de l’excommunication des évêques lefebvristes et le droit pour les traditionalistes de célébrer, partout où ils le désirent, la messe selon l’ancien rite. Il ne semble plus exiger un statut d’exception au sein de l’Eglise, longtemps revendiqué.
Le résultat est loin d’être acquis, mais le pari que fait Benoît XVI est risqué. Le camp traditionaliste, divisé sur la question du rapprochement avec le Vatican et traversé par des haines fratricides, est au bord de l’explosion. En 2003, un "dur", l’abbé Philippe Laguérie, ancien curé de Saint-Nicolas du Chardonnet, fief intégriste de Paris, puis de Saint-Eloi, à Bordeaux, avait été exclu pour "mutinerie" pour avoir refusé sa mutation au Mexique. Aujourd’hui, c’est Mgr Richard Williamson, un Anglais — l’un des quatre évêques consacrés par Mgr Lefebvre — qui s’oppose publiquement à l’initiative de son supérieur de se rendre chez Benoît XVI et s’expose à des sanctions identiques.
L’entretien entre le pape et le supérieur de la Fraternité Saint-Pie X risque surtout d’irriter la grande majorité des catholiques, dits "conciliaires", qui redoutent de nouvelles concessions à l’esprit et à la lettre du concile Vatican II. Car rien ne laisse présager un assouplissement des positions traditionalistes sur les contentieux qui avaient été à l’origine de la rébellion de Mgr Lefebvre : la réforme de la liturgie, qu’ils résument par l’abandon du latin et la "nouvelle messe" qu’ils exècrent ; la reconnaissance de la liberté de religion ; le dialogue avec les "hérétiques" protestants, les juifs ou les musulmans, selon cet "esprit d’Assise" qui était cher à Jean Paul II et qu’ils rejettent comme une manifestation de "syncrétisme" .
Toute leur littérature rapporte que les papes Jean XXIII, Paul VI, Jean Paul II, acteurs et héritiers du concile, ont "bradé" l’Eglise, taillé en pièces la "sainte doctrine " et préparé l’"apostasie".

Henri Tincq
Article paru dans l’édition du 30.08.05
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