A Bethléem, un habitant sur dix est parti
Patrick Saint-Paul
Le Figaro, 13 mai 2006, (Rubrique International)
L'encerclement de la ville par Israël a anéanti le tourisme, qui faisait vivre les habitants de la ville natale du Christ.
LE MUR DE «SÉCURITÉ» en béton haut de huit mètres, qui se referme peu à peu sur eux ne fait rien pour contenir l'hémorragie. Les chrétiens de Bethléem étouffent et sont de plus en plus nombreux à s'exiler. Plus que l'arrivée au pouvoir des islamistes du Hamas, c'est la pression de l'occupation israélienne qui les pousse au départ.
D'ici à quelques mois, la «clôture de sécurité», érigée selon Israël pour empêcher les infiltrations de kamikazes palestiniens, encerclera la ville au nord, au sud et à l'ouest, avec le désert à l'est. Les Palestiniens ne pourront plus se rendre à Jérusalem sans permis israélien. «En 2000, nous croyions que la route vers la paix était irréversible, se souvient Georges Freij, un notable chrétien de la ville. J'avais investi 500 000 dollars dans l'ouverture d'un restaurant sur la place de la mangeoire, la place la plus célèbre du monde pour les chrétiens. Je pensais qu'il ne pouvait exister de meilleur investissement.»
L'économie est morte
Son restaurant ferme quelques mois plus tard, juste après le début de l'Intifada. La plupart de ses 35 employés n'ont pas retrouvé de travail. «Avant, nous vivions du tourisme, raconte Georges Freij. Mais qui a encore le courage de visiter Bethléem aujourd'hui ? Des centaines de familles vivaient aussi grâce aux usines de production d'huile d'olive. Maintenant, le mur nous a coupés des oliveraies. L'économie est morte.» La catastrophe sécuritaire, économique et sociale a poussé au départ trois mille personnes, soit 10% de la population, depuis l'an 2000. La plupart sont chrétiens. «Les chrétiens partent plus que les autres parce qu'ils représentent les couches les plus aisées de la population», explique Bernard Sabella, professeur de sociologie à l'Université de Bethléem. Ils ont les moyens financiers de partir, de la famille à l'étranger et parlent souvent des langues étrangères. Les chrétiens ne représentent plus que 25% de la population, selon le professeur Sabella, alors qu'ils étaient encore 75% en 1950.
La plupart d'entre eux déplorent l'arrivée au pouvoir du Hamas. Mais comme Naïm Abou Saad, un épicier de confession grecque-orthodoxe qui continue de vendre de l'alcool, ils jugent que «la politique discriminatoire d'Israël, le soutien aveugle des Etats-Unis à Israël et le silence de l'Europe ont pavé la voie du Hamas». En dehors de l'isolement grandissant des Palestiniens et des conséquences économiques et sanitaires désastreuses, Naïm Abou Saad juge que l'élection du Hamas n'a pas changé la société palestinienne.
«Le Hamas est intelligent, affirme-t-il. Le mouvement a renoncé à instaurer une société islamique, pour l'instant, et se pose en défenseur des droits des chrétiens. Le Hamas sait que l'instauration de la charia accentuerait son isolement vis-à-vis de l'extérieur. Et que sur le plan interne, elle rendrait la situation intenable.» Mais à long terme, il redoute la séparation des garçons et des filles dans les écoles, les universités et les soirées dansantes, et l'interdiction de l'alcool.
Le Figaro, 13 mai 2006, (Rubrique International)
L'encerclement de la ville par Israël a anéanti le tourisme, qui faisait vivre les habitants de la ville natale du Christ.
LE MUR DE «SÉCURITÉ» en béton haut de huit mètres, qui se referme peu à peu sur eux ne fait rien pour contenir l'hémorragie. Les chrétiens de Bethléem étouffent et sont de plus en plus nombreux à s'exiler. Plus que l'arrivée au pouvoir des islamistes du Hamas, c'est la pression de l'occupation israélienne qui les pousse au départ.
D'ici à quelques mois, la «clôture de sécurité», érigée selon Israël pour empêcher les infiltrations de kamikazes palestiniens, encerclera la ville au nord, au sud et à l'ouest, avec le désert à l'est. Les Palestiniens ne pourront plus se rendre à Jérusalem sans permis israélien. «En 2000, nous croyions que la route vers la paix était irréversible, se souvient Georges Freij, un notable chrétien de la ville. J'avais investi 500 000 dollars dans l'ouverture d'un restaurant sur la place de la mangeoire, la place la plus célèbre du monde pour les chrétiens. Je pensais qu'il ne pouvait exister de meilleur investissement.»
L'économie est morte
Son restaurant ferme quelques mois plus tard, juste après le début de l'Intifada. La plupart de ses 35 employés n'ont pas retrouvé de travail. «Avant, nous vivions du tourisme, raconte Georges Freij. Mais qui a encore le courage de visiter Bethléem aujourd'hui ? Des centaines de familles vivaient aussi grâce aux usines de production d'huile d'olive. Maintenant, le mur nous a coupés des oliveraies. L'économie est morte.» La catastrophe sécuritaire, économique et sociale a poussé au départ trois mille personnes, soit 10% de la population, depuis l'an 2000. La plupart sont chrétiens. «Les chrétiens partent plus que les autres parce qu'ils représentent les couches les plus aisées de la population», explique Bernard Sabella, professeur de sociologie à l'Université de Bethléem. Ils ont les moyens financiers de partir, de la famille à l'étranger et parlent souvent des langues étrangères. Les chrétiens ne représentent plus que 25% de la population, selon le professeur Sabella, alors qu'ils étaient encore 75% en 1950.
La plupart d'entre eux déplorent l'arrivée au pouvoir du Hamas. Mais comme Naïm Abou Saad, un épicier de confession grecque-orthodoxe qui continue de vendre de l'alcool, ils jugent que «la politique discriminatoire d'Israël, le soutien aveugle des Etats-Unis à Israël et le silence de l'Europe ont pavé la voie du Hamas». En dehors de l'isolement grandissant des Palestiniens et des conséquences économiques et sanitaires désastreuses, Naïm Abou Saad juge que l'élection du Hamas n'a pas changé la société palestinienne.
«Le Hamas est intelligent, affirme-t-il. Le mouvement a renoncé à instaurer une société islamique, pour l'instant, et se pose en défenseur des droits des chrétiens. Le Hamas sait que l'instauration de la charia accentuerait son isolement vis-à-vis de l'extérieur. Et que sur le plan interne, elle rendrait la situation intenable.» Mais à long terme, il redoute la séparation des garçons et des filles dans les écoles, les universités et les soirées dansantes, et l'interdiction de l'alcool.